Brigitte Bourguignon annonce la fin des Ehpad
La ministre déléguée en charge de l'autonomie a présenté des orientations sur l'évolution des Ehpad (des établissements à la fois plus médicalisés, plus ouverts et plus "vivants"), dont elle souhaite d'ailleurs changer le nom après appel à contributions. Elle a pour cela installé le "laboratoire des solutions de demain". Et a signé une convention liant la CNSA et la Caisse des Dépôts pour "soutenir massivement la rénovation du parc existant et la réalisation de nouvelles solutions".
Depuis quelques jours, Brigitte Bourguignon multiplie les annonces et les initiatives sur la nécessaire évolution du modèle des Ehpad. La ministre déléguée en charge de l'autonomie n'hésite pas à évoquer "la fin des Ehpad", qui pourraient aussi perdre leur nom. Ces initiatives se situent à la fois dans la lignée de la remise en cause du modèle des Ehpad par la crise sanitaire (voir notre article du 14 janvier 2021) et dans le prolongement du Ségur de la santé. Son volet relatif à l'investissement offre en effet l'occasion de faire évoluer ce modèle, grâce à un effort financier massif.
Des Ehpad à la fois plus médicalisés, plus ouverts et davantage lieux de vie
Lors d'un déplacement de deux jours dans le Finistère, les 8 et 9 juillet, Brigitte Bourguignon a visité, de façon très symbolique, trois Ehpad à Landivisiau, Plabennec et Loperhet, qui mettent en œuvre des actions innovantes : maison d'assistantes maternelles (MAM) installée au sein d'un Ehpad, unité médicale mobile dentaire circulant dans tout le département...
Revenue à Paris, la ministre a présenté, le 12 juillet, lors d'une webconférence intitulée "Dessine-moi l'Ehpad de demain", les priorités gouvernementales du Ségur de la santé et du plan de relance pour l'investissement dans les Ehpad. Au cours de cette conférence, Brigitte Bourguignon a repris une célèbre formule historique pour expliquer que "l'Ehpad est mort, vive l'Ehpad". Si la formule est un peu rapide, la ministre n'en a pas moins annoncé trois axes de transformation pour les nouveaux Ehpad. Tout d'abord – et en écho aux propositions innovantes du tout récent rapport des professeurs de gérontologie Claude Jeandel et Olivier Guérin sur les soins en Ehpad et en USLD (voir notre article du 7 juillet 2021) –, des Ehpad "plus médicalisés avec le renforcement du soutien médical (généralisation des astreintes infirmières de nuit, renforcement des équipes mobiles de gériatrie, de soins palliatifs, d'hygiène hospitalière…), la création d'Ehpad centres de ressources et de filières gériatriques d'excellence".
Un "laboratoire des solutions de demain", porté par la CNSA
Ensuite, des Ehpad qui soient de véritables lieux de vie. Sur ce point, Brigitte Bourguignon a confié à l'architecte et urbaniste Patrick Bouchain, récompensé par le Grand prix de l'urbanisme en 2019, une mission en vue d'accompagner la transformation architecturale des Ehpad, notamment au regard des nouveaux usages attendus.
Enfin, des Ehpad plus ouverts sur l'extérieur, comme cela est déjà prôné depuis de nombreuses années. Pour cela, la ministre a installé, le 12 juillet, le "laboratoire des solutions de demain", avec pour mission de "guider la transformation de l'offre d'habitat pour les personnes âgées en perte d'autonomie". La première réunion du laboratoire s'est tenue symboliquement au "Lieu de la transformation publique", porté par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et situé... avenue de Ségur. Ce laboratoire constitue le volet scientifique du Conseil national des investissements en santé, confié à la CNSA.
Dans un communiqué du 12 juillet, celle-ci – qui a engagé la mise en place de cette structure depuis février dernier – précise que "le laboratoire travaillera dans une démarche collaborative, fondée sur la co-construction, l'intelligence collective et l'innovation ouverte". Outre le laboratoire, Brigitte Bourguignon a également lancé un appel aux acteurs économiques et sociaux, afin qu'ils inventent des tiers-lieux pour faire vivre les murs des Ehpad (à l'image de la MAM installée au sein d'un Ehpad du Finistère).
Une convention CNSA-Caisse des Dépôts pour démultiplier l'effort... et un possible changement de nom pour les Ehpad
Côté financement, la ministre a rappelé la mise à disposition des 2,1 milliards d'euros de crédits du Ségur de la santé (dont 450 millions dès 2021), pilotés par les ARS. Sur ce total, 1,5 milliard iront à l'investissement immobilier et 600 millions au le numérique pour des Ehpad connectés. Par ailleurs, 125 millions sont fléchés pour améliorer au quotidien la qualité de vie des résidents et des professionnels. Environ 4.000 actions devraient être financées à ce titre : chariots motorisés, rails lève-malades, détecteurs de chute... D'autres enveloppes plus modestes iront à un fonds d'appui aux démarches territoriales de valorisation de la contribution des seniors à la revitalisation de centres-villes et de quartiers (10 millions), au développement des tiers lieux en Ehpad (3 millions) et à l'innovation territoriale (10 millions).
Le 13 juillet, Brigitte Bourguignon a également signé une convention avec la CNSA et la Caisse des Dépôts, afin de démultiplier l'effort d'investissement de l'État. Cette convention court jusqu'en 2026 et a pour ambition d'"accompagner la stratégie des territoires, soutenir massivement la rénovation du parc existant et la réalisation de nouvelles solutions d'hébergement et développer des solutions innovantes (immobilières, numériques, servicielles)". Sur sa durée, la convention doit mobiliser plus de 3,5 milliards d'euros, dont 25 millions de crédits d'ingénierie pour les stratégies territoriales, 2,5 milliards de prêts pour financer la construction et la rénovation du bâti et 1 milliard de fonds propres en soutien aux investissements à réaliser.
À l'issue de cette stratégie de transformation, les Ehpad ne seront peut-être plus des Ehpad. En effet Brigitte Bourguignon, qui souhaite en modifier le nom, a annoncé son intention de lancer une consultation citoyenne à l'automne sur ce sujet.