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Congrès de l'AMRF - Michel Mercier : "Où avez-vous vu une menace pour les communes rurales ?"

Réforme territoriale et budget 2011 étaient au coeur du congrès de l'AMRF qui se tenait à Autrans, le 9 octobre. Le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire a dû user de toute sa diplomatie pour désamorcer les mécontentements, avec quelques amendements de dernière minute à la clé.

Invectivé à de nombreuses reprises par les maires ruraux qui tenaient leur congrès à Autrans (Isère), samedi 9 octobre, le ministre de l’Espace rural et de l’Aménagement du territoire a tenu plus d’une heure au pupitre... Bien que ce congrès fût consacré à la jeunesse, la réforme territoriale était bien entendu sur toutes les lèvres à quelques jours de son passage devant la commission mixte paritaire pour les derniers arbitrages possibles (le 13 octobre) . "On a le droit d’être contre la réforme, mais où avez-vous vu une menace dans la réforme pour les communes rurales ?", a lancé Michel Mercier à l’intention d’Andrée Rabilloud, présidente de l’Association des maires ruraux de l’Isère. L’enjeu porte notamment sur la création des communes nouvelles. Le gouvernement, a expliqué le ministre, "se rallie à la position de l’Association des maires de France [AMF, ndlr] de ne jamais rendre automatique la création de communes nouvelles s’il n’y a pas l’accord de tous les conseils municipaux". Ce qui n’est pas la solution retenue par l’Assemblée en seconde lecture. Mais pour Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (Indre) et président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), ce n’est pas une garantie suffisante. Ce dernier s’est dit "en désaccord avec l’AMF" sur ce point : "Quittez votre casquette de maire et prenez celle de citoyen : si un jour vous vous réveillez en apprenant que le conseil municipal est d’accord pour supprimer la commune, cela risque de ne pas bien passer. Il faut soumettre cette décision à l’avis de la population."
Par ailleurs, comme l’a suggéré le sénateur du Var Pierre-Yves Collombat, l’article 35 du projet de loi sur la clarification des compétences pourrait faire l’objet d’un amendement de dernière minute. Alors que la version actuelle du texte prévoit que "la région peut contribuer au financement des opérations d’envergure régionale des départements, des communes et de leurs groupements, ainsi que des groupements d’intérêt public" (article 35 ter), l’amendement viserait à remplacer la notion de projet d’envergure régionale par celle, plus souple, d’"intérêt régional" de manière à ne pas léser les communes rurales qui auraient peu de chances de porter des projets de grande envergure. En revanche, Michel Mercier s’est dit attaché à maintenir cette idée d’envergure régionale pour les subventions de région à département, afin d’empêcher les subventions de complaisance avec la mise en place des conseillers territoriaux. Quant à la désignation de ces derniers, il s’est montré favorable à la solution retenue par les députés : le suffrage uninominal majoritaire à deux tours.

Péréquation sur les droits de mutation

L’autre gros sujet de débat était la question des finances. Michel Mercier n’a pas caché "la situation particulièrement délicate de la France" qui devient l’un des "plus gros emprunteurs mondiaux". "Il n’y aura pas de miracle. Quand il n'y en a plus, il n’y en a plus", a-t-il déclaré pour justifier le gel des dotations dans l’actuel projet de loi de finances (PLF 2011). "Le gouvernement a garanti à toutes les communes individuellement toutes les ressources qu’elles avaient. S’il y en a une qui a perçu moins en 2010 que ce qu’elle percevait en taxe d’habitation, il faut qu’elle aille voir le préfet", a-t-il insisté. Le gouvernement devait déposer lundi un amendement au PLF 2011 pour compenser le transfert de la part départementale de taxe d’habitation découlant de la réforme de la taxe professionnelle, afin de garantir aux communes et communautés de communes leur produit fiscal. Cet amendement viserait une cinquantaine de départements qui avaient mis en place des abattements en faveur de la politique familiale, a indiqué Michel Mercier (sur ce sujet, voir nos articles des 2 et 24 août 2010 ci-contre). Dans ce contexte budgétaire morose, le ministre a toutefois égrené quelques "signaux" favorables aux communes rurales. Un système de péréquation des droits de mutation entre les départements bénéficiaires et ceux qui ont moins va voir le jour : il concernerait une vingtaine de départements dans le grand Nord-Ouest, une partie du Massif central et le centre du massif alpin.
Michel Mercier est encore revenu sur la création de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), née de la fusion de la dotation globale d’équipement (DGE) et de la dotation de développement rural (DDR) et dont les critères d’attribution seront simplifiés et décidés par une commission d’élus. Conformément à l’une des demandes des récentes assises des territoires ruraux, une partie de cet argent pourra servir à financer de l’ingénierie de projet et plus seulement de l’investissement.

Jeunesse totalement invisible

Interrogé par Vanik Berberian sur l’avenir de la charte des services publics en milieu rural, pour lequel elle n'a qu’une "valeur décorative dans les bureaux", Michel Mercier a précisé qu’elle existerait toujours mais que l’accord "+ de services au public" signé fin septembre permettrait d'aller plus loin. "On peut regretter que l’Etat qui finance ne soit pas partie prenante pour ses propres services : urgences, Education nationale, gendarmeries, etc.", a toutefois fait remarquer le président de l’AMRF. Sur la question de la jeunesse, Vanik Berberian a insisté sur le fait que c’était un enjeu majeur pour fixer les populations en milieu rural : "La réforme des retraites domine l’actualité politique, mais les jeunes sont les premières victimes de la crise avec 23% d’entre eux qui subissent le chômage." Jean-Claude Richez, de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, a même évoqué une "jeunesse totalement invisible" qui "fait très peu l'objet de débat public". Et lorsqu'il en est question, elle est souvent "stigmatisée", apparaît comme "le négatif des jeunes urbains", notamment dans la mesure où les jeunes ruraux "seraient moins formés et moins cultivés". En l'absence de Marc-Philippe Daubresse, le ministre de la Jeunesse, qui s'est fait excuser, Michel Mercier n'a pas pu apporter de réponses à cet enjeu autres que la téléphonie mobile ou l'accès à internet, son cheval de bataille.
 

Michel Tendil