Habitat - Alur : début de parcours tranquille pour les dispositions sur le logement
Les deux rapporteurs du texte - Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis, et Audrey Linkenheld, députée (PS) du Nord - ont fait adopter plusieurs centaines d'amendements. Mais il s'agit, pour la quasi-totalité, d'amendements de précision, de coordination ou de correction (erreurs de références de textes), ainsi que d'amendements rédactionnels. S'ils améliorent notablement un texte qui présentait apparemment de sérieuses lacunes de rédaction, ils ne modifient pas son contenu.
Toutefois, parmi les 1.060 amendements examinés, les deux rapporteurs et le groupe socialiste ont fait adopter un certain nombre de dispositions importantes qui modifient ou complètent le texte initial du projet de loi. Voici les principales d'entre elles, en se cantonnant à celles qui intéressent les collectivités ou les acteurs du logement social.
Vétusté et HLM
Bien qu'il ne concerne pas directement ces derniers, le très long article 1er consacré aux rapports entre propriétaires et locataires a néanmoins fait l'objet de quelques amendements qui méritent d'être signalés. Ainsi, dans le cadre de l'encadrement des loyers, un amendement du rapporteur (CE 589, art.1er) supprime ainsi toute limitation de durée à la possibilité d'intenter une action en diminution du loyer. Dans le texte initial, cette action devrait intervenir dans les six mois suivant la prise d'effet du bail. Toutefois, pour limiter l'effet rétroactif, la diminution de loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande.
Pour tenter de sortir de l'une des principales sources de contentieux entre propriétaires et locataires, le projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat définira "les modalités de prise en compte de la vétusté" en matière de réparations locatives. Des organismes HLM ayant déjà négocié leurs propres référentiels avec les représentants des locataires, un amendement (CE 859, art.1er) prévoit que, dans ce cas de figure, le locataire pourra choisir entre ces dispositions ou le contenu du futur décret (ce qui risque de poser quelques problèmes constitutionnels).
Un autre amendement étend le dispositif de réduction du délai de préavis donné par le locataire. Désormais, outre les personnes âgées de plus de 60 ans, les locataires "dont l'état de santé, constaté par un certificat médical, justifie un changement de domicile" verront leur délai de préavis ramené à un mois (CE 654, art.2). Un autre amendement (CE 655, art.2) étend aussi cette possibilité aux personnes qui viennent de se voir attribuer un logement social "et dont les ressources sont inférieures à celles qui permettent l'attribution des logements locatifs très sociaux".
En revanche, les députés ont adopté un amendement de l'opposition - présenté notamment par l'ancien ministre du Logement Benoist Apparu (CE 2010, art.2) qui supprime la réduction de trois mois à un mois du préavis donné par le locataire pour les logements situés dans les zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants telles que définies à l'article 232 du Code général des impôts. Compte tenu du nombre d'habitants concernés, les auteurs de l'amendement considèrent que le bailleur subirait en l'occurrence un préavis trop important.
Encadrement des loyers : un risque de déséquilibre ?
Un amendement d'un député PS (CE 430, art.3) remet en cause le parallélisme des formes entre l'action en réduction d'un loyer (lorsque celui-ci est trop élevé par rapport au loyer médian de référence minoré) et l'action en réévaluation (dans le cas contraire). L'amendement restreint en effet l'action en réévaluation d'une façon qui en réduit singulièrement la portée. Il permet en effet de contester l'action en réévaluation en s'affranchissant du loyer médian de référence minoré produit par l'observatoire des loyers et en produisant des références de loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables. Dans le même esprit, un autre amendement (CE 429, art.3) prévoit que "le loyer médian de référence minoré ne peut être fixé à un montant supérieur au loyer médian de référence diminué de 30%". De ce fait, seuls les loyers très en deçà de la médiane pourront faire l'objet d'une action en réévaluation. Enfin, un amendement (CE 674, art.3) limite l'éventuelle instauration d'un complément de loyer exceptionnel. La rédaction du gouvernement prévoyait que ces surloyers peuvent s'appliquer "aux cas des logements présentant des caractéristiques, notamment de localisation ou de confort, le justifiant". Mais l'amendement substitue à l'expression "le justifiant" la précision "qui par leur nature et leur ampleur le justifient". Selon l'exposé des motifs, l'objectif est qu'"un simple balcon, sans position, taille ou équipement particulier ne doit pas pouvoir justifier l'existence d'un surloyer". Pour éviter les tentatives de contournement de l'encadrement des loyers en zone tendue, un amendement (CE 795, art.4) limite le montant du forfait de charges fixé par le bailleur (pour éviter la tentation de gonfler le forfait pour compenser l'encadrement du loyer). Un autre amendement (CE 1107, art.4) prévoit la mise en place d'un mode de fixation des loyers de référence spécifique aux résidences services gérées pour étudiants ou les résidences services gérées pour personnes âgées. Il s'agit en l'occurrence de tenir compte des coûts d'exploitation spécifiques à ces structures).
