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Accès aux soins - Les collectivités mises en garde sur le "recrutement" de médecins étrangers

Pour la quatrième année consécutive, le Conseil national de l'ordre des médecins a présenté, le 23 novembre, son Atlas de la démographie médicale. Cette édition 2010, réalisée sur la base des inscrits aux tableaux de l'ordre au 1er janvier de cette année, confirme les tendances de l'année précédente (voir notre article ci-contre du 13 avril 2010). Seule différence notable : ces tendances se sont encore aggravées. Deux phénomènes sont particulièrement inquiétants en matière d'accès aux soins et de couverture médicale du territoire dans les prochaines années. Le premier réside dans l'écart croissant entre le nombre de médecins entrants et de médecins sortants. Au 1er janvier 2010, les premiers - autrement dit les jeunes médecins qui s'inscrivent à l'ordre - avaient progressé en un an de 1,8%, tandis que les seconds - c'est-à-dire ceux qui cessent leur activité - étaient en hausse de 6,6%. Le nombre de médecins inscrits au Conseil de l'ordre était ainsi de 261.378, dont 44.928 retraités (parmi lesquels 5.612 retraités actifs, en hausse de 37% en un an). Ces différentes évolutions aboutissent à une très modeste progression du nombre total de médecins de 0,1% en un an. Mais, sur les trois dernières années, la tendance est à une baisse des effectifs de 3%.
Le second phénomène inquiétant regroupe deux aspects complémentaires. C'est tout d'abord la fuite vers le salariat : sur les 5.113 nouveaux médecins inscrits au 1er janvier 2010, seuls 8,6% ont choisi un exercice libéral et 0,7% un exercice mixte. En revanche, 66,8% ont choisi le salariat (établissements de soins, médecine du travail...). Même les disciplines réputées lucratives et peu contraignantes - comme la radiologie, la dermatologie ou l'ophtalmologie - n'attirent plus les candidats en libéral. Selon le docteur Michel Legmann, président du Conseil national de l'ordre des médecins, "plus aucun ophtalmo [sic] ne s'est installé en libéral en région parisienne depuis trois ans. [...] C'est donc que le problème est ailleurs". Pour lui, "ce n'est pas la recherche d'une rémunération conséquente ni celle de temps libre qui prime dans le refus de l'installation, mais bien les problèmes d'organisation du travail et le poids des charges administratives". Le corollaire de cette fuite devant l'exercice libéral se lit dans la part croissante du nombre de médecins remplaçants, qui représentent désormais près du quart du total des médecins (23,9%). Il s'agit de plus en plus souvent non pas d'une solution temporaire en attendant de s'installer, mais d'un véritable choix de mode d'exercice : 10% des remplaçants ont obtenu leur diplôme il y a plus de vingt ans et 32% déclarent vouloir poursuivre ce type d'exercice. Les médecins remplaçants sont toutefois le plus souvent des jeunes (50% ont moins de 34 ans) et des femmes (66%).

Des retraités plutôt que des étrangers ?

Face à cette situation, l'ordre et les médecins libéraux comptent sur les propositions sur la médecine de proximité qu'Elisabeth Hubert, ancienne ministre de la Santé, doit remettre au chef de l'Etat le 26 novembre. En attendant, Michel Legmann espère doubler le nombre de médecins "retraités actifs". La loi a en effet ouvert la possibilité de cumuler - sans plafond - un revenu d'activité libérale et une pension de retraite, sous réserve de bénéficier d'une retraite à taux plein (condition très rarement réunie à 60 ou 65 ans chez les médecins, compte tenu de la durée des études médicales). En revanche, le Conseil de l'ordre reste très hostile aux mesures contraignantes sur l'installation des médecins et refuse par avance tout mécanisme inspiré de l'accord passé avec les infirmiers et kinésithérapeutes libéraux (voir notre article ci-contre du 25 octobre 2010). Il est également très dubitatif devant le recours à des médecins étrangers (10.165 inscrits aux tableaux de l'ordre, soit une hausse de 20,6% en trois ans). Ceux-ci sont principalement originaires de Roumanie (15,4%), de Belgique (15,1%), d'Algérie (10,1%), d'Allemagne (9,6%) et d'Italie (8,4%). L'ordre constate en effet que les deux tiers d'entre eux choisissent le salariat et ont - eux aussi - tendance à privilégier les zones déjà bien pourvues. En outre, le docteur Legmann lance un appel à la vigilance des collectivités sur des pratiques coûteuses, qui ne cessent pourtant de se développer : "Concernant le recrutement par des 'agences spécialisées' offrant leurs services aux municipalités en recherche de médecins, le Conseil national, une fois encore, émet les plus grandes réserves sur ces pratiques et appelle à la prudence les élus, les exemples de déconvenue étant malheureusement fréquents." Hasard du calendrier ? Nicolas Sarkozy, qui intervenait le même jour à la tribune du Congrès des maires (voir notre article ci-contre du 23 novembre 2010), a affirmé son intention de "complètement repenser le statut du médecin" et d'"aller plus loin dans le financement des études des jeunes internes qui s'engageront à aller là où il n'y a pas assez de médecins". 

 

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