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Personnes âgées - Dépendance : la mission sénatoriale détaille ses recommandations

Sept mois après le rapport Rosso-Debord, le rapport Vasselle. Un rapport attendu parmi les acteurs attentifs aux propositions liées à la future réforme de la dépendance, notamment du côté des conseils généraux. Le sénateur de l'Oise Alain Vasselle rendait en effet public ce mardi 1er février son rapport fait au nom de la mission sénatoriale d'information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque. Une mission commune aux commissions des affaires sociales et des finances qui a déjà fait parler d'elle puisqu'après avoir démarré ses travaux dès la fin 2007, elle avait déjà produit un rapport d'étape en juillet 2008. "Nous nous sommes mobilisés très tôt et nous avons tiré les premiers. Depuis, il y a eu bien d'autres contributions. Celle-ci arrive au moment même où est déclenché le débat national voulu par le président de la République. Nous espérons que nos travaux serviront de fil directeur", a ainsi commenté Philippe Marini, président de la mission. En relevant que les annexes de ce volumineux rapport comprennent "un guide pour le débat national", débat auquel participeront huit sénateurs dans le cadre des quatre groupes de travail mis en place par le gouvernement. "Lorsque nous avons auditionné la ministre des Solidarités, Roselyne Bachelot, en janvier, nous avons vu qu'il serait utile de contribuer à structurer ce débat national", commente à ce titre Philippe Marini, tout en soulignant que le rapport ne vient pas apporter un "paquet tout ficelé" de solutions. Et en relevant que parmi les "pistes de réflexion" émises en juillet 2008, certaines ont déjà été mises en œuvre (par les lois de financement de la sécurité sociale ou la loi HPST), d'autres ne sont plus valables (telles que l'utilisation des excédents de la branche famille…), d'autres enfin restent d'actualité – mais "ont parfois évolué, sans toutefois de réel changement d'optique".

Maintenir le GIR 4

S'agissant des grandes orientations auxquelles la majorité de la mission a continué de souscrire, Alain Vasselle a évoqué le principe d'un "financement mixte public-privé, avec un solde élevé de solidarité", l'assurance privée n'intervenant que de façon complémentaire. Mais ce qui revient à exclure, toujours, toute véritable cinquième branche de la sécurité sociale qui, a relevé Alain Vasselle, aurait entre autres inconvénients celui d'"écarter les départements" du dispositif. Deuxième grande hypothèse exclue par le rapporteur et le président de la mission, celle d'une convergence entre dépendance et handicap, d'emblée considérée comme "budgétairement insoutenable". Comme le rapport de l'Assemblée nationale signé Valérie Rosso-Debord, donc, le champ de la réflexion a d'emblée été limité aux personnes âgées. Un choix qui n'a toutefois pas fait consensus. S'exprimant au nom des sénateurs socialistes, Bernard Cazeau, sénateur et président du conseil général de Dordogne, a précisé à Localtis que ces élus restent bien – comme l'a tout récemment rappelé un représentant de l'Assemblée des départements de France devant la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale (voir notre article du 26 janvier) – attachés à la notion de convergence entre la prise en charge des personnes âgées dépendantes et celle des adultes handicapés telle qu'inscrite dans la loi Handicap de février 2005. "C'est un élément très important", insiste-t-il.
Un autre principe formulé par Alain Vasselle semble en revanche avoir fait consensus au sein de la mission sénatoriale : le maintien du GIR 4 (catégorie des personnes modérément dépendantes) dans le dispositif de l'APA, les sénateurs y voyant un moyen de "prévenir une aggravation de la perte d'autonomie"… et se distinguant ainsi des conclusions du rapport Rosso-Debord. Et Bernard Cazeau de relever sur ce point qu'il faudra en revanche que "le GIR 4 soit revu, tant il est aujourd'hui peu précis et donne même lieu à des abus", indiquant d'ailleurs que son département, comme quelques autres, préfère utiliser le Smaf (Système de mesure de l'autonomie fonctionnelle), outil québécois jugé "plus précis" que le GIR 4.
Plus globalement, Alain Vasselle recommande de "fiabiliser la grille Aggir" pour la prise en charge à domicile afin, notamment, de "mieux prendre en compte la maladie d'Alzheimer et les autres maladies neurodégénératives". Côté maintien à domicile toujours, la mission plaide pour un relèvement des plafonds d'aide et une revalorisation régulière des plans d'aide.