Des précisions sur la garantie universelle des loyers
Un amendement de la rapporteure (CE 1067, art.3) ouvre aux collectivités territoriales et aux caisses d'allocations familiales la possibilité d'agir en justice aux côtés ou à la place du locataire. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi limite cette possibilité aux associations. De même, un autre amendement (CE 997, art. 3) prévoit que les EPCI dotés d'un programme local de l'habitat exécutoire sont représentés au sein des organes dirigeants des observatoires locaux des loyers.
Les députés ont étendu aux occupants de logements meublés les dispositions de l'article 24 du projet de loi, relatives à la prévention des expulsions, en considérant que ces occupants "sont soumis aux mêmes aléas de la vie et aux mêmes difficultés que les locataires des logements non meublés" (CE 865, art.4).
De son côté, le gouvernement a introduit un amendement important (CE 1077, art.8) pour préciser les modalités de mise en œuvre de la garantie universelle des loyers (Gurl). Pour une disposition de cette importance, la rédaction initiale du gouvernement semblait en effet quelque peu rapide, puisqu'elle se contentait d'indiquer qu'"il est créé, pour les contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2016, une garantie universelle des loyers ayant pour objet de couvrir les bailleurs personnes physiques ou morales contre les risques d'impayés de loyer et de favoriser l'accès au logement". La nouvelle rédaction introduite par amendement précise que la Gurl s'applique aux logements à usage exclusif d'habitation ou aux logements meublés constituant la résidence principale du preneur. En sont en revanche exclus les logements appartenant ou gérés par des organismes ou des Sem de HLM et qui font l'objet d'une convention passée en application des 2°, 3° et 5° du I de l'article L.351-2 du Code de la construction et de l'habitation (logements locatifs sociaux, logements locatifs à financements spécifiques, logements foyers de jeunes travailleurs et assimilés). Un décret viendra préciser "le montant minimal d'impayés ouvrant droit à la garantie, le montant maximal de la garantie accordée pour un même logement en fonction de la localisation du logement et de sa catégorie, et la durée des versements. Il définit également les modalités de recouvrement des impayés ainsi que les mesures d'accompagnement social en faveur des locataires dont les impayés de loyer sont couverts par la garantie".
Deux amendements (CE 537 et 541, art.9) soumettent à autorisation "les locaux meublés loués de manière habituelle pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile". Il s'agit en l'occurrence d'une nouvelle tentative d'encadrer les locations touristiques "clandestines". L'exposé des motifs rappelle qu'à Paris, environ 25.000 logements d'habitation seraient ainsi transformés de fait en meublés touristiques.
Renforcement de la prévention des expulsions
En matière de prévention des expulsions, un amendement du rapporteur (CE 802, art.10) fait obligation au préfet de saisir les services sociaux, dès le stade de l'assignation pour impayés de loyers, en vue de réaliser un diagnostic social et financier. Jusqu'alors, il s'agissait d'une simple possibilité. Un autre amendement (CE 867, art. 10) prévoit que la notification de la décision de justice prononçant l'expulsion mentionne la possibilité de saisir la commission de médiation départementale mise en place dans le cadre du Dalo (droit au logement opposable). Il s'agit en l'occurrence de faire connaître aux ménages concernés la possibilité de dépôt d'un recours au titre du Dalo. En effet, selon une motion adoptée le 27 juin dernier par le comité de suivi du Dalo, seuls 5,5% des ménages menacés d'expulsion ont été reconnus prioritaire à ce titre.
Un amendement du rapporteur (CE 869, art.11) rend obligatoire la saisine de la Ccapex (commission de coordination des actions de prévention des expulsions) avant que la CAF prenne sa décision sur le maintien ou la suspension de l'aide personnalisée au logement (APL) en cas d'impayés de loyers. Ceci doit permettre à la CAF d'obtenir un avis collégial sur le dossier et de rechercher des solutions avant de prononcer une éventuelle suspension.
