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Economie - Grand emprunt : 35 milliards... sans compter l'apport des collectivités !

La commission sur le "grand emprunt" a recommandé ce jeudi 19 novembre un investissement public "tourné vers l'innovation" de 35 milliards d'euros, dont près de la moitié pour l'enseignement supérieur et la recherche. La commission pilotée par Alain Juppé et Michel Rocard, qui a remis son rapport au chef de l'Etat, ne s'est en revanche pas prononcée sur les modalités du futur emprunt, qui devrait faire l'objet d'un collectif budgétaire début 2010, les deux anciens Premiers ministres disant toutefois leur préférence pour une opération sur les marchés plutôt qu'auprès des particuliers. Le président Sarkozy rendra ses arbitrages sur les "priorités nationales" et sur ces "modalités" de l'emprunt "dans les premiers jours de décembre", après consultation des partenaires sociaux et des forces politiques, a annoncé l'Elysée.
Dans son rapport intitulé "Investir pour l'avenir", la commission Juppé-Rocard définit sept "priorités stratégiques" ou "axes". L'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation se taillent la part du lion, avec 16 des 35 milliards d'investissements publics préconisés, dont une dotation de 10 milliards à une "agence nationale des campus d'excellence". Suivent la "ville de demain" (4,5 milliards), la "société numérique" (4 milliards), le développement des "énergies décarbonées" et "l'efficacité dans la gestion des ressources" (3,5 milliards), la "mobilité du futur" (3 milliards), les "sciences du vivant" (2 milliards) et les "PME innovantes" (2 milliards).
Pour gérer les dix-sept grands programmes – ou "actions" – déclinant ces sept priorités, la commission souhaite "un dispositif rigoureux de gouvernance" afin d'affecter les fonds à des "organismes gestionnaires" contrôlés par un "comité de surveillance de l'emprunt national".
"Par effet de levier vis-à-vis des financements privés, locaux et européens, l'emprunt national devrait finalement correspondre à un investissement total de plus de 60 milliards d'euros", souligne le rapport. "Le versement des fonds publics sera conditionné au versement de fonds privés", a de même indiqué Alain Juppé jeudi lors d'une conférence de presse avec Michel Rocard. Cet objectif de 60 milliards a été affiché "pour satisfaire la partie de la majorité qui réclamait un effort plus ambitieux", a d'ailleurs confié un membre de la commission. Et pour à peu près tous les "axes", il est question de "cofinancements publics"... avec, en bonne place, le concours financier des collectivités.

 

Confinancements et appels à projets

Ainsi par exemple, s'agissant du développement des PME innovantes, sont entre autres proposés la création de "fonds d'innovation sociale" destinés à "favoriser l'entrepreneuriat social et solidaire", qui seraient abondés par les collectivités locales. De même, lorsque le rapport préconise la création de "quelques campus d'innovation technologique de dimension mondiale", il prévoit, outre l'appel à des crédits européens, des "cofinancements privés et des collectivités locales systématiques, à hauteur de 50% au moins du budget total des projets". Et lorsqu'il estime nécessaire de "donner une nouvelle impulsion à la culture scientifique sur tout le territoire, en s'appuyant sur les conclusions du forum territorial de la culture scientifique qui doit être organisé au printemps 2010", il précise qu'il s'agit, en pratique, de "lancer un appel à projets à destination des collectivités locales visant à constituer sur l'ensemble du territoire un réseau d'une vingtaine de centres de culture scientifique destinés à un public familial". Ces centres "bénéficieraient d'une aide de l'Etat pour financer leur équipement et leur aménagement initiaux mais devraient ensuite pouvoir subvenir à leurs besoins de fonctionnement grâce à des recettes propres, du mécénat et le cas échéant des subventions des collectivités territoriales". Dans le même esprit, le rapport envisage une accélération de la création "d'internats d'excellence pour le lycée et les filières sélectives du supérieur" – un projet qui "pourrait être porté par l'Anru, sur appel à projets auprès des collectivités territoriales concernées, dès lors que celles-ci pourraient être appelées à assumer un rôle pour la viabilisation financière de ces internats".
Enfin, concernant l'axe "développement de villes durables", on saura qu'il s'agit de "favoriser une approche intégrée d'aménagement urbain, d'excellence énergétique de l'habitat et de maîtrise de la mobilité". Et donc de "soutenir des projets innovants de transports collectifs propres, de développement expérimental d'infrastructures de recharge électrique des véhicules décarbonés et d'expérimentation de solutions urbaines et énergétiques écologiques". La commission propose ainsi notamment de "promouvoir dix programmes urbains intégrés", grâce à un fonds dédié de 2,5 milliards d'euros géré par la Caisse des Dépôts, sous la tutelle de l'Etat. Ces programmes porteraient à la fois sur "le transport collectif décarboné, le développement expérimental d'infrastructures de recharge électrique des véhicules décarbonés et l'expérimentation de solutions nouvelles de rénovation urbaine durable (pour densifier l'espace et assurer la mixité sociale dans un habitat à haute performance énergétique), de réseaux intelligents (eau, électricité), de gestion durable des déchets et de maîtrise de la mobilité (plateformes de télétravail, régulation du trafic automobile...)". La moitié au moins du fonds serviraient en fait à bonifier des prêts aux collectivités territoriales.

 

C.M.