Prise sur gage

Elle se prononce aussi sur une question plus polémique en proposant la mise en place d'une "prise sur gage" optionnelle de 20.000 euros maximum sur une fraction du patrimoine dépassant 150.000 ou 200.000 euros. Une mesure qui permettrait de gagner "de l'ordre de 800 millions d'euros en 2012 et de 1,1 milliard d'euros en 2014". Si Alain Vasselle assure qu'il ne s'agit pas d'un recours sur succession dans la mesure où "le gage n'a pas de caractère confiscatoire" et s'il insiste sur la différence de seuil par rapport aux propositions Rosso-Debord (la députée évoquait pour sa part un seuil de 100.000 euros), Bernard Cazeau n'est guère convaincu : "Cela a bien une odeur de recours sur succession, dont on connaît les effets désincitatifs. Nous n'en voulons pas." "Derrière cette mesure, il y a une vision de la société et de la famille", a pour sa part argumenté Philippe Marini, évoquant la "solidarité entre générations". Elle "est à replacer dans le cadre plus global des réflexions menées actuellement sur la réforme de la fiscalité du patrimoine", nuance le rapport. On le voit, ce sujet de débat déjà fort ancien est loin d'être clos…
Du côté de la prise en charge en établissement, la mission propose plusieurs dispositions cumulatives devant permettre de diminuer le reste à charge des familles d'"environ 200 euros" en moyenne, selon l'estimation d'Alain Vasselle : transfert des dépenses animation-service social vers le tarif dépendance, basculement des aides soignantes vers le tarif soin (ce qui signifierait une prise en charge par l'assurance maladie et non plus par les départements), mise en place d'une échelle dégressive de versement de l'APA en établissement plus favorable aux classes intermédiaires aujourd'hui pénalisées. Enfin, les sénateurs proposent la mise en place de "référentiels des coûts d'hébergement" visant les établissements privés. "Oui, il s'agirait bien de tarifs plafonds opposables visant à réguler le secteur", assume Philippe Marini.

Assurance volontaire

Reste la plus grosse question… celle des recettes ! La première piste évoquée, mais de façon non tranchée, est celle d'une deuxième journée de solidarité, par exemple évoquée par certains présidents de départements de droite. "Il faut au moins poursuivre la réflexion là-dessus, c'est la piste la plus solide", estime Alain Vasselle, tandis que Bernard Cazeau s'y oppose pour le moment : "Ce sera difficile à mettre en œuvre. Déjà, la première journée de solidarité pose des problèmes, a d'emblée eu un caractère conflictuel et ne repose que sur les salariés." Le rapport pose aussi l'option d'un élargissement de l'assiette de l'actuelle contribution solidarité autonomie. Et repose, comme d'autres, la question d'un alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs.
Quant au chapitre assurances, la ligne du rapport est la suivante : "favoriser la généralisation de la couverture assurantielle sur une base volontaire". Pas d'assurance obligatoire, donc, contrairement au rapport Rosso-Debord. Ce serait "une fausse bonne solution", estime Alain Vasselle, qui précise qu'une aide publique pour l'assurance des personnes aux faibles revenus serait mise en place. Les complémentaires santé seraient sollicitées comme "vecteurs de la diffusion de la garantie dépendance" et tous les contrats devraient être labellisés, sous l'égide de la CNSA.
Enfin, parmi les autres propositions du rapport Vaselle, les départements retiendront notamment la réaffirmation très claire de la nécessité de revenir à une parité de financement de l'APA entre Etat et conseils généraux ainsi que de la nécessité de revoir les critères de péréquation de l'enveloppe APA.
La publication de ce volumineux rapport intervenait à la veille du lancement officiel, mercredi 2 février, des groupes de travail sur la dépendance au ministère de la Cohésion sociale en présence de Roselyne Bachelot et de son collègue en charge des collectivités, Philippe Richert.