Personnes âgées - Fin de vie en Ehpad : un "enjeu de plus en plus important"
Après s'être penché sur les décès en établissements pour personnes handicapées (voir notre article ci-contre du 18 juin 2013) et avoir révélé, dans son dernier rapport d'activité, que 75% des décès de personnes âgées en établissements se produisent désormais en maison de retraite (voir notre article du 19 mars 2013), l'Observatoire national de la fin de vie publie une très riche étude sur la fin de vie en Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). Celle-ci est le fruit d'une collaboration entre l'Observatoire, l'Anesm, la Fédération française des associations de médecins coordonnateurs (en Ehpad) et le programme MobiQual.
Une absence d'infirmiers de nuit lourde de conséquences
Les résultats portent sur 3.705 établissements (53% du total) ayant répondu au questionnaire. Ainsi que le relève l'Observatoire, "la fin de vie est devenue, au fil des années, un enjeu de plus en plus important pour les Ehpad : 90.000 personnes âgées y décèdent chaque année". Pour leur part, les établissements de l'échantillon ont enregistré 74.920 décès entre le 1er janvier et le 31 décembre 2012, soit une moyenne de 20 décès par Ehpad. L'étude montre que 74% des établissements ont signé une convention avec une équipe mobile ou un réseau de soins palliatifs, mais seuls 62,5% d'entre eux ont effectivement fait appel à une telle équipe au cours de l'année 2012. De même, 79% des Ehpad n'ont jamais transféré de résident en unité de soins palliatifs (USP) au cours des cinq dernières années. Même si l'absence d'USP à proximité peut jouer (13%), le motif le plus souvent avancé par les Ehpad (73% des réponses) pour expliquer ce non recours est que ces transferts ne sont "pas nécessaires".
Autre point faible : seuls 14% des Ehpad disposent de personnel infirmier la nuit (22% pour les établissements publics - notamment ceux rattachés à un hôpital -, mais seulement 4% pour les établissements privés commerciaux). De même, 75% des Ehpad n'ont pas de système d'astreinte téléphonique permettant de joindre un professionnel infirmier si une situation se complique. Comme l'explique l'Observatoire, "l'absence d'infirmier la nuit est particulièrement problématique et n'est pas sans conséquences...". L'étude estime que si tous les Ehpad disposaient d'une permanence infirmière la nuit, cela permettrait d'éviter chaque année environ 18.000 transferts à l'hôpital. Enfin, si les deux tiers des Ehpad ont une convention avec une structure d'hospitalisation à domicile (HAD) - qui peuvent désormais intervenir au sein d'un établissement comme elles le faisaient déjà à domicile -, seuls 8% des Ehpad y ont effectivement recours dans les situations de fin de vie.
La situation est en revanche meilleure sur la formation aux soins palliatifs. Ainsi, 29% des médecins coordonnateurs ont suivi une formation continue aux soins palliatifs, 33% ont une capacité de gériatrie et 15% possèdent un DU (diplôme universitaire) de soins palliatifs. De même, 80% des Ehpad ont mis en place des formations à destination des infirmiers et 82% à destination des autres soignants.
Le compte à rebours des derniers jours
Mais le plus original - qui fait aussi froid dans le dos - réside dans la partie de l'étude portant sur "les quinze derniers jours de vie de 15.276 résidents décédés de façon non soudaine au sein d'un Ehpad en 2013". L'Observatoire a en effet demandé aux établissements participants de renseigner très précisément le déroulement et l'environnement des cinq décès non soudains les plus récents. Les informations recueillies sont restituées sous la forme d'une infographie étonnante, qui détaille - comme une sorte de compte à rebours sinistre, mais réaliste (J-15, J-7, J-1) - le déroulement de ces derniers jours.
Il en ressort de nombreuses informations inédites. Parmi celles-ci, on retiendra que 54% des résidents ont reçu des antalgiques de type morphine dans les quinze jours précédant le décès et que la douleur physique serait "très bien soulagée" dans 78% des cas, que 58% de personnes âgées étaient sous nutrition/hydratation artificielles, que 23% ont été hospitalisées en urgence au moins une fois (avant de revenir en Ehpad), que le médecin traitant est impliqué dans 84% des cas durant la dernière semaine de vie... Un dernier chiffre amène inévitablement à méditer sur le devenir de nos sociétés développées : 25% des personnes âgées décédées de façon non soudaine en Ehpad sont mortes sans avoir vu leurs proches...