Congrès AMF - Entre la "ville-monde" et le bien-être des habitants : les deux visages du Grand Paris
Qualité de vie des habitants de la région Ile-de-France ou compétitivité du Grand Paris ? Les visions autour du projet du Grand Paris semblent s'opposer. Et les discussions qui ont eu lieu sur le sujet au cours d'un atelier organisé par l'Association des maires d'Ile-de-France (Amif) dans le cadre du Congrès des maires, qui s'est ouvert le 17 novembre à Paris, en témoignent. "Aujourd'hui, la moyenne de la croissance économique de l'Ile-de-France est égale à la moyenne de la croissance nationale, malgré le potentiel de la région qui pourrait nous amener d'ici dix ans à une croissance de l'ordre de 4%, a expliqué Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du Développement de la région Capitale, nous pouvons faire mieux." Le projet du Grand Paris est destiné à doper cette croissance et à faire de Paris une "ville-monde" au même titre que New York, Londres ou Tokyo. Et le point phare du projet de loi, le métro automatique à grande capacité destiné à relier les pôles d'activité (Roissy, Orly, La Défense, Saclay, Massy, etc.) permettrait de favoriser cette transformation. "C'est une modification complète des temps de transport sur la région parisienne avec des gares interconnectées avec les réseaux de transport actuels et à venir", a souligné Christian Blanc. Ce projet dit "grand huit" doit ainsi permettre de diminuer considérablement les temps de parcours. "Roissy ne sera plus qu'à vingt ou vingt-cinq minutes du cœur de Paris, Saclay à dix minutes d'Orly", a énuméré le secrétaire d'Etat. Une présentation du projet, principalement axée sur le gain en termes de compétitivité, qui n'a pas fait l'unanimité. "Dans ce que vous présentez, les gens n'existent pas, a ainsi fait remarquer Alain Fournier, adjoint au maire de Clichy-la-Garenne, c'est caricatural, quand vous exprimez les bienfaits du 'grand huit' vous ne parlez que des pôles économiques, cela n'a rien à voir avec la réalité de la vie des gens !" "La compétitivité internationale est essentielle car sinon nous n'avons pas les ressources nécessaires pour mener nos politiques locales, mais les éléments de cette compétitivité ce sont les infrastructures, la qualification des personnes mais aussi la qualité de vie au quotidien", a également commenté Anne Hidalgo, première adjointe au maire de Paris, regrettant que le projet de loi ne repose principalement que sur le projet de rocade et fait abstraction des autres pans de l'aménagement du territoire. Autre critique : le manque de prise en compte de la problématique environnementale. "Il y a un élément qui est complètement absent de votre discours, c'est la question du réchauffement climatique, a affirmé Alain Fournier, votre projet est même en complète contradiction avec cette problématique." La reprise en main du dossier par l'Etat a également été critiquée. Rappelant le travail de collaboration réalisé depuis 2001 entre les collectivités locales et l'Etat, pour arriver à la création du syndicat mixte Paris-Métropole, Anne Hidalgo a exprimé sa déception concernant le Grand Paris. "Ce projet véhicule une vision archaïque où la super structure de l'Etat pense pour les autres", a-t-elle souligné, tandis que Jean-Yves Le Bouillonnec, président de Paris-Métropole a affirmé que le projet "ne se fera pas sans les élus" et que "toutes les expériences qui ont été menées jusque-là sans les élus se sont retournées contre l'Etat". De manière générale, les élus, à l'image de Marie-Pierre de la Gontrie, vice-présidente de la région Ile-de-France, sont plutôt pessimistes sur la suite du dossier. "Christian Blanc doit se dire qu'il y a ceux, comme lui, qui ont une vision planétaire, et ceux, comme nous, qui sont au ras du bitume, affirme-t-elle, pour moi, il faut arriver à concilier les deux visions qui ne sont pas contradictoires, l'ambition pour la région et les sujets concrets comme le logement, le transport, les loisirs, la culture. Mais je suis très pessimiste." Et quand on pose la question à l'intéressé, il préfère ne pas répondre, prétextant qu'il serait trop long d'expliquer comment réduire les clivages entre ceux qui défendent la qualité de vie des habitants et ceux qui défendent la compétitivité du Grand Paris… Le projet de loi sera débattu à partir du 24 novembre 2009 à l'Assemblée nationale.
Emilie Zapalski