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Grand emprunt - Plus de 4 milliards d'euros pour le développement du numérique

Dans le cadre du grand emprunt national, l'Etat et la Caisse des Dépôts ont signé, le 4 septembre dernier, une convention concernant le développement de l'économie numérique. Dans une interview accordée à Localtis, Marc Desjardins, responsable de la mission "grand emprunt" à la Caisse des Dépôts, explique le modèle économique retenu et quels peuvent être les porteurs de projets. Il livre également sa vision de la "ville numérique".
Reprenant la quasi totalité des recommandations de la commission Juppé-Rocard sur le grand emprunt, Nicolas Sarkozy a annoncé, le 14 décembre 2009, un investissement public de 35 milliards d'euros "exclusivement consacré aux priorités d'avenir". Au sein de ce qui est appelé "grand emprunt", "grand emprunt national" ou "investissements d'avenir", le gouvernement a retenu cinq chantiers : l'enseignement supérieur et la formation, la recherche, l'industrie et les PME, le numérique et le développement durable.
Nathalie Kosciusko-Morizet a donné le 7 juin 2010 le coup d’envoi de la mise en oeuvre des investissements d’avenir pour le développement des usages et services numériques. Le 1er appel à projets "services, usages et contenus innovants" concerne les nanotechnologies et a été lancé le 30 septembre.

 

Localtis : L'Etat vient de signer plusieurs conventions avec la Caisse des Dépôts. De quoi s'agit-il ?

Marc Desjardins : Pour planter le décor, l'Etat, dans le cadre des investissements d'avenir, a confié à la Caisse des Dépôts la mise en œuvre de dix actions qui couvrent différents champs : l’économie numérique, la formation en alternance, le développement économique avec les pôles de compétitivité et le Fonds national d'amorçage, la ville et le développement durable (ou la "ville de demain"), la valorisation de la recherche à travers la création de France Brevet et les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), ainsi que le champ de l'économie sociale et solidaire. Soit 10 actions, 8 conventions et plus de 7 milliards d'euros.

Plus précisément, que concerne la convention sur le numérique ?

Le numérique comprend deux axes. Le premier concerne le déploiement des réseaux à très haut débit, le second, le soutien aux usages, services et contenus numériques, avec 2 milliards d'euros pour le premier et 2,25 milliards pour le second, auxquels s'ajoutent 250 millions gérés par l'Ademe pour les smart grids (réseaux électriques intelligents). Ces actions de développement de l'économie numérique sont l'objet de la convention parue au Journal officiel du 4 septembre.

Concrètement, comment l'Etat et la Caisse des Dépôts vont-ils intervenir ?

Nous sommes encore en discussion, en réglage là-dessus. La philosophie, l'esprit de la convention, est de distinguer, d'une part, ce qui relève du domaine de l'investisseur avisé avec donc une rentabilité économique qui passe par la prise de participation dans des sociétés (avec un tour de table) et des prêts. Et ce qui relève, d'autre part, de la subvention ou avance remboursable destinée en particulier aux secteurs de la recherche ou d'expérimentation sur lesquels il n'y a pas encore de modèle économique qui fonctionne ou aux réseaux d’initiative publique (RIP) portés par des collectivités locales cohérents avec les déploiements des opérateurs. S’agissant de l’action 2, la volonté est de mettre l'accent sur le rôle "d'investisseur avisé" avec la nécessité d'un retour sur investissement pour l'Etat. Il s'agit de développer un modèle économique avec effet de levier pour attirer des fonds privés avec un impact économique au moins deux fois supérieur. Dans le cadre de ce dispositif, la Caisse des Dépôts va, en son nom, investir pour le compte de l'Etat. Le comité stratégique et d’évaluation, auquel est associée la Caisse des Dépôts, présidé par le Commissariat général à l’investissement (CGI) et le ministère en charge de l’Economie numérique sont en train d'établir la doctrine en précisant sujet par sujet les modalités d'action.

Ce mode d'action pour l'Etat est-il différent des subventions habituelles ?

Une des novations fondamentales par rapport aux politiques classiques de l'Etat c'est de passer à une politique "d''investisseur avisé" donc essentiellement par le biais de prêts ou de prises de participation, dans le cadre de modèles économiques rentables. A titre d'exemple, il faut trouver, dans le chapitre de la numérisation, le moyen de valoriser les contenus culturels, via un modèle économique.
Nous en sommes au stade, d'une part, de la définition de la doctrine de l'investisseur avisé et, d'autre part, des contenus. Pour le volet services et usages, un appel à manifestation d'intérêt (AMI) sera lancé début 2011 s’appuyant sur les résultats de la consultation publique (qui a eu lieu du 7 juin au 7 juillet derniers) et des travaux des différents groupes projet qui ont été lancés en septembre.

Qui pourra présenter des projets ?

Dans le respect des règles du droit européen, les porteurs de projets peuvent être à la fois des entreprises et des acteurs publics. Nous nous attendons à voir des consortiums qui permettent d'associer les différents partenaires. C'est déjà le cas pour les réseaux d'initiative publique. Un appel à projets est actuellement en cours pour retenir des expérimentations de réseaux à très haut débit qui feront appel à un dispositif commun entre les opérateurs et les collectivités locales.
Par ailleurs, il s'agit de construire un modèle partenarial de services nouveaux associant, par exemple, des développeurs de logiciels, des éditeurs de contenus et des acteurs locaux.
Ensuite, ce modèle va être spécifique pour chacun des domaines innovants : le développement de l'informatique en nuage (Cloud computing), l'e-santé, l'e-éducation, les systèmes de transports intelligents ou encore la ville numérique pour lesquels le rôle des acteurs locaux sera crucial.

Comment sont prises les décisions de financement des projets ?

Le comité stratégique coiffe l'ensemble des actions. Il existe aussi deux comités d’engagements, le premier sur l'aspect d"'investisseur avisé" et un autre qui s'occupe des subventions et des avances remboursables. Au sein de ces instances sont constitués des groupes de travail sur tous les sujets. La Caisse des Dépôts est présente sur l'ensemble du dispositif. Les comités associent les ministères concernés. Les équipes du CGI, du ministre et de la Caisse des Dépôts recenseront les projets à travers des appels à projet (AAP) ou l’appel à manifestation d’intérêt. Pour l'heure, c'est encore prématuré, il faut attendre la publication de ces AAP/AMI.

Que faut-il entendre par la thématique de "ville numérique" ?

Je pense que quand on parle de la ville numérique, il faut partir de ses usagers (habitants, touristes, salariés) et examiner quels sont leurs besoins, regarder comment le numérique peut favoriser la ville de demain dans toutes ses dimensions (utilisation du numérique pour les infrastructures de transport, de commerce, de tourisme, de loisirs, prise en compte de l’environnement, nouveaux services mobiles sans contact…). Les habitudes doivent être modifiées. La ville numérique, c'est aussi le moyen de permettre aux habitants de vivre harmonieusement dans leur quartier. Par exemple, dans les transports, on peut citer tout ce qui permet l'intermodalité, les cartes sans contact, l’accès et l’information sur l’ensemble des modes de transport : autopartage, le vélo, les transports publics... C'est en fait tout ce qui, en amont, permet d'avoir une ville plus rationnelle et durable : l’interaction avec le mobilier urbain et les systèmes de transport, la domotique, l'optimisation de la consommation énergétique,…

 

Luc Derriano / EVS, Catherine Ficat

 

Le 1er appel à projets "services, usages et contenus innovants" concerne les nanotechnologies

Christian Estrosi, ministre de l'Industrie, Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique et René Ricol, commissaire général à l'investissement, ont annoncé le 30 septembre, le lancement du premier appel à projets du volet "services, usages et contenus innovants" du Fonds pour la société numérique dans le cadre des "investissements d'avenir". Cet appel concerne "la recherche et développement en technologies de base du numérique nanoélectronique". Le projet doit être "ambitieux, en rupture par rapport à une simple amélioration incrémentale des techniques, et à fort contenu innovant. Il doit être collaboratif, conduit par une entreprise chef de file et impliquer à minima une entreprise et un établissement de recherche. Il aura pour objet le développement de nouveaux matériaux, procédés ou composants […] et avec un potentiel important de retombées pour les sites industriels de la micro-nanoélectronique", indique le document. Les filières de composants concernées sont notamment :
- les circuits numériques, analogiques et mixtes, les mémoires embarquées, les imageurs numériques, les circuits radiofréquence embarqués, les composants de puissance,
- les matériaux et substrats pour la micro-nanoélectronique et l’optoélectronique, les LED et composants optoélectroniques intégrés, les circuits passifs intégrés, les microsystèmes, les " Systems in Package" et les micro-sources intégrées d’énergie.
L’appel à projets “nanoélectronique” sera clos le 5 janvier 2011, à midi. Un deuxième appel à projets est d’ores et déjà prévu en 2011. Les dossiers doivent être déposés au département développement numérique des territoires de la Caisse des Dépôts.
C.F.