La commission des affaires économiques n'a pas touché à l'APL - un enjeu à plus de 4 milliards d'euros. En revanche, un amendement d'une trentaine de députés socialistes (CE 649, après l'art.11) demande au gouvernement de présenter, avant la fin de 2014, un rapport sur la possibilité de prendre en compte, pour le calcul du montant de l'APL, la moyenne des ressources perçues au cours des trois derniers mois précédant la demande et non plus, comme aujourd'hui, celle de l'avant-dernière année (autrement dit de s'aligner sur le mode de calcul prévu pour le RSA).
Hébergement : réaffirmation du principe d'inconditionnalité
En matière d'hébergement, un amendement du rapporteur (CE 816, art. 12) retire les pensions de familles de la liste des structures à disposition des SIAO (système intégré d'accueil et d'orientation). La raison avancée est que les pensions de famille n'hébergent pas leurs occupants, mais les logent. Un autre amendement (CE 1082, art.14) renforce la place de l'accompagnement dans le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) - né de la fusion du PDALPD et du PDAHI (plan départemental accueil, hébergement et insertion) -, en l'inscrivant explicitement parmi les objectifs du plan. Dans le même esprit, un autre amendement (CE 817, art.14) réintroduit divers éléments dans le champ couvert par le PDALHPD : les activités et services d'accueil et d'insertion (centres d'accueil des demandeurs d'asile, actions d'adaptation à la vie active et d'insertion sociale et professionnelle des personnes et familles en difficulté ou en situation de détresse), les différents dispositifs de veille sociale, ainsi que les services d'accompagnement social.
Un autre amendement (CE 690, art.14) inscrit dans la loi le principe de l'inconditionnalité de l'hébergement, mais sa rédaction se limite à la seule réaffirmation de ce dernier. La rapporteur a également précisé (CE 919, art.14) l'étendue des compétences de l'EPCI lorsque celui-ci se voit confier la lutte contre l'habitat indigne. Il indique en effet que, dans ce cas, l'EPCI coordonne les mesures de résorption des logements indignes, des logements non décents, des locaux impropres à l'habitation et - le cas échéant - des secteurs d'habitat informel, définies dans les PDALHPD des territoires concernés.
Du nouveau pour les hébergements ASE
Un amendement (CE 152, après l'art.16) autorise les prestataires auxquels recourent certains départements pour assurer, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, la réservation hôtelière, la suivi de l'hébergement des familles à l'hôtel et la relation avec l'hôtelier à procéder également au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses relatives à l'hébergement de ces familles.
Un amendement (CE 634, après l'art.20) ajoute un représentant de l'organisme gestionnaire du SIAO à la composition de la commission de médiation du Dalo, tandis qu'un autre (CE 1106, après l'art.22) prolonge de cinq ans le dispositif de protection et préservation de locaux vacants par occupation par des résidents temporaires prévu par la loi Molle du 25 mars 2009 et qui devait expirer le 31 décembre 2013.
Un amendement de la rapporteure (CE 197, art.22) réécrit - en les clarifiant, mais sans modifier le fond - les articles relatifs à l'habitat participatif, qui sont l'une des nouveautés du projet de loi Alur.
Habitat indigne : de la mérule aux astreintes
Si le volumineux bloc d'articles relatifs à la lutte contre les propriétés dégradées - directement issu du rapport Braye - a fort peu inspiré les députés de la commission, il n'en va pas de même avec les dispositions relatives à la lutte contre l'habitat indigne. Ainsi, un amendement (CE 812, art.41) assouplit la possibilité, pour le maire, de se voir déléguer les prérogatives du préfet en matière de police de santé publique, si l'EPCI disposant de la compétence habitat n'en fait pas la demande. Les élus des communes concernées seront également heureux d'apprendre qu'un amendement (CE 677, après l'art.41) rend obligatoire, lors d'une vente d'un bien immobilier, le diagnostic faisant état de l'absence ou de la présence de mérule dans le bâtiment (en l'occurrence un champignon particulièrement vorace, qui s'attaque au bois de construction dans les zones humides à risque). Le rapporteur a également fortement relevé - de 200 euros par jour à 1.000 euros - le niveau des astreintes administratives à l'encontre des propriétaires bailleurs dont le logement fait l'objet d'une procédure d'insalubrité remédiable de péril ou de mise en sécurité des établissements recevant du public (CE 878, art.43).
