Emmanuel Macron veut une montée en qualité pour accroître les recettes touristiques
En attendant les mesures devant être annoncées par Jean Castex à la mi-novembre, Emmanuel Macron a tracé les grandes lignes d'un "plan de reconquête" du tourisme international le 4 novembre lors du sommet "Destination France". En plaidant pour une montée en gamme de l'offre et en insistant sur la question des infrastructures.
Le 4 novembre, Emmanuel Macron a ouvert le sommet "Destination France" en recevant, à l'Élysée, une soixantaine de dirigeants de grandes entreprises du tourisme, françaises ou étrangères mais intervenant sur le territoire national. Le sommet s'est ensuite poursuivi à quelques centaines de mètres de l'Élysée, place de la Concorde à l'Hôtel de la Marine – tout récemment rénové et désormais géré par le Centre des monuments nationaux –, sous la forme de trois tables rondes thématiques consacrées respectivement à l'attractivité de la France, aux investissements et aux emplois du secteur touristique en France, ainsi qu'à la transformation de l'offre vers un tourisme plus durable. Un ensemble de mesures, consécutives à la concertation organisée depuis plusieurs semaines (voir nos articles ci-dessous), devrait être annoncé par Jean Castex à la mi-novembre. Mais l'intervention d'Emmanuel Macron devant le sommet a déjà permis de tracer les grandes lignes d'un "plan de reconquête" du tourisme international.
Aujourd'hui, "c'est l'heure de la reprise qui a sonné"
La tenue de ce sommet consacre la rôle clé du tourisme dans l'économie française, qui représentait, avant la crise sanitaire, 7,5% du PIB et 9,5% des emplois. En 2019, la France avait accueilli 90 millions de touristes étrangers (ce qui inclut aussi le simple tourisme de transit entre le nord et le sud de l'Europe), lui valant ainsi le rang de première destination touristique mondiale et engendrant environ 170 milliards d'euros de recettes.
Cette situation a été très fortement impactée par la crise sanitaire, avec un nombre de touristes internationaux tombé à 40 millions en 2020. Emmanuel Macron a toutefois rappelé que "l'État s'est immédiatement mobilisé pour préserver les emplois, les trésoreries et éviter les faillites et les pertes. Début septembre, le soutien de l'État s'élevait à plus de 38 milliards d'euros, avec des aides qui ont soutenu tous les professionnels du secteur", ce qui fait de la France "le premier pays au monde à soutenir le secteur touristique à un tel niveau pendant la pandémie".
Aujourd'hui, "c'est l'heure de la reprise qui a sonné, dans un contexte qui est encore très fragile". Parmi les atouts pour accompagner cette reprise, malgré un contexte sanitaire qui reste inquiétant, le chef de l'État a cité la vaccination et le passe sanitaire. Il a notamment affirmé qu'en fonction de l'évolution de la situation sanitaire, "on ajustera les contrôles, on renforcera peut-être à tel ou tel moment, mais on sortira de cette logique binaire en quelque sorte de l'ouverture complète ou de la fermeture". Un message qui devrait rassurer les stations de ski, dont la saison débute.
La "French Touch" à l'appui du tourisme
Pour Emmanuel Macron, "la destination France a été challengée pendant la crise. En termes de recettes touristiques, nous ne sommes plus les premiers" (ce que la France n'a en réalité jamais été, notamment derrière les États-Unis et l'Espagne). L'objectif affiché est donc "de pousser nos compatriotes qui font du tourisme en France, mais aussi les touristes du monde entier, de rester un peu plus longtemps, d'aller dans des endroits où il y a de la qualité et d'avoir des bonnes justifications par justement cette expérience, pour qu'ils dépensent un peu plus quand ils sont chez nous". Pour cela, le maître mot est bien celui de qualité. Il s'agit en l'occurrence de "passer d'une réflexion strictement quantitative à une réflexion qualitative". "Et donc je souhaite que nous puissions faire émerger, entre les acteurs traditionnels, les nouveaux acteurs, en faisant lien entre le physique et le numérique, justement, la capacité à agréger et à faire vivre de nouvelles expériences plus authentiques, c'est-à-dire que ce qu'il nous faut travailler et je pense qu'on a un atout immense, c'est ce qu'on appelle cette 'French Touch'", a déclaré le chef de l'Etat. L'idée est en effet que les touristes viendront de plus en plus chercher une expérience, davantage qu'une prestation dans un endroit donné. Pour cela, il faut davantage d'interactions et de synergies entre les acteurs et se montrer capable de développer des prestations intégrées et des logiques de circuits.
Emmanuel Macron a également insisté sur la question des infrastructures. Il "faut totalement qu'on assume d'être une nation exemplaire sur le plan climatique, mais en même temps d'être une grande nation de transport", notamment en développant la multimodalité et l'intermodalité. Dans ces conditions, "la modernisation de nos infrastructures est une stratégie touristique pour les décennies à venir. Et elle est au cœur d'ailleurs, de ce que nous avons mis sur France 2030".
Autre priorité évoquée par le chef de l'État : la montée en gamme de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que l'accompagnement des professionnels, ce qui représente "un immense défi sur nos territoires", notamment "dans les régions qui sont encore touchées par l'insuffisante reprise du tourisme international". Pour assurer l'évolution de l'offre, Emmanuel Macron "compte vraiment sur la Caisse des Dépôts et Consignations, qui doit être un des acteurs accompagnant cette transformation".
Un appel à 20 milliards d'investissements annuels
La question des moyens humains est également centrale. Dans ce domaine, "il y a un travail à faire qui passe par un ensemble assez complexe qui est de la rémunération, mais pas seulement, qui est du cycle horaire, qui est de la qualité de vie, de la capacité à concilier le travail et la vie personnelle. Et donc, on a à réinventer un modèle, pour pouvoir continuer à attirer les jeunes, mais surtout à les garder". Il convient donc, pour leur proposer une autre offre, de travailler à une adaptation des cycles horaires, à l'évolution des carrières, à une plus grande conciliation des différentes attentes, mais aussi à des plans de formation pour l'apprentissage des langues étrangères.
Un quatrième axe réside dans l'accélération de la transition écologique. Un enjeu important, dans la mesure où le secteur représente 11% des émissions de gaz à effet de serre. Enfin, le cinquième axe, sur lequel Emmanuel Macron avait déjà longuement insisté lors de son discours à Saint-Cirq-Lapopie (voir notre article du 3 juin 2021), est celui de l'innovation et du numérique. Sur ce point, le chef de l'Etat a "salué les différentes solutions qui ont été déployées pour soutenir l'innovation dans le tourisme à ce titre". Il a notamment cité le Tourism Lab, le Welcome City Lab, la plateforme Data Tourisme, le challenge Tourisme innove, la billetterie interconnectée, l'accompagnement à la transformation numérique des acteurs du tourisme, le soutien à la création d'une communauté French Tech Tourisme par Bpifrance... et il a bien sûr cité Alentour, "la plateforme qui a permis avec la Banque des Territoires et Amadeus de développer là aussi une offre numérique qui permet de recoller sur les territoires" (voir notre article du 30 septembre 2021).
Emmanuel Macron a conclu son intervention par un appel appuyé aux dirigeants des grandes entreprises présents à l'Élysée : "Avant la crise, la France enregistrait en moyenne 15 milliards d'euros d'investissements dans l'industrie touristique chaque année. Aujourd'hui, nous devons viser 20 milliards d'euros d'investissements annuels."