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Autonomie - Handicap et dépendance : la convergence est déjà une réalité

Alors que le débat sur la dépendance l'avait écartée, la notion de "soutien à la perte d'autonomie", en tant que politique unifiée en faveur des personnes âgées dépendantes et personnes handicapées, a commencé à prendre forme : directions communes, maisons de l'autonomie... Une étude de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée en témoigne. Certes, ce n'est qu'un début. Les approches par public ont la vie dure.

L'objectif d'une convergence des politiques en faveur des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap, établi par la loi Handicap de février 2005, a depuis un bon moment été écarté des discours gouvernementaux. Notamment au cours des longs débats sur la réforme de la prise en charge de la dépendance, lorsque cette réforme était encore d'actualité. La ministre Roselyne Bachelot, notamment, l'avait dit et répété. Le chef de l'Etat lui aussi : pas question de "diluer le handicap dans la dépendance" dans la mesure où "la dépendance pose un problème bien différent" et où il faut préserver "des financements adaptés à chaque cas", déclarait-il en février dernier.
Pourtant, dans la plupart des départements, la notion de "soutien à la perte d'autonomie", qu'il soit question d'une personne âgée ou d'une personne handicapée, reste bien d'actualité et a bien commencé à prendre forme. Une enquête rendue publique ce mardi 6 septembre en témoigne. Intitulé "Etude sur la décentralisation de l'accueil, de l'information, de l'orientation et de l'évaluation des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées", ce travail a été réalisé par l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas), avec le soutien de la CNSA et de la DGCS. Il se base sur un questionnaire adressé à tous les départements ainsi qu'à des visites de terrain dans six d'entre eux : l'Aube, la Corrèze, le Morbihan, l'Oise, le Pas-de-Calais et les Yvelines. Avec deux axes : la façon dont sont organisées les politiques en faveur des personnes âgées et ou handicapées et la façon dont ces politiques s'articulent entre elles (réponse segmentée par public ou réponse globale ?). Le verdict est net : "Les départements sont maintenant très majoritairement favorables à une conception unifiée du soutien à l'autonomie. Cela se vérifie non seulement dans les organigrammes et dans les missions d'observation et de prospective, mais également dans l'articulation des politiques publiques et la territorialisation de leurs services qui vise à organiser autant que faire se peut un accueil et une orientation communs", résume l'Odas.

Coopération... et territorialisation

Ainsi, en termes d'organisation des services, pas moins de 91% des départements disposent d'une direction commune personnes âgées / personnes handicapées, par exemple baptisée "direction de l'autonomie". Et les trois quarts ont mutualisé certains services ou certaines missions, telles que l'autorisation et la tarification des établissements et services. La Corrèze, par exemple, a créé deux pôles - "domicile" et "établissement" - communs aux deux publics. La Somme a également réorganisé ses services par activité et non plus par public. S'agissant de l'observation et de la planification, on compte aujourd'hui 20 départements misant sur un observatoire unique et 17 ayant mis en place un schéma commun.
"Le processus d'élaboration d'une politique axée sur le soutien à l'autonomie et non plus sur une population ciblée (…) appelle, en raison de l'implication de politiques publiques diverses, une approche transversale qui ne peut qu'être bâtie avec d'autres services", souligne l'Odas, dont l'étude s'intéresse de ce fait à la question de l'association des autres acteurs, qu'il s'agisse des acteurs communaux, de l'Etat, des organismes de protection sociale, ou encore des intervenants du champ sanitaire sous l'égide des ARS. Sur ce volet, l'objectif pourrait être de mieux articuler les différents schémas : PRS, futurs Sroms (schémas régionaux d'organisation médicosociale), Priac... Mais des difficultés persistent. Des difficultés, explique l'Odas, qui résultent "non seulement des différences de priorités entre l'Etat et les départements, mais aussi de la déconnexion des calendriers des instruments de planification".
Autre notion étudiée : la territorialisation. A ce titre, 69 départements disent avoir déconcentré leurs activités d'accueil et d'orientation, soit en s'appuyant sur leurs propres services de proximité (circonscription, unité territoriale d'action sociale, maison du département…), soit en les confiant à d'autres structures (Clic, CCAS, association…). Sur le versant handicap, cette territorialisation touche aussi les MDPH puisque la moitié des départements indiquent avoir créé des points d'accueil liés à la MDPH sur différents points du territoire (19 autres prévoient de le faire). Ceci, le plus souvent, en s'appuyant sur des services existants, qu'ils soient départementaux ou externes (là encore : CCAS, Clic, association, structure de maintien à domicile…).

