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Investissements en Ehpad : le ministère fixe la stratégie régionale et répartit 700 millions sur trois ans

Une instruction aux agences régionales de santé vient préciser la programmation des investissements dans les Ehpad sur la période 2022-2024. Chaque ARS doit présenter ses priorités régionales. Avec quatre grands cas de figure selon les spécificités du territoire. L'instruction concerne aussi le plus long terme avec la transformation du modèle des Ehpad (conception architecturale, articulation avec le bassin de vie...) ainsi que la programmation des crédits délégués aux ARS, avec des critères de répartition entre régions.

À l'occasion d'un déplacement le 8 octobre à l'Ehpad Saint-Antoine de Desvres (Pas-de-Calais), Brigitte Bourguignon a procédé à un point de situation sur les différents chantiers de la réforme de l’autonomie et annoncé notamment la "stratégie territoriale" du "plan d’investissement massif dans les Ehpad", issu du volet investissement du Ségur de la santé et du plan France relance.
L'Ehpad de Desvres, dont les murs remontent à 1894, se prépare d'ailleurs à lancer un chantier à 7 millions d'euros pour entamer une rénovation en profondeur, dans le cadre du plan d'investissement du Ségur. Lors de son déplacement, la ministre déléguée chargée de l'autonomie a annoncé la diffusion d'une instruction aux agences régionales de santé (ARS), cosignée par le ministère et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie).

"Anticiper les évolutions démographiques et mieux accompagner le vieillissement à domicile"

L'instruction vise la programmation des investissements dans les Ehpad sur la période 2022-2024. Pour mémoire, la programmation des crédits de la première tranche, sur l'année 2021, a fait l'objet d'une circulaire du Premier ministre en mars dernier (voir notre article du 17 mars 2021). La nouvelle instruction précise donc qu'"il s'agit d'investissements pluriannuels sur la période 2022-2024 pour anticiper les évolutions démographiques de la population et mieux accompagner le vieillissement à domicile" (même si les Ehpad restent en réalité très largement au cœur de la programmation). Mais l'instruction s'inscrit aussi dans le mouvement de transformation et de repositionnement des Ehpad (voir notre article du 15 juillet 2021). Dans ce cadre, l'instruction fixe trois priorités : "transformation des Ehpad en vue de leur rénovation profonde", médicalisation accrue (voir notre article du 7 juillet 2021) et ouverture sur le bassin de vie qui les entoure.
La première partie de l'instruction est consacrée à la "stratégie régionale d'investissement territorialisée pour construire et partager une vision de moyen terme des évolutions attendues de l'offre". Elle invite les ARS à présenter leurs priorités régionales avant le 15 octobre 2021, en s'appuyant notamment sur le modèle Livia de la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques), qui permet de réaliser des projections du nombre de personnes âgées de plus de 60 ans entre 2015 et 2050 et donne des répartitions par sexe, tranche d’âge, niveau de perte d’autonomie et lieu de vie. Le délai du 15 octobre peut sembler à première vue intenable, mais les ARS avaient en fait été invitées à travailler sur une stratégie régionale dès la circulaire de mars dernier.

Quatre cas de figure principaux

Les orientations retenues par les agences devront être "territorialisées et différenciées", en distinguant quatre cas de figure principaux. Dans les territoires présentant une offre en établissement "comparativement plus restreinte", les priorités seront orientées sur "l'excellence des soins et des conditions d'hébergement permanent par des reconstructions ou rénovations lourdes". Dans les territoires connaissant des difficultés de maintien à domicile, notamment en milieu rural, la programmation des ARS devra "développer des activités en Ehpad de type 'centre de ressources' pour les professionnels et personnes du territoire", rejoignant ainsi la notion de lieux ressources prévue par le projet de loi de financement de la sécurité (PLFSS) pour 2022, qui réserve une enveloppe de 22 millions d'euros à ce titre (voir notre article du 23 septembre 2021).
Le troisième cas de figure est celui où "l'offre est plus importante en établissement et faible à domicile". Les ARS sont alors invitées à "convertir des places d'hébergement permanent en activités d'appui du soutien à domicile (hébergement temporaire, accueil de jour, répit, fonctionnement en Ehpad 'hors les murs')". Enfin, dans les territoires "où l'offre apparaîtrait comparativement excédentaire, il pourra s'y dessiner une perspective de redéploiement vers des territoires moins bien pourvus".
Dans son communiqué, Brigitte Bourguignon précise que "ce travail des ARS devra être réalisé en associant les acteurs du territoire, collectivités et acteurs professionnels du secteur, afin de proposer le diagnostic territorial le plus adapté à chaque situation locale. Les agences régionales de santé ont jusqu’au 31 mars 2022 pour établir leur programmation régionale". Pour sa part, l'instruction invite les ARS "à associer étroitement à sa conception les conseils départementaux, pour viser à une cohérence avec les schémas stratégiques élaborés par ceux-ci"

