Congrès des maires - Réforme des collectivités : les maires restent défiants
Première rencontre nationale d'élus locaux depuis l'adoption définitive par le Parlement de la réforme des collectivités, le 93e Congrès des maires ne pouvait guère échapper à une table ronde sur le sujet. Certes, le grand public a surtout entendu parler de l'impact de la réforme pour les départements et les régions. Certes, on a désormais coutume de dire que le volet intercommunal fait l'objet d'un certain consensus. Ce qui a d'ailleurs été redit par plusieurs intervenants invités à la tribune du grand auditorium de la porte de Versailles, ce mercredi 24 novembre. Pourtant, les maires savent fort bien que cette réforme des collectivités va les toucher directement du fait de la reconfiguration de la carte intercommunale. Du fait aussi de l'évolution des capacités – capacité juridique ou financière… – qu'auront les départements et les régions à soutenir leurs projets. Et visiblement, cela continue de susciter certaines inquiétudes.
S'agissant du volet intercommunal du projet de loi, bien au-delà des éternelles craintes d'une dislocation de l'identité communale qui se font entendre dès que l'on parle d'intercommunalité, des questions assez précises se font jour concernant notamment l'achèvement de la carte intercommunale, l'élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale, les procédures de fusion d'EPCI et d'extension de périmètres ou encore la désignation des conseillers communautaires.
Nombre de questions et réactions d'"élus de base" ayant pris le micro mercredi depuis la salle en ont témoigné. Tel ce maire d'une commune rurale exprimant sa "peur des fusions forcées" sur un territoire où "on a des petites communautés de communes qui marchent très bien". Tel ce maire de l'Indre se demandant "ce que va faire le préfet" dans "un canton où, pour diverses raisons, on n'arrive pas à faire de communautés de communes". Tel encore cet élu d'une communauté d'agglomération composée de six communes se disant certain que "l'Etat va tout faire pour nous obliger à passer à neuf communes". Avec souvent, en arrière plan, la peur… non pas du loup mais d'un préfet que la loi aurait rendu omnipotent.
"Cela va aller très vite"
Les éléments de réponse qui ont pu leur être apportés par les intervenants montrent clairement qu'alors que la loi n'a pas encore été promulguée, les élus municipaux ont tout intérêt à se préparer dès maintenant aux prochaines échéances. Et qu'en tout cas, l'année 2011 sera déterminante à plus d'un titre. Il a par exemple été rappelé par la voix d'Eric Jalon, directeur général aux Collectivités locales (DGCL), que les nouvelles CDCI (commissions départementales de la coopération intercommunale) seront constituées dans les trois mois suivant la promulgation de la loi. Or, "si les élus veulent se faire entendre, il faut qu'ils investissent pleinement les CDCI", comme le conseille Michel Verpeaux, professeur de droit public venu mercredi présenter les grands enjeux de la réforme. "La composition de la CDCI sera déterminante", a de même prévenu Christophe Sirugue, maire de Chalon-sur-Saône et rapporteur de la commission intercommunalité de l'Association des maires de France (AMF), insistant plus globalement sur "la place que les élus prendront" dans un contexte où le préfet disposera de "pouvoirs assez exceptionnels". Le tout avec, en ligne de mire, la préparation du document de référence pour le devenir de chaque EPCI, à savoir les schémas départementaux de coopération intercommunale qui devront avoir été élaborés d'ici à la fin 2011. "Cela va aller très vite", a commenté Jean-Pierre Chevènement, de facto bien placé pour parler d'une loi portant sur l'intercommunalité.
Evoquant également le fait que la carte intercommunale devra être achevée "très tôt, dans deux ans seulement", l'ancien ministre de l'Intérieur a relevé que certes, 90% du territoire français étaient déjà couverts par l'intercommunalité… mais que les 10% restants correspondaient aux cas les plus difficiles. Eric Jalon l'a parfaitement reconnu. Estimant que les pouvoirs donnés aux préfets sont "énormes", Jean-Pierre Chevènement espère que ces derniers "manifesteront beaucoup de discernement, de doigté, pour tenir compte de l'existant".
Sur certains territoires, on a déjà pris les devants. En Ille-et-Vilaine, par exemple, des "réunions d'information et de réflexion" à destination des élus sont régulièrement organisées depuis fin 2008. "Il s'agit d'informer sur la loi pour que chacun soit prêt et que dans chaque EPCI les élus puissent réaliser un bilan, réfléchir à leur projet d'avenir. Tout cela pour avoir une copie à proposer au préfet, ne pas le laisser en préparer une à notre place", a expliqué Françoise Gatel, présidente de l'association des maires de ce département.
De son côté, Eric Jalon considère que "chaque préfet sait bien que sa copie ne sera appliquée que si elle fait l'objet d'un minimum de consensus". Et le DGCL d'ajouter : "Il est vrai que le préfet aura des pouvoirs exceptionnels. Mais ceux-ci sont faits pour servir le moins possible."
Le cumul de subventions restera possible
S'agissant cette fois des incidences de la nouvelle répartition des compétences entre régions et départements sur les communes et les EPCI, plusieurs intervenants de poids, de Dominique Perben à Gérard Larcher en passant par le président de l'AMF lui-même, Jacques Pélissard, ont insisté sur le fait que le texte finalement adopté était bien plus mesuré que ne l'était le projet de départ. Les larges exceptions consenties pour le cumul de financements de la région et du département ont été mises en avant : le cas des petites communes, les domaines de la culture, du sport et du tourisme, l'adoption à compter du 1er janvier 2015 d'un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. "Tout cela va bien permettre le cumul de subventions dans les domaines vitaux pour les communes", en conclut Jacques Pélissard. Mais, ajoute-t-il, "derrière la réalité juridique, il y a la réalité financière".
Selon le dernier rapport de l'Observatoire des finances locales, l'aide des départements et des régions aux communes a déjà diminué de 10% en 2009, a reconnu Dominique Perben. Venu représenter les départements, Claudy Lebreton, président de l'Association des départements de France, a pour sa part rappelé que "les départements consacrent environ six milliards au financement des projets des communes et des intercommunalités". "Comment allons-nous pouvoir continuer cela ?", demande-t-il.
Venu conclure cette matinée de travaux, le tout nouveau ministre chargé des Collectivités territoriales, Philippe Richert, a confirmé la nécessité de s'interroger sur le financement des dépenses sociales des départements. Et, du côté des régions, de se poser la question de leur "liberté fiscale" alors que 80% de leurs ressources dépendent des dotations de l'Etat. "Il est clair que sur la durée, il sera difficile de rester dans un tel carcan", a-t-il même déclaré. Plus globalement, le nouveau ministre a reconnu la nécessité de conforter "la capacité d'intervention des collectivités".
Pour sa première sortie officielle depuis sa nomination, Philippe Richert - jusqu'ici président UMP de la région Alsace après avoir été président de conseil général - a pour le reste prudemment défendu le bien-fondé de la réforme des collectivités. Il s'est également engagé à "être dans un dialogue" avec les élus "pour construire des projets et mettre en oeuvre la loi et ses adaptations futures".