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Alur - Encadrement des loyers : le Sénat vote, le CAE doute

Le Sénat a entamé, le 23 octobre, la discussion par articles du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), déjà voté par l'Assemblée nationale le 17 septembre. A cette occasion, la Haute Assemblée a notamment adopté l'une des mesures phares du texte, en l'occurrence son article 3, qui instaure de façon durable l'encadrement des loyers dans les zones tendues. Tandis que la majorité soulignait qu'"avec cet article, les loyers ne seront plus laissés à la dérive spéculative", l'opposition affirmait pour sa part que "le moyen le plus sûr de lutter contre l'augmentation des loyers, c'est de construire plus de logements" et faisait observer que "la création d'observatoires des loyers entraînerait des charges supplémentaires pour les collectivités locales, qui ne seraient pas compensées par l'Etat".

Une expérimentation plutôt qu'une généralisation

Mais, alors que le Sénat adoptait ainsi l'encadrement des loyers, le Conseil d'analyse économique (CAE) rendait un avis plus que mitigé sur le dispositif. Cet organisme consultatif, créé auprès du Premier ministre avec la mission "d'éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses de ses membres, les choix du gouvernement en matière économique", a en effet remis, le 23 octobre, une note commandée par Jean-Marc Ayrault regroupant dix propositions pour une politique du logement plus efficace.
La note estime que le dispositif "risque d'engendrer des inefficacités dans le parc locatif privé". Elle juge qu'"à l'heure actuelle, il est très difficile de tenir compte de toutes les caractéristiques d'un logement pour calculer sa valeur de marché, car les données disponibles ne sont pas assez étoffées". Cela vaudrait même pour Paris, malgré l'existence de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap), qui a acquis une expérience en la matière.
Dans ces conditions, la note du CAE préconise de renoncer à une application immédiate du dispositif d'encadrement et juge "indispensable de procéder à une expérimentation préalable dans des zones pilotes". De façon plus large, la note rappelle qu'en matière de logement, "l'intervention publique doit être dosée avec précaution, sous peine d'être contreproductive".

Une régie du logement, sur le modèle des tribunaux de prud'hommes ?

Car les propositions du CAE ne s'arrêtent pas à la seule question de l'encadrement des loyers, mais couvrent tout le champ du logement locatif. La note recommande ainsi de créer une "régie du logement", financée par un prélèvement sur les loyers et qui serait chargée, à l'image des tribunaux de prud'hommes, d'exercer une gestion "paritaire du logement locatif" et de régler les contentieux entre bailleurs et locataires.
Au-delà de la question de l'encadrement des loyers, la note du CAE préconise également "d'intégrer les aides au logement au dispositif de l'impôt sur le revenu", autrement dit de les transformer en un mécanisme de déduction de tout ou partie du loyer du revenu imposable, "dans la limite d'un plafond pouvant dépendre de la taille familiale". Pour les ménages non imposables, l'aide au logement serait transformée en un "impôt négatif", sous la forme d'un versement de la puissance publique.
La note recommande aussi d'"assouplir les règles" en matière de baux, en introduisant une durée variable et le droit de donner congé au locataire en cas de dégradations graves. Autres suggestions : mettre en place des guichets uniques intercommunaux pour l'attribution de logements sociaux ou encore renforcer le dispositif des "surloyers" en fonction du revenu ou de la durée d'occupation d'un logement social.
Même si - comme il est de règle pour les analyses du CAE - le document prend soin de préciser que "cette note est publiée sous la responsabilité des auteurs et n'engage que ceux-ci" -, sa parution en pleine adoption du projet de loi Alur fait un peu désordre et affaiblit la position de Cécile Duflot face aux contestations de certaines mesures phares de son texte, comme l'encadrement des loyers, l'équilibre entre bailleurs et locataire ou la garantie universelle des loyers.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 septembre 2013, examiné par le Sénat du 22 au 26 octobre 2013).

 

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