Un autre amendement (CE 1053, art.46) porte de 12 à 18 mois la durée de la réduction de loyer liée à l'indécence de son logement, période durant laquelle le propriétaire est supposé faire les travaux ou le locataire chercher un autre logement. A l'inverse, un amendement du groupe socialiste (CE 700, après l'art.46), fixe à trois mois le délai entre la demande exprimée par des locataires et la visite d'un inspecteur d'hygiène et de salubrité. Aujourd'hui, ces délais sont très variables selon que la ville dispose ou non d'un service communal d'hygiène et de santé. Le groupe socialiste a également fait adopter un amendement (CE 428, après l'art.46) demandant au gouvernement de produire un rapport, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, sur la faisabilité technique et financière de la mise en place d'un fonds d'avance, via la Caisse des Dépôts, qui serait mis à disposition des collectivités ou de leurs délégataires pour procéder aux travaux d'office. De même, un amendement de la rapporteure (CE 1062, après l'art.46) prévoit de mettre à la charge du propriétaire le relogement des locataires durant les travaux de sécurité ou de remise en état normal de fonctionnement des équipements communs. Il s'agit en l'occurrence d'un alignement sur la procédure de péril.
Attribution des logements sociaux : un mois pour recevoir les demandeurs
Sur la réforme des procédures d'attribution des logements sociaux, un amendement de la rapporteure (CE 1032, art.47) prévoit que le "plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d'information des demandeurs" prévu par le texte doit également fixer le délai maximal dans lequel tout demandeur doit être reçu après l'enregistrement de sa demande de logement social. Ce délai ne peut excéder un mois, sauf dans les zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il peut être porté à deux mois.
Un amendement de députés socialistes (CE 558, après l'art.47) permet aux bailleurs sociaux d'utiliser le supplément de loyer de solidarité (SLS) pour consentir des remises "sur le loyer acquitté par les locataires connaissant des difficultés économiques et sociales". Une mesure qui risque de soulever quelques difficultés, dans la mesure où le SLS est théoriquement affecté, à titre principal, au financement de logements sociaux. D'autres amendements (CE 646 et 647, art. 49) facilitent également le développement d'hébergements relais - après l'hébergement d'urgence - pour les femmes victimes de violences conjugales.
Missions élargies et encadrement des loyers pour les organismes HLM
Plusieurs amendements autorisent explicitement les organismes HLM à réaliser des opérations de vente d'immeubles à rénover (CE 1033, art. 49), à revendre des logements rachetés au titre de la garantie de rachat donnée à des accédants (CE 1089), mais leur interdisent en revanche - contrairement au texte du gouvernement - d'intervenir en tant que tiers financeur dans une copropriété dégradée dans le cadre de la procédure d'administration provisoire renforcée (CE 1087). Un amendement de la rapporteure (CE 943, art.51), prolonge de trois ans (jusqu'au 31 décembre 2016) le dispositif d'encadrement des loyers HLM, mis en place par la loi de finances pour 2011 et qui devait prendre fin au 31 décembre prochain.
Un amendement de la rapporteure (CE 1093, art.52) aménage le rattachement systématique des organismes HLM à un EPCI (obligatoire à compter du 1er janvier 2017). Cet amendement règle en effet deux cas de figure non prévus par le gouvernement : celui du territoire non couvert par un EPCI à la date d'échéance et le cas où un EPCI choisit d'exercer la compétence logement postérieurement à cette date. Un autre amendement (CE 1094, art. 55) crée, au sein de la CGLLS, un fonds de soutien à l'innovation de projets des organismes HLM, des Sem et des organismes bénéficiant d'un agrément relatif à la maîtrise d'ouvrage, en vue de mener des actions de recherche et de développement.
Plus surprenant, un amendement du rapporteur (CE 1096, art.56) supprime la possibilité donnée par le projet de loi aux EPCI de se voir transférer la compétence de l'Etat sur l'encadrement des loyers, dès lors qu'ils disposent d'un observatoire local des loyers. Un autre amendement (CE 1098, art 56) fait - logiquement - des EPCI les signataires obligatoires, et non plus facultatifs, des conventions d'utilité sociale (CUS).
Pouvoirs renforcés pour l'UESL
En matière de 1% logement, un amendement (CE 1104, art.57) donne à l'UESL (Union des entreprises et des salariés pour le logement) un pouvoir de révocation des directeurs généraux des CIL (comités interprofessionnels du logement) en cas de non-respect de ses décisions ou directives. Un autre amendement (CE 1100, art.57) ouvre la possibilité de déclinaisons territoriales de la convention entre l'Etat et l'UESL. Ces déclinaisons pourraient se traduire par des conventions passées avec les collectivités intéressées, au niveau des bassins d'emplois.