Engager la transformation des Ehpad

La seconde partie de l'instruction relève du moyen et long terme, puisqu'elle porte sur la transformation du modèle des Ehpad. Il s'agit en l'occurrence de "créer une nouvelle génération d'Ehpad, caractérisée par le sentiment d'être chez soi", avec des espaces de vie "chaleureux et personnalisés", l'ouverture sur l'extérieur "par le partage d’espaces communs, comme des salles d'exercice physique ou des lieux culturels", un haut niveau de médicalisation, "un modèle économique viable et une conception qualitative". Tout en écartant l'idée d'un "modèle unique", il est également demandé que l'Ehpad puisse "accueillir en son sein des personnes résidant à domicile qui auraient un besoin urgent médical ou de repos, et à l'inverse disposer de la capacité de projeter une intervention à l'extérieur auprès d'établissements ou personnes vivant à domicile".
L'instruction invite donc les ARS à porter une attention soutenue à un certain nombre de points, comme la conception architecturale, l'organisation des locaux, l'implantation et l'articulation avec le bassin de vie... Pour cela, les ARS pourront s'appuyer sur le "laboratoire des solutions de demain", chargé de "guider la transformation de l'offre d'habitat pour les personnes âgées en perte d'autonomie" (voir notre article du 15 juillet 2021).

Des critères de répartition régionaux et un début de péréquation

Enfin, la troisième partie de l'instruction est consacrée à la programmation des crédits délégués aux ARS sur la période 2022-2024. Ainsi – hors Corse et Outre-Mer, qui relèvent d'une enveloppe spécifique et feront l'objet d'une instruction particulière –, les crédits délégués sur la période 2022-2024 s'élèvent à 710 millions d'euros. Avec ceux de 2021, le montant total atteint pratiquement un milliard (990 millions) sur la période 2021-2024.
L'instruction précise également les critères de répartition entre les régions de métropole. Ainsi, l'essentiel de l'enveloppe (90%) est réparti "au prorata du nombre de places habilitées à l'aide sociale pondéré par l'ancienneté moyenne du parc immobilier concerné, calculé sur le périmètre de tous les établissements dont plus de 50% de la capacité est habilitée à l'aide sociale et qui ont renseigné la date de dernière rénovation lourde dans le tableau de bord de la performance"... Les 10% restant sont destinés à engager un rééquilibrage entre régions. Ils sont en effet répartis "au prorata du nombre de places qui seraient à créer par région pour parvenir à la moyenne nationale du nombre de places installées en Ehpad avec hébergement et établissement de soins de longue durée, par personne en GIR 1 à 4 en 2030, où l'estimation du nombre de personnes GIR 1 à 4 en 2030 est issue du modèle Livia de la Drees". Cette estimation tirée du modèle Livia correspond au "scénario central d'évolution de l'espérance de vie et à l'hypothèse intermédiaire d'évolution de la dépendance".

Une péréquation de la péréquation

Le résultat du traitement de cette seconde fraction de la dotation fait ensuite l'objet d'un second traitement dans le même esprit et selon le mécanisme suivant : "5% de l'enveloppe des régions dont le potentiel financier moyen par habitant est supérieur à la moyenne nationale est retiré à ces régions au prorata de leur enveloppe et de leur supériorité à la moyenne du potentiel financier, puis le montant retiré est réparti entre les régions inférieures à la moyenne, selon les mêmes règles de prorata".
Le total des dotations régionales varie assez peu au fil des trois années considérées : 247,5 millions en 2022, 232,5 en 2023 et 230 en 2024. L'instruction précise qu'il s'agit d'"enveloppes annuelles dont l'engagement devra être réalisé intégralement, comme en 2021, en fin d'année". En termes régionaux – et à l'issue des calculs évoqués plus haut –, les enveloppes déléguées vont, par exemple en 2022, de 29,08 millions en Auvergne-Rhône-Alpes et 26,22 millions dans les Hauts-de-France à 12,67 millions en Normandie et 10,40 millions en Centre-Val de Loire. Pour leur part, la Corse – où Brigitte Bourguignon a d'ailleurs effectué une visite ce 11 octobre – et les Outre-mer bénéficieront d'une enveloppe distincte de 75 millions d'euros, dont les modalités de répartition seront indiquées ultérieurement.
Enfin, le ministère précise qu'une enveloppe de 155 millions sera consacrée à "la création de nouveaux logements en 'habitat intermédiaire' (en particulier les résidences autonomie et habitats inclusifs) et à la rénovation de l'offre existante en résidences autonomie". Son déploiement fera l'objet "de différents appels à candidatures et conventionnements avec l'assurance retraite et les départements", tandis que, comme prévu, "une enveloppe de 125 millions relative à 'l'investissement du quotidien' sera déléguée pour l'année 2022".

 

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