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Accès aux soins - Faire de l'exercice libéral en zone défavorisée une "mission de service public"

Au terme de sa mission sur la médecine de proximité, Elisabeth Hubert a remis ce 26 novembre au chef de l'Etat un épais rapport formulant plusieurs propositions relatives à la démographie médicale et à la lutte contre les déserts médicaux. L'Elysée prévoit "des mesures fortes dès 2011" sur ce terrain qui intéresse de près les collectivités.

Elisabeth Hubert - ancienne ministre de la Santé et présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (Fnehad) - a remis à Nicolas Sarkozy, le 26 novembre, son rapport sur la médecine de proximité. Comme le lui demandait la lettre de mission signée par le chef de l'Etat en mai dernier, Elisabeth Hubert - secondée par deux membres de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) - propose de nombreuses mesures. Celles-ci s'appuient sur une impressionnante série d'auditions, ainsi que sur un ensemble de visites de terrain et de concertations régionales.
Une bonne part de ces propositions concernent les études médicales, le développement professionnel continu, les relations avec l'assurance maladie, la délicate question de la responsabilité civile ou encore la clarification du rôle des différents acteurs institutionnels. Mais nombre d'entre elles portent sur des sujets qui intéressent directement les collectivités territoriales, à travers la question de la démographie médicale et de la lutte contre les déserts médicaux. Une partie de ces préconisations s'inscrit d'ailleurs dans le prolongement du rapport Legmann - du nom du président du Conseil national de l'ordre des médecins -, remis à Nicolas Sarkozy au printemps dernier (voir notre article ci-contre du 16 avril 2010).

Une rémunération spécifique, des lieux d'exercice équipés

Dans les zones confrontées à une pénurie de professionnels de santé, la mission Hubert propose de faire de l'offre médicale une mission de service public, sans pour autant remettre en cause les principes de la médecine libérale et en particulier la liberté d'installation. Cette mission serait reconnue par une rémunération spécifique, qui s'ajouterait aux honoraires perçus, ainsi que par la mise à disposition de lieux d'exercice équipés. En liaison avec les agences régionales de santé (ARS), les collectivités concernées (communes, mais aussi départements et régions) seraient invitées à "aménager le 'cabinet santé' de ces territoires identifiés, local qui serait mis à disposition des praticiens qui viendraient y exercer temporairement au même titre qu'ils le feraient dans un cabinet secondaire, à la différence qu'ils n'en assumeraient pas les charges et que ce lieu pourrait être occupé par plusieurs médecins différents selon les vacations".
Dans le même esprit, les internes seraient incités à effectuer une année supplémentaire de "mission de service public". Cette année facultative, qui se substituerait à la traditionnelle période de remplacement, pourrait être utilisée pour assurer une présence médicale sur les zones sous-dotées. Si le rapport ne revient pas sur la mesure contraignante de soutien des praticiens des zones surdotées à leurs collègues des zones défavorisées - un temps prévue dans le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoire (HPST) du 21 juillet 2009 et finalement abandonnée -, il préconise en revanche d'encourager l'exercice mixte salarié/libéral, notamment pour les médecins hospitaliers des zones bien dotées. Enfin, comme le Conseil de l'ordre (voir notre article ci-contre du 25 novembre 2010), la mission Hubert préconise également d'inciter financièrement les médecins retraités à poursuivre leur activité libérale, en particulier à temps partiel.
Le rapport plébiscite aussi les regroupements de médecins, si possible avec d'autres professionnels libéraux (infirmières, kinésithérapeutes...), au sein des maisons de santé ou des pôles de santé. Malgré le récent plan en faveur de ces structures (voir notre article ci-contre du 30 juillet 2010), le rapport estime que la France est en retard en ce domaine. En matière d'aides à l'installation dans les zones sous-médicalisées, Elisabeth Hubert estime que la multiplicité des dispositifs actuels confronte les jeunes praticiens à un véritable "parcours du combattant". Elle propose donc de faire de l'ARS un guichet unique des aides (qui pourraient toutefois continuer d'être financées ou abondées par les collectivités), tout en proposant elle-même de nouveaux dispositifs : développement du crédit-bail, création d'un fonds de garantie de l'investissement, extension aux professions de santé libérales concernées de certains mécanismes de déduction fiscale, ventes de terrain à des conditions privilégiées...

Permanence des soins et télémédecine

Deux autres ensembles de mesures doivent également contribuer à une meilleure couverture médicale des territoires. Le premier concerne la permanence des soins, que le rapport propose de repenser complètement, notamment en faisant des maisons et des pôles de santé des lieux d'accueil privilégiés - durant la journée - des consultations urgentes non programmées et en associant davantage les maisons de garde libérales et les services d'urgence hospitaliers. Le second ensemble de mesures concerne le développement des systèmes d'information et de la télémédecine, que le rapport voit comme une "étape majeure de la modernisation de la médecine de proximité" et pour lequel il formule plusieurs préconisations.
Si le travail de la mission Hubert a ainsi abouti à une série de propositions souvent innovantes en faveur de la médecine de proximité, il n'en présente pas moins une faiblesse de taille : il ne comporte aucun élément de chiffrage. La lettre de mission du chef de l'Etat le demandait pourtant expressément. Cette lacune n'a pas empêché l'Elysée de réagir très rapidement, confirmant ainsi les propos de Nicolas Sarkozy devant le Congrès des maires de France (voir notre article ci-contre du 23 novembre 2010).
Dans un communiqué, la présidence de la République annonce ainsi "des mesures fortes dès 2011". Celles-ci devraient porter sur un certain nombre d'axes nommément identifiés : simplification des conditions d'exercice, modernisation des systèmes d'information, appui à l'exercice regroupé des professionnels, valorisation de la formation initiale de médecine générale et aide à l'installation dans les zones sous-denses. Le chef de l'Etat a chargé les ministres concernés "d'engager très rapidement les concertations avec les principaux acteurs concernés pour mener à bien ces différents chantiers". Il devrait également apporter des précisions sur les mesures envisagées à l'occasion d'un déplacement au cours de la semaine.

 

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