Transports - Assises du ferroviaire : les TER pourront expérimenter la concurrence à partir de 2014
Lancées le 15 septembre dernier, les Assises du ferroviaire se sont achevées trois mois après, jour pour jour, ce 15 décembre par la remise des conclusions de leurs quatre groupes de travail et l'annonce des mesures retenues par le gouvernement. Celui-ci a ainsi donné son aval au principe d'"une ouverture progressive et maîtrisée du transport ferroviaire de voyageurs à la concurrence", proposé par la commission n°1 consacrée au "ferroviaire français au coeur de l'Europe", présidée par Gilles Savary.
En partant du constat qu'il ne fallait pas réitérer les erreurs de l'ouverture à la concurrence dans le fret ferroviaire, en proie à de profondes difficultés depuis 2006, la commission a estimé que la date générale de l'ouverture des services de voyageurs devra être celle fixée par la directive européenne annoncée pour 2012 par la Commission de Bruxelles et le parlement européen. Mais les régions qui le souhaitent pourront expérimenter l'ouverture à la concurrence des TER à partir de 2014, a confirmé la ministre de l'Ecologie et des Transports, Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle a également retenu l'autre proposition de la commission consistant à ouvrir à la concurrence certains trains d'équilibre du territoire en 2014, la convention actuelle liant l'Etat à la SNCF arrivant à échéance fin 2013. Il faudra pour cela faire évoluer la législation car l'actuelle loi d'orientation des transports intérieurs (Loti) n'est plus adaptée. L'ouverture à la concurrence du TGV n'est pour l'heure pas envisagée. Quant à l'Ile-de-France, la situation y est jugée trop complexe pour envisager une ouverture à brève échéance. La priorité est donc à la remise à niveau du réseau pour remédier à la saturation des lignes et à la dégradation de la qualité de service.
Un cadre social harmonisé
Dans la perspective de l'ouverture progressive à la concurrence, le gouvernement reprend aussi à son compte la proposition de la commission n°1 de "cadre social harmonisé pour les employés du ferroviaire" destiné à "garantir une compétition équitable entre les opérateurs ferroviaires", ce qui n'a pas été le cas dans le fret. Cela doit se traduire par l'élaboration d'une convention collective de branche qui devrait comprendre "des éléments du statut des cheminots mais pas le statut à l'identique", a indiqué Gilles Savary, qui s'est toutefois voulu rassurant envers les cheminots actuels en précisant qu'aucun d'entre eux ne perdra son statut mais que "la SNCF pourra recruter sous convention collective". Le gouvernement a chargé Olivier Dutheillet de Lamothe, président de la section sociale du Conseil d'Etat, de préciser les voies et moyens de construction de ce cadre social. Des négociations vont également être menées avec les partenaires sociaux sur la future convention collective "qui associera tous les nouveaux acteurs, ainsi que la SNCF et ses agents", a précisé la ministre.
Un rôle accru pour les régions
En matière de gouvernance, la commission n°2 présidée par Véronique Morali a notamment proposé de regrouper les métiers du gestionnaire d'infrastructures et de consolider la régionalisation en faisant de la région le coordinateur de la politique de transport au niveau local. Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé que les travaux allaient se poursuivre au niveau des services de l'Etat, en lien avec Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF pour remettre au gouvernement au printemps prochain un projet opérationnel d'unification du gestionnaire du réseau ferré national rassemblant tout ou partie des fonctions exercées actuellement par RFF, l'ensemble de la direction de la circulation ferroviaire (DCF) et SNCF Infra. Le projet sera soumis pour concertation aux entreprises ferroviaires, aux autorités organisatrices et à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf) avant d'être défendu à Bruxelles au printemps, dans le cadre de la préparation de la nouvelle directive européenne sur l'ouverture à la concurrence.
Pour remédier au déséquilibre financier actuel du système ferroviaire, qui s'élève à plus d'un milliard d'euros par an, le gouvernement a aussi retenu plusieurs propositions de la commission n°3 présidée par l'économiste Nicolas Baverez. L'Etat, les collectivités territoriales, la SNCF et RFF devront lancer un travail de réflexion en 2012 pour repenser l'offre ferroviaire sur le territoire afin de rendre plus complémentaires les offres TGV, TET, TER ainsi que les dessertes en car. La priorité "absolue" sera donnée à l'entretien et à la rénovation du réseau. Il faudra aussi engager une "hiérarchisation dans le temps" des grands projets ferroviaires figurant dans le schéma national des infrastructures de transport (Snit). Cette définition des priorités devra être "compatible avec les contraintes à court et moyen terme des finances publiques". Les régions pourront se voir déléguer des compétences tarifaires tandis que les péages d'infrastructures se verront "fixer une trajectoire d'évolution modérée dans le temps". La ministre a émis le souhait d'une "troisième étape de la régionalisation ferroviaire" et annoncé que les travaux allaient se poursuivre à ce sujet avec l'Association des régions de France (ARF).
Enfin, le gouvernement a retenu la proposition de création de "Fer de France" émise par la commission n°4 présidée par Bruno Angles. Cette structure de coopération et de structuration de la filière ferroviaire française associerait les constructeurs de matériels, l'ingénierie, les entreprises de travaux publics, les autorités organisatrices, les opérateurs, les gestionnaires d'infrastructure, etc. L'idée est de davantage promouvoir les intérêts commerciaux de la filière à l'export, de définir les priorités en matière de recherche et développement et de faciliter le développement des entreprises de taille intermédiaire dans les segments identifiés comme stratégiques. Une mission de préfiguration doit rendre ses propositions à la fin février 2012.