Archives

Libéralisation - Ferroviaire : les eurodéputés font un geste en direction des Etats

Les élus ne sont plus arc-boutés sur la création d'un gendarme européen du rail ou sur des contrats d'investissement public de longue durée. Mais la bataille du rail continue.

L'espace ferroviaire européen, où les entreprises et les voyageurs pourraient choisir parmi plusieurs compagnies concurrentes, est une vieille antienne qui traîne depuis 1998, année où la Commission européenne avait fait ses premières propositions.
Mais les barrières nationales peinent à tomber dans ce domaine, si bien que la SNCF conserve 80% des parts du fret en France et environ 90% du marché des voyageurs internationaux.
Au Parlement européen, les discussions sur la refonte des premiers textes sur le ferroviaire, peu ou mal appliqués, ont nécessité deux lectures. Mais les élus veulent rapidement parvenir à un accord avec les Etats. En témoigne le vote des députés européens, réunis en commission le 31 mai.

"Malaise"

Sur plusieurs points, les élus ont accepté d'accorder leurs vues avec celles des gouvernements. Ils ont ainsi assoupli leur position sur le régulateur européen : plutôt que de créer une instance unique qui réglerait les litiges entre les Etats (mauvaise application des directives européennes, restriction d'accès à un marché etc.), les députés acceptent l'idée d'une coordination des régulateurs nationaux. En France, c'est l'Araf, créée en 2010, qui serait partie prenante de ce réseau.
"Il y a aujourd'hui un malaise, note une source diplomatique, car certains pays n'ont pas de régulateurs nationaux forts. En Italie, il n'y en a même pas." Dans d'autres pays, les gendarmes du rail n'ont pas les pouvoirs d'infliger des sanctions appropriées, comme les amendes. "Le message est un peu brouillé si l'on créé une instance au niveau européen, alors que tous les pays ne sont pas dotés de régulateurs ayant les mêmes armes", poursuit la même source.

Arbitre européen

Mais la partie n'est pas terminée. Si la mise en place de régulateurs nationaux dans toute l'UE s'avère inefficace pour régler les conflits transfrontaliers, la Commission devrait alors, selon les parlementaires, revenir avec de nouvelles propositions en faveur d'un arbitre européen.
La durée du contrat unissant l'Etat au gestionnaire d'infrastructures (RFF en France), afin de garantir à celui-ci des financements pérennes a également été révisée. Les élus l'ont ainsi ramenée de sept à cinq ans, s'alignant sur la durée souhaitée par les pays.
Cette période ne devrait pas poser problème à la France puisque qu'elle correspond à ce qui existe déjà avec RFF. C'est aussi au bout de 5 ans que les gestionnaires d'infrastructure devront pouvoir présenter des comptes à l'équilibre.
Enfin, sur les transferts financiers et le besoin de séparation comptable entre le gestionnaire d'infrastructure et la société de transports évolue. Exit le système de remboursement entre le gestionnaire du rail et la société de transports, qui avait été retenu par les eurodéputés en novembre.
A l'époque, le commissaire européen aux Transports, Siim Kallas, avait taclé le Parlement européen, dont le vote allait selon lui à l'encontre de la "transparence financière".
Malgré ces efforts de clarification, la question la plus épineuse n'est toujours pas réglée. Afin de pallier les comportements anti-concurrentiels, Bruxelles souhaite que l'entretien et la gestion des infrastructures n'incombent pas à l'entreprise assurant le transport de voyageurs ou de marchandises.
Ce genre d'amalgame risque de générer des discriminations, où l'attribution des sillons et les coûts d'accès aux rails pourraient être moins favorables aux entreprises concurrentes.
Mais le principe est décliné très diversement en Europe, au point que 13 pays, dont la France, l'Allemagne et l'Italie, ont été traînés devant la Cour de justice européenne. La Commission a prévu de rendre sa copie fin 2012, dans le but de clarifier la marche à suivre.

La Commission sort les griffes

Le modèle français n'a pas séduit Bruxelles car la SNCF reste le gendarme de la circulation des trains. Les sillons sont attribués par RFF mais l'opérateur historique continue d'assurer la circulation au quotidien (aiguillage des trains, gestion des aléas etc.).
La nomination d'un directeur indépendant, Alain-Henri Bertrand, ne travaillant pas sous la responsabilité de Guillaume Pepy, PDG de la SNCF, n'a pas suffi à rassurer Bruxelles, explique un proche du dossier.
En Allemagne, c'est plutôt le manque d'étanchéité comptable qui pose problème. Un conflit oppose actuellement la Commission à Berlin car Bruxelles soupçonne le gestionnaire public d'infrastructures (DB Netz AG, qui fait partie de la même holding que la compagnie ferroviaire nationale) d'utiliser ses profits pour soutenir le développement commercial de Deutsche Bahn.
Le 31 mai, la Commission a de nouveau sorti les griffes, cette fois-ci à l'encontre de quatre pays ne respectant pas "l'interopérabilité ferroviaire", cet ensemble de règles et d'autorisations permettant aux trains étrangers de circuler sur un réseau national.
Dans ce domaine également, la France et l'Allemagne sont visées. Mais le contentieux visant l'Hexagone est purement technique, estime un bon connaisseur du dossier. Dans les prochains mois, un arrêté ministériel sera adopté pour prendre en compte la délivrance "d'attestations de contrôle intermédiaire", qui portent sur l'homologation de certaines parties des trains appartenant à une compagnie étrangère.