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Réforme des collectivités - Intercommunalité : l'Etat dévoile ses cartes

Les préfets présentent ces jours-ci les nouveaux schémas de coopération intercommunale tels que prévus par la réforme des collectivités. Partout, la tendance est à des périmètres plus larges. Avec, parfois, des redécoupages assez impressionnants - et, souvent, des élus locaux qui s'en émeuvent. La concertation va se poursuivre jusqu'à ce que les préfets arrêtent les cartes, à la fin de l'année.

L'intercommunalité en France prend un tournant décisif avec la présentation par les préfets, au cours de cette seconde quinzaine d'avril, des schémas de coopération intercommunale (SDCI). Essentiels, ces schémas doivent traduire de manière cartographique les enjeux du volet intercommunal de la réforme des collectivités : le ralliement à l'intercommunalité - que ce soit de gré ou de force - des derniers "villages gaulois", la rationalisation des périmètres, notamment par la liquidation des "intercommunalités défensives", et la suppression des syndicats de communes dont l'existence n'est plus justifiée. Malgré la diversité des territoires, les premiers schémas de coopération intercommunale présentés aux élus confirment de manière très nette ce que ceux-ci pressentaient : les préfets voient l'intercommunalité en grand. Peu embarrassés par les redécoupages, ils comptent réduire drastiquement le nombre des EPCI à fiscalité propre.
Dans le Vaucluse par exemple, le représentant de l'Etat a proposé la constitution de 7 communautés au lieu des 17 qui existent aujourd'hui. En Gironde, la réduction prévue est également supérieure de moitié, puisqu'il s'agit de passer de 45 à 21 EPCI. Le scénario est le même dans les Hautes-Alpes, qui ne devraient plus avoir que 7 intercommunalités au lieu de 20. En Ille-et-Vilaine, le préfet est arrivé à un chiffre de 17 communautés, au lieu des 29 existantes.
Dans les Yvelines en revanche, la situation semble se présenter différemment. Alors qu'il s'agit de l'un des départements où l'intercommunalité à fiscalité propre est la moins développée, "le préfet n'ira pas à marche forcée", affirme l'association départementale des maires, à la veille la présentation officielle du schéma, ce 28 avril. L'Etat procédera par étapes, en préconisant d'abord d'achever la couverture du département en intercommunalités, puis d'en venir, après 2014, au renforcement des actuelles communautés.
En milieu urbain, les intentions de l'Etat doivent conduire à une augmentation sensible de la taille des agglomérations. Ainsi, dans le Vaucluse, l'agglomération d'Avignon-Orange doit se voir rattacher 11 communes du Gard, afin de parvenir à un ensemble de 280.000 habitants (contre 180.000 aujourd'hui dans le Grand Avignon). Dans les Hautes-Alpes, l'Etat veut créer ex nihilo, autour de Gap, une communauté d'agglomération de 57.000 habitants. En Gironde, il préconise la transformation de la communauté urbaine de Bordeaux en une métropole de 780.000 habitants par l'adjonction de 7 nouvelles communes.

"Le risque d'une hausse des impôts"

Evidemment, tous les élus locaux ne sont pas sur la même longueur d'ondes que l'Etat. Un certain nombre d'entre eux, notamment des élus des territoires situés aux portes des agglomérations, vont s'opposer fermement aux desseins préfectoraux en utilisant des arguments... très concrets. Ainsi, à la périphérie de la communauté urbaine de Bordeaux, les élus mettent en avant le risque d'une hausse des impôts. Tout comme le maire d'une commune proche de Gap, qui aujourd'hui n'est membre d'aucune intercommunalité à fiscalité propre. D'autres élus, du côté de Rouen, craignent que le processus de fusion de leur communauté de communes avec la communauté d'agglomération ne se traduise par un délestage de certaines compétences communautaires – comme le social – en direction des communes. Ils s'interrogent sur la possibilité concrète de réaliser ces transferts.
Dans les Bouches-du-Rhône, les élus des communes et communautés voisines de la communauté urbaine de Marseille refuseront majoritairement l'intégration à une grande métropole, si l'hypothèse leur est présentée. "Dans ce cas, il y aura des discussions très vives", déclarait récemment à Localtis le président de la communauté de communes de la Vallée des Baux-Alpilles, Hervé Chérubini, qui est aussi le délégué de l'association départementale des maires sur les questions intercommunales. Au début de l'année, les présidents des 9 intercommunalités du département ont signé une déclaration commune dans laquelle ils ont proposé de créer un pôle métropolitain entre leurs agglomérations, rappelle l'élu. La constitution de ce syndicat mixte aurait le mérite de préserver les EPCI existants, tout en permettant de développer des projets communs, précise-t-il.
Il arrive, certes, que des élus soient favorables à une mutualisation à grande échelle. Quelques-uns sont même partisans d'aller au-delà des préconisations des préfets. Comme le sénateur Pierre Bernard-Reymond dans les Hautes Alpes, qui est favorable à 4 intercommunalités et non 7, comme l'a envisagé la préfète. Mais, majoritairement, les élus locaux et leurs associations nationales recommandent la plus grande vigilance quant à des projets de vastes périmètres.
Une communauté à plus de 100 communes – comme il en est par exemple question autour de Vendôme dans le Loir-et-Cher – peut-elle encore efficacement gérer des compétences de proximité ? Beaucoup en doutent. Y compris, parfois, les élus pourtant partisans de ces grandes communautés ! En Isère, l'un d'eux, a cherché une solution. "Il est venu nous voir en nous demandant s'il pouvait créer à l'intérieur de sa communauté des secteurs avec des budgets annexes", témoigne Emmanuel Duru, responsable des affaires juridiques de l'Assemblée des communautés de France (ADCF). "Or, c'est impossible", conclut-il. Certains élus pourraient aussi être tentés de créer des syndicats intercommunaux pour gérer les compétences de proximité des communautés. Ce qui serait quelque peu en contradiction avec le fameux objectif de réduction du "millefeuille territorial" posé par la réforme territoriale...

"Une épée de Damoclès au-dessus des élus"

Une autre question soulevée par les élus est celle de l'efficacité de conseils communautaires où siègeraient jusqu'à cent représentants des communes, voire plus. A cette difficulté s'ajoute un problème pour les villes centres des communautés. "Leur poids politique au sein du conseil communautaire risque d'être considérablement dilué, alors qu'elles assument des charges de centralité", fait remarquer l'Association des petites villes de France (APVF).
"La réduction du nombre des EPCI ne doit pas être un critère de réussite de la réforme", conclut l'Association des maires ruraux de France (AMRF), selon laquelle il faut d'abord "favoriser la cohérence du projet". Au nom de ce principe, elle va se battre contre une application trop rigoureuse du seuil des 5.000 habitants fixé par la loi.
D'ici début mai, les communes et groupements de tous les départements seront fixés sur le sort que l'Etat leur réserve. Tous les préfets auront alors en effet rencontré officiellement les membres des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI). Les communes et les organes délibérants des EPCI et des syndicats mixtes vont, donc, être prochainement destinataires du schéma de l'Etat. Leurs responsables élus auront trois mois pour se prononcer. Le schéma retournera alors à la CDCI. S'ils ne sont pas favorables à la carte dessinée par l'Etat, les élus membres de la commission pourront l'amender à condition d'arriver à dégager une majorité des deux tiers. Quoi qu'il en soit, le préfet arrêtera le schéma au plus tard le 31 décembre 2011. Au cours de l'année 2012, il pourra s'en écarter s'il le juge nécessaire. La CDCI disposera alors à nouveau du pouvoir de corriger la copie du préfet, si elle arrive à obtenir la majorité qualifiée. Mais des associations comme l'APVF et l'ADCF estiment que ce seuil particulièrement élevé sera difficile à atteindre. "Les élus travaillent sur les schémas avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête", en déduit-on à l'APVF.
Il n'est guère étonnant que dans ce contexte, le président de l'Association des maires de France, Jacques Pélissard, ait souhaité, dans un récent courrier au ministre chargé des collectivités territoriales (courrier à consulter ci-contre), que la carte intercommunale soit établie "en bonne intelligence entre les préfets et les élus siégeant à la CDCI".

Thomas Beurey / Projets publics

Les CDCI sont à pied d'oeuvre
Acteurs majeurs de l'élaboration des cartes intercommunales, les commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI) sont en ordre de marche depuis le début du mois. La loi a considérablement renforcé les prérogatives de ces instances consultatives qui existaient depuis 1992. Elles auront notamment le pouvoir, à la majorité des deux tiers, d'amender les schémas proposés par les préfets. Du coup, les candidatures pour l'élection du mois de mars ont afflué en début d'année. Les grands élus notamment ont voulu en faire partie, alors qu'ils s'étaient jusqu'à présent généralement désintéressés de ces commissions.
Dans plus de 80 départements, les associations de maires ont réussi à constituer une liste unique des représentants des communes et communautés, permettant une représentation équilibrée des sensibilités politiques et territoriales. Ce consensus à l'occasion du renouvellement de la composition des CDCI est de bon augure pour la suite d'un chantier sur lequel il va falloir avancer vite. Or, dans certains départements, les élus entament à peine les discussions. A l'inverse, d'autres, comme en Ille-et-Vilaine et dans le Vaucluse, ont pris de l'avance, en ayant lancé la réflexion il y a déjà plusieurs mois.

 

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