À l'horizon 2030, 108.000 résidents de plus en Ehpad ?
Une étude prospective de la Drees met en évidence les forts besoins de créations de places en Ehpad et en résidences autonomie Trois scénarios sont dessinés en fonction du taux d'institutionnalisation. Face à l'évolution démographique inéluctable, il faudra clairement renforcer les solutions alternatives à l'Ehpad. Des prévisions utiles pour les départements qui doivent dès à présent anticiper ces évolutions.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie une étude qui ne devrait pas manquer d'intéresser les présidents et les élus des conseils départementaux. Il s'agit en effet d'évaluer la progression des besoins en places dans les Ehpad à l'horizon 2030. L'échéance est en réalité très proche, sachant qu'il faut plusieurs années pour concrétiser une décision de création d'un Ehpad (voir notre article sur le plan d'aide à l'investissement de la CNSA du 15 décembre 2020). Pour ses prévisions, la Drees se fonde sur son modèle de projection "lieux de vie et autonomie" (Livia).
108.000 places supplémentaires en Ehpad d'ici 2030, puis 211.000 d'ici 2050
Ce modèle prédictif est bien sûr étroitement lié aux évolutions démographiques. En 2030, il est acquis que la France comptera 21 millions de personnes de plus de 60 ans, dont 3 millions seront en perte d'autonomie. En 2050, ces effectifs seront respectivement de 25 et 4 millions. Si les évolutions démographiques sont quasi certaines, les projections de la Drees intègrent des hypothèses aboutissant à trois scénarios différents.
Le premier scénario repose sur l'hypothèse que le taux d'institutionnalisation (proportion de personnes résidant en Ehpad dans la population), resterait identique à son niveau de 2015. En retenant une tendance intermédiaire sur l'évolution de la dépendance, il faudrait alors ouvrir 108.000 places nouvelles en Ehpad et assimilés d'ici à 2030, puis 211 000 places d'ici à 2050. Ces places s'ajouteraient aux 611.000 places actuelles. Pour parvenir à un tel résultat, il faudrait plus que doubler le rythme annuel de créations de places observé depuis 2012.
En résidences autonomie (ex-foyers logements), 33.000 places supplémentaires seraient nécessaires à l'horizon 2030 et 44.000 autres à l'horizon 2050, à comparer aux 104.000 places actuelles. Contrairement au cas des Ehpad, les projections sur les résidences autonomie restent assez stables quelle que soit l'hypothèse retenue sur l'évolution du taux de dépendance, puisque ces structures accueillent en grande majorité des personnes autonomes (du moins à l'entrée).
Deux scénarios alternatifs qui pèsent sur les besoins en résidences autonomie
Si ce scénario central semble le plus réaliste – du moins à l'horizon 2030 – compte tenu de la relative inertie des évolutions en la matière, la Drees retient néanmoins deux autres scénarios. Le second scénario retient ainsi l'hypothèse que le nombre de places en Ehpad reste constant, autrement dit égal au niveau atteint à la fin de 2019 (soit 611.000 places). Le troisième scénario repose, pour sa part, sur une poursuite de la croissance du nombre de places en Ehpad à peu près égale à celle observée entre 2012 et 2018, ce qui conduirait à 660.000 résidents en Ehpad en 2030 (au lieu de 611.000 aujourd'hui).
Face à l'évolution démographique inéluctable, il faudrait donc trouver des solutions alternatives. En effet, pour laisser la place aux personnes dépendantes, les Ehpad ne pourraient plus accueillir de personnes âgées autonomes dès 2030 pour le scénario 2 et dès 2035 pour le scénario 3. Une partie des seniors autonomes et modérément dépendants devraient être orientés vers d'autres types d'habitat. Dans le scénario 2 (et sous réserve de l'hypothèse intermédiaire d'évolution de la perte d'autonomie), il faudrait alors ouvrir plus de 140.000 places en résidences autonomie d'ici à 2030 (soit une multiplication de près de 2,5 du nombre de places actuelles), afin de maintenir les pratiques actuelles d'entrée en résidence autonomie et d'y accueillir, en plus, les seniors autonomes et modérément dépendants qui n'auraient pas de place en Ehpad. Puis 250.000 places supplémentaires seraient ensuite à créer entre 2030 et 2050.
Pour sa part, le scénario 3 (poursuite du rythme actuel de création de places en Ehpad) nécessiterait "seulement" l'ouverture de 90.000 places supplémentaires en résidences autonomie d'ici à 2030, puis de 150.000 entre 2030 et 2050. Le besoin de places s'infléchirait toutefois à partir de 2045.
L'impact de l'évolution de la dépendance
On peut aussi imaginer que seules les personnes modérément dépendantes soient orientées en résidence autonomie, les personnes âgées autonomes étant alors "invitées" à rester à leur domicile. Dans le scénario 2, le besoin de nouvelles places de résidences autonomie tomberait alors à 65.000 places à l'horizon 2030 et à 229.000 places de plus entre 2030 et 2050. Dans le scénario 3, le besoin de nouvelles places de résidences autonomie serait de 32.000 à l'horizon 2020, puis de 114.000 places supplémentaires entre 2030 et 2046, le besoin diminuant à partir de cette date.
Enfin, la Drees observe qu'"une évolution plus optimiste de la perte d'autonomie diminuerait le besoin de places en résidences autonomie". Dans ce cas, il faudrait ouvrir seulement 56.000 places supplémentaires en Ehpad d'ici à 2030, à politique de maintien à domicile inchangée (scénario 1). Et si les ouvertures de places en Ehpad se poursuivent selon le rythme observé entre 2012 et 2018 (scénario 3), seuls 2.300 seniors autonomes ne seraient pas accueillis en Ehpad à l'horizon 2030 et devraient alors soit rester au domicile, soit s'orienter vers une résidence autonomie. À l'inverse, si on retient un scénario pessimiste d'évolution de la perte d'autonomie, 20.000 seniors modérément dépendants et 73.000 seniors autonomes devraient être orientés vers d'autres formes d'habitat à l'horizon 2030.