Gérontologie : articulation insuffisante avec le sanitaire

Mieux encore, 37 départements ont mis en œuvre une "mutualisation des fonctions d'accueil et d'orientation des personnes en situation de dépendance ou handicapées". Ce qui a impliqué la création de territoires communs – des territoires qui coïncident alors de surcroît le plus souvent avec les territoires du service social.
En revanche, au-delà de l'étape de l'accueil et de l'orientation, le mouvement est pour l'instant beaucoup moins net. Il faut dire qu'avant même de parler de convergence dépendance / handicap, l'exercice de coordination est compliqué. Sur le volet gérontologie, l'étude évoque ainsi la "difficile coordination avec les caisses de retraite", avec des liens finalement "assez peu développés" et tributaires des "alliances locales" entre caisses et départements. Cà et là, des choses semblent toutefois fonctionner : équipes médicosociale du département ou Clic effectuant les évaluations des GIR 5 et 6 pour le compte des caisses, "reconnaissance mutuelle des évaluations" réalisées par les uns et les autres…
Quant aux articulations avec le secteur du soin, seuls six départements les jugent satisfaisantes, même si les trois quarts des départements indiquent disposer de un ou plusieurs réseaux de santé gérontologique. Une lacune dont les effets se font par exemple sentir lors des sorties d'hospitalisation… ou dans le fait que "de nombreux professionnels peuvent se succéder au domicile des personnes, chacun intervenant sans disposer d'informations autres que celles que les personnes elles-mêmes peuvent livrer". L'Odas cite toutefois quelques expérimentations intéressantes de coordination gérontologique … tout en relevant que celles-ci, dans la mesure où elles renforcent une approche globale par publics, peuvent finalement "compliquer le rapprochement horizontal du handicap et de la dépendance".

Les maisons de l'autonomie se multiplient

L'étude évoque bien, pourtant, les "prémices d'une convergence opérationnelle" dépendance / handicap, constatant que "les initiatives se multiplient pour rapprocher les équipes et les outils". Deux exemples : l'Oise, où des "relais pour l'autonomie des personnes" vont constituer les antennes locales à la fois de la MDPH et de l'équipe APA ; le Pas-de-Calais, où sur chaque territoire d'action sociale, les équipes médicosociales interviennent à la fois sur les personnes âgées et les personnes handicapées. Enfin, l'étude cite sept départements ayant mis en œuvre ou prévoyant la transformation de leur MDPH en maison de l'autonomie : Corrèze, Côte-d'Or, Cantal, Pas-de-Calais, Isère, Oise, Territoire de Belfort. Pour ce qui est des outils, il s'agit notamment d'essayer de rapprocher les grilles d'évaluation dépendance et handicap (en cours ou en projet dans 23 départements).
Les Clic jouent souvent un rôle important dans ce mouvement d'harmonisation : 18 départements s'appuient aujourd'hui sur les Clic (ou équivalents) dans le domaine du handicap. En Meurthe-et-Moselle par exemple, les Clic sont bien devenus les antennes locales de la MDPH pour la fonction d'accueil. D'autres y pensent, mais doivent auparavant revoir leur fonctionnement et leur découpage.
Alors, dans ce contexte assez largement prometteur, l'Odas s'inquiète de voir réapparaître dans le discours national officiel "la tentation de mettre fin à la convergence des réponses en se référant à la barrière des âges". Une tentation qui remettrait en cause "les efforts de rationalisation de la gouvernance locale engagée par les départements depuis plusieurs années".

 

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