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Habitat - Des propositions originales du HCF pour réduire les taux d'effort abusifs en matière de logement

Le 4 juillet dernier, Jean-Marc Ayrault adressait à Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil de la famille (HCF), une lettre fixant les thèmes sur lesquels cette instance était invitée à travailler d'ici à la fin de l'année 2013. Parmi ceux-ci figurait une mission sur "les réponses qui pourraient être apportées aux familles qui subissent des taux d'effort abusifs en matière de logement". La réduction au seul cas des familles paraissant artificielle, le HCF vient de rendre publique sa note consacrée à "La réduction des taux d'effort abusifs supportés par les locataires modestes", adoptée une semaine plus tôt lors de sa séance du 12 septembre 2013.
La rapidité de la réponse s'explique par le fait que le HCF avait déjà engagé une réflexion sur la question en 2013 et reprend donc un certain nombre de ses conclusions. La sujet a, par ailleurs, déjà été abordé dans un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (voir notre article ci-contre du 25 juillet 2012) et dans deux notes iconoclastes du défunt Centre d'analyse stratégique (voir nos articles ci-contre du 15 février 2012 et du 4 mai 2011).

10% des allocataires ont un taux d'effort moyen de 60%

Dans sa première partie, la note du HCF dresse un état des lieux des taux d’effort en matière de logement. Il en ressort que les aides aux logements versées par les CAF (APL, ALS et ALF) permettent de réduire en moyenne de 52% le taux d'effort des 6,36 millions d'allocataires. Mais ce chiffre global recouvre des situations très variables selon la situation sociodémographique des bénéficiaires. Ainsi, le taux d'effort net moyen (part des revenus consacrée au paiement du loyer et des charges, déduction faite des aides au logement), varie de 8,5% pour une famille monoparentale avec trois enfants à 25,4% pour une personne isolée sans enfant.
Ce taux varie également en fonction de la nature du logement. Il est de 11,3% dans le parc locatif social, mais de 25,2% dans le parc privé et de 24,4% dans l'accession à la propriété. Mais, une fois encore, ces taux ne sont que des moyennes. Ainsi, les 10% d'allocataires consacrant l'effort le plus important à leur logement affichent un taux moyen de 60,2%. Il s'agit principalement de personnes isolées ou de couples sans enfant, ainsi que de locataires du parc privé et d'accédants à la propriété. Par exemple, dans le parc privé, les 40% d'allocataires consacrant l'effort le plus important à leur logement affichent un taux moyen de 32,7%. Ainsi que l'indique le HCF, ces situations sont "d'autant plus choquantes qu'il s'agit de ménages modestes".

Une majoration ciblée de l'aide au logement

Face à ce constat - déjà connu - la seconde partie de la note est consacrée à la présentation d'une mesure "permettant, sous certaines conditions, de réduire les taux d’effort abusifs", entendus comme un taux supérieur à 25 ou 30%. Le HCF préconise en effet une approche réaliste et ciblée, plutôt que d'envisager une refonte complète - et très aléatoire - du dispositif des aides au logement.
L'aide envisagée consisterait en une majoration ciblée de l'aide au logement, ayant pour objet de ramener le taux d'effort à un maximum de 25% ou 30%. Le bénéfice de ce complément serait réservé aux locataires et aux accédants ayant la perspective de la constitution d'un patrimoine. Pour des raisons d’efficience, ce bonus ne serait versé qu’aux allocataires dont le loyer réel excède 120% du loyer plafond pris en compte pour le calcul des aides au logement. De même, le montant du bonus cesserait d'augmenter à partir d'un niveau de dépassement du loyer réel par rapport au loyer plafond de 180% "afin de ne pas sur-solvabiliser des ménages qui auraient fait le choix de louer un logement dont le loyer est manifestement excessif par rapport à leurs revenus".

457.000 familles seraient concernées

Selon les simulations demandées à la Cnaf par le HCF, le coût annuel d'un tel dispositif serait de 1,4 milliard d'euros (dont 507 millions d'euros pour la branche famille) pour un taux d'effort maximum de 25%. Il couvrirait alors 1,2 million de ménages, dont 457.000 familles, pour un montant annuel moyen de 1.212 euros. Dans l'hypothèse d'un taux d'effort maximal de 30%, le coût serait de 1,1 milliard d'euros, dont 286 millions d'euros pour la branche famille. Le dispositif bénéficierait alors à un peu plus d'un million de ménages, dont 288.000 familles, pour un montant annuel d'environ 1.100 euros.
Diverses autres atténuations du coût peuvent également être envisagées, comme la limitation de la mesure aux seules zones tendues au sens du projet de loi Alur (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové). En outre, compte tenu des mesures d'encadrement des loyers prévues par ce texte, le HCF estime que le risque d'un effet inflationniste sur les loyers - certains propriétaires profitant de la solvabilisation accrue des ménages pour augmenter les loyers, confisquant ainsi une bonne partie de l'aide - pourra être contenu.

Un bonus financé par redéploiement

Reste qu'"il est très difficile de trouver des pistes pertinentes de financement" et que "dans la situation actuelle des finances publiques, il est illusoire d'attendre un supplément de recettes". Le HCF explore donc des pistes originales reposant sur un redéploiement des ressources de la branche famille. Il passe ainsi en revue des pistes - cumulatives - propres aux aides au logement (augmentation de l'arrondi de l'assiette des aides, suppression de l'abattement en cas de double activité ou augmentation du seuil de non versement), une piste portant sur l'ensemble des prestations familiales et de logement avec l'arrondi des prestations à l'euro inférieur, ou encore une piste de financement portant sur la détermination des prestations sous condition de ressources en cas d'abattement et de neutralisation.
Avec ces propositions "raisonnables" à base de redéploiements, la balle est désormais dans le camp du gouvernement.