Avec Païs, le Loir-et-Cher a-t-il trouvé le remède contre les déserts médicaux ?
La "plateforme alternative d'innovation en santé" déployée sur le sud du Loir-et-Cher renforce le secrétariat des médecins adhérents et l'orientation des appels. En contrepartie, les médecins se rendent disponibles pour des soins non programmés et participent à un système d'astreintes.
Dans la recherche permanente de solutions pour lutter contre la désertification médicale, le Loir-et-Cher pourrait bien avoir trouvé, sinon la martingale, du moins une solution qui semble faire ses preuves. Elle n'est pas vraiment nouvelle, puisque sa conception remonte au début des années 2010 et que sa mise en œuvre effective date de 2013. Mais c'est précisément ce recul et le bilan qu'on peut en tirer aujourd'hui qui la rendent intéressante, bien au-delà des limites du département.
Répondre – déjà – à la crise des urgences
Le constat est partagé avec d'autres départements, notamment ceux comportant de larges territoires ruraux : en trente ans, le nombre de généralistes dans le Loir-et-Cher est passé de 321 en 1989 à 242 en 2019, dont 132 (55%) ont plus de 55 ans. Le département figure ainsi au 75e rang national en termes de densité médicale. Conscients qu'"il n'y a pas de solution miracle pour remédier aux déserts médicaux, seulement une thérapie cousue main permettant d'accompagner les acteurs de la santé pour mettre en place des réponses adaptées aux terrains" (salariat de certains médecins, multiplication des maisons de santé pluridisciplinaires...), le conseil départemental et l'agence régionale de santé (ARS) ont donc décidé de "mettre en place sur le département des remèdes qui fonctionnent tel que la 'plateforme alternative d'innovation en santé', connue sous l'acronyme Païs". Celle-ci est aujourd'hui déployée sur le sud du Loir-et-Cher. Même si le département soutient aujourd'hui le dispositif, l'initiative émane du responsable du Samu du centre hospitalier de Blois et de la direction de l'établissement, confrontés – déjà – à une crise des urgences.
Dégager du temps pour les soins non programmés
L'idée est alors d'inciter les médecins à se coordonner davantage. Païs, qui fonctionne sur la base d'une adhésion volontaire des praticiens, se veut "une plateforme d'orientation et de régulation médicosociale". En pratique, Païs renforce le secrétariat des médecins adhérents et le filtrage et l'orientation des appels – les aides financières permettant de financer par exemple un secrétariat partagé à temps plein –, dégageant ainsi du temps médical. En contrepartie, les médecins se rendent disponibles pour des soins non programmés et participent à un système de "journées d'astreinte", durant lesquels le praticien concerné prend en charge tous les appels justifiant d'une réponse dans la journée. On remarquera au passage que Païs n'est pas sans évoquer le dispositif des assistants médicaux, récemment mis en place dans le cadre d'un avenant à la convention entre l'assurance maladie et les syndicat de médecins (voir notre article ci-dessous du 19 juin 2019).
Selon une thèse rédigée en 2019 par un étudiant en médecine, Païs, qui a également été primé par la FHF (Fédération hospitalière de France), "contribue au désengorgement des urgences des hôpitaux de proximité, avec une baisse de 20% du recours aux urgences des plus de 75 ans" et aurait engendré une économie annuelle de l'ordre de 250.000 euros. Devant cette réussite, son extension est envisagée dans le nord du Loir-et-Cher, où Monique Gibotteau, la vice-présidente du conseil départemental en charge des solidarités, présentait le dispositif début février. Dans un communiqué du 17 décembre dernier, le département se disait d'ailleurs "décidé à lancer, dans les années à venir, une extension de ce dispositif à l'ensemble du Loir-et-Cher". Et d'autres collectivités territoriales se montrent aujourd'hui intéressés par cette approche incitative.