Alentour : une plateforme française pour desserrer l'emprise des "Gafa" du tourisme
La Banque des Territoires a officiellement lancé ce 30 septembre, en présence de Jean-Baptiste Lemoyne, la "plateforme du tourisme de proximité" baptisée Alentour, qui offrira à terme "le plus large catalogue possible d'activités de loisirs dans tous les territoires français". Une vitrine innovante pour les fournisseurs d'activités, les hébergements, mais aussi les institutionnels dont les offices de tourisme.
La Banque des Territoires a lancé officiellement, ce jeudi, Alentour, "la plateforme du tourisme de proximité". D'abord expérimentée au mois d'août sur la Côte d'Azur, les services de la plateforme – opérationnelle dès aujourd'hui – seront ensuite progressivement déployés dans les prochains mois et en 2022 sur l'ensemble du territoire. Le lancement d'Alentour s'inscrit très clairement dans un double objectif. D'une part, la reconquête d'une souveraineté française en matière de présentation et de médiation de l'offre touristique, dans une logique pas très éloignée de celle de la réindustrialisation. D'autre part, la promotion d'une offre de proximité, afin d'amplifier la dynamique engendrée par la crise sanitaire.
"Il serait bon que l'innovation digitale vienne de la France"
Olivier Sichel, directeur de la Banque des Territoires et directeur général délégué de la Caisse des Dépôts, a été très direct dans sa présentation des origines du projet : "Nous nous sommes pris en pleine figure, il y a 15 ans, la révolution Tripadvisor, puis il y a dix ans Booking.com et ensuite Airbnb... Il serait bon que l'innovation digitale vienne de temps en temps de la France, premier pays touristique au monde." Ces propos font directement écho à ceux d'Emmanuel Macron, le 2 juin dernier, lors de son déplacement dans le Lot consacré à la relance de l'activité touristique (voir notre article du 3 juin 2021). Évoquant le basculement très rapide de l'activité touristique sur le numérique, et notamment celui des réservations et de la programmation des vacances, le chef de l'État avait constaté que "ce sont parfois des plateformes étrangères qui captent une partie de la valeur". Il avait alors souhaité que les entreprises du secteur puissent elles-mêmes se numériser, et demandé d'aider à "bâtir des plateformes françaises". Le projet d'Alentour a émergé dès mai 2020, mais il s'est surtout inscrit dans le volet du plan de relance consacré au tourisme.
Sur ce sujet, les acteurs du tourisme sont, de longue date, sur la même longueur d'ondes que les pouvoirs publics. Le secteur de l'hôtellerie dénonce ainsi régulièrement le quasi-monopole de fait de Booking sur les réservations, qui permet à la plateforme de prélever une part significative de la plus-value née de l'activité, à travers des commissions unanimement considérées comme trop élevées.
Digitaliser le plus large catalogue possible d'activités de loisirs
Dans ce contexte, l'objectif d'Alentour est, selon le communiqué de la Banque des Territoires du 30 septembre, "de digitaliser le plus large catalogue possible d'activités de loisirs dans tous les territoires français. Ces activités seront proposées aux voyageurs par les hébergements touristiques (hôtels, campings, résidences de tourisme) et les institutionnels (offices de tourisme, comités régionaux du tourisme)". Pour mettre au point la plateforme, la Banque des Territoires s'est associée avec deux entreprises de pointe du numérique touristique : Amadeus – bien connue pour sa plateforme de réservation de voyages aériens – et Dawex, spécialisée dans les plateformes d'échanges de données et de places de marchés.
Lors de la présentation d'Alentour, Jean-Baptiste Lemoyne – le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie – a affirmé que la nouvelle plateforme "est une pépite française du numérique et du tourisme. Cet outil va donner une meilleure visibilité et un accès simplifié à toute la richesse des activités touristiques pour les visiteurs français et étrangers. Nous sommes tous mobilisés pour relancer le tourisme bleu-blanc-rouge !".
Un coût mieux-disant sur le marché
Alentour va toutefois au-delà de la seule reconquête d'une valeur ajoutée aujourd'hui largement confisquée par des entreprises High Tech américaines. La plateforme doit en effet aussi "enrichir l'expérience des voyageurs au cours de leur séjour, grâce à la liste personnalisée et réservable envoyée par leur hébergeur ou par l'office de tourisme de la destination où ils se trouvent". La présentation de la plateforme en donne quelques exemples : ainsi, les voyageurs pourront recevoir à plusieurs moments de leur séjour, lors de la réservation de leur hôtel ou de leur arrivée sur place, un SMS ou un email cliquable et personnalisé leur donnant accès à une liste complète d'activités à proximité, réservables immédiatement depuis leur smartphone, que les équipes d'Alentour auront agrégées et consolidées pour les hébergeurs et les institutionnels. Ils auront également la possibilité de scanner un QR code à l'hôtel ou à l'office du tourisme, et les hôtels pourront afficher la carte interactive géolocalisant les loisirs à proximité pour conseiller leurs clients.
De leur côté, les fournisseurs d'activités touristiques pourront accroître leur visibilité, mais aussi augmenter leurs revenus, en accédant à un nouveau canal de distribution numérique. Alentour aura bien sûr un coût et sera financé, comme les plateformes étrangères actuelles, sur la base d'un système de commissionnement. Mais celui-ci "sera mieux-disant que ceux généralement pratiqués sur le marché". Du côté des acteurs institutionnels (comme les offices de tourisme) et des hôtels et autres structures d'hébergement, Alentour donnera accès à une plateforme d'offres touristiques "riche et intuitive pour mieux répondre aux besoins des voyageurs".
Déjà 2.500 activités réservables
Au jour de son lancement, Alentour propose déjà plus de 2.500 activités, réservables dans près de 200 hôtels, principalement sur la Côte d'Azur, où s'est déroulée la première étape du déploiement en août 2021. Les prochains territoires concernés seront la Savoie et la Haute-Savoie, dans le cadre d'une coopération avec l'Agence