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Interview - Vanik Berberian : "La carte intercommunale doit être définie par les élus de base"

Réunis en assemblée générale à Lyon, les 9 et 10 avril derniers, les maires ruraux ont dit avec force leur volonté de peser sur les chantiers actuels, notamment les recompositions intercommunales et la péréquation financière. Le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), Vanik Berberian, revient sur les enjeux de ces deux questions pour les territoires ruraux.

Localtis : Les préfets vont présenter à la fin du mois aux élus les schémas départementaux de coopération intercommunale. A la veille de cet enjeu majeur, êtes-vous confiant ? L'Etat saura-t-il tenir compte des spécificités des territoires ruraux ?

Vanik Berberian : Nous sommes préoccupés par la méthode. Lorsque nous l'avons rencontré, le ministre en charge des collectivités nous a affirmé que le seuil de 5.000 habitants que la loi fixe pour les intercommunalités à fiscalité propre est un plancher et que, selon lui, le bon seuil se situe à 10.000 habitants. Beaucoup de préfets citent également ce chiffre. L'objectif de l'Etat est donc bien d'aboutir à de vastes périmètres intercommunaux. Nous ne sommes pas opposés à une redéfinition des périmètres, mais encore faut-il que la logique qui prévaut ne soit pas excessivement centrée sur la recherche d'économies – qui restent à prouver –, comme cela semble être le cas actuellement. Plutôt que de nous arc-bouter à un seuil, nous pensons que l'achèvement comme le développement de l'intercommunalité doivent répondre à un impératif d'efficacité au service d'un projet de territoire. Ce qui veut dire que deux communautés de 4.000 habitants qui fonctionnent bien, par exemple, valent parfois mieux qu'une communauté de 8.000 habitants qui fonctionne mal. Si cette dernière correspond à un territoire trop vaste, ou naît d'un mariage forcé, sans tenir compte des habitudes de travail des élus des communes concernées, cela ne fonctionnera pas. Enfin, je suis partisan de lier la question de la nature et du nombre de compétences – tout aussi importante et passée sous silence actuellement – à celle du périmètre.
Ensuite, nous trouvons que les délais fixés par la loi sont déraisonnablement courts. Des simulations dignes de ce nom sur les conséquences des nouveaux périmètres des communautés pourront-elle être réalisées ? Si ce n'était pas le cas, les travaux des commissions départementales de la coopération intercommunale pourraient aboutir à un blocage. Ce calendrier resserré risque aussi de faire le jeu des grands élus, ministres ou anciens ministres et parlementaires soucieux de sauvegarder leur influence et leurs moyens. Il faut au contraire que les contours de la carte intercommunale soient définis par les élus de base. C'est pourquoi nous les appelons à relayer auprès des membres des commissions départementales leur demande expresse d'écoute et de dialogue afin d'aboutir à une carte de l'intercommunalité élaborée si possible dans le plus grand consensus.

A l'initiative de l'Association des maires de France, les associations d'élus du bloc local, dont l'Association des maires ruraux, tentent de dégager une position consensuelle relative à la mise en place en 2012 du fonds national de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales. Quel est le discours des maires ruraux sur cette question ? Faut-il prendre en compte dans le débat la spécificité des territoires ruraux ?
De même que les bourgs centres ou les grandes villes ont des charges "de centralité", les communes rurales ont des charges liées à la nature de leur territoire : la réalisation des réseaux d'assainissement et l'entretien des routes, pour ne prendre que ces exemples, y sont particulièrement coûteux. De plus, le regain d'intérêt pour la vie en milieu rural, que l'on observe depuis plusieurs années, amène dans nos communes des populations nouvelles, dont les attentes en matière de services publics sont fortes et donc, génèrent des coûts. Il faut en tenir compte dans la mise en oeuvre du fonds de péréquation. Ensuite, il faut une véritable solidarité entre les territoires ruraux et les territoires urbains, dont les écarts sont de un à deux s'agissant des dotations de l'Etat par habitant. C'est pourquoi, nous nous opposons à l'idée d'une péréquation entre des communes d'une même strate de population, que réclament certaines associations d'élus. Sinon, les territoires riches partageront avec les riches, et les pauvres partageront avec les pauvres. Où sera le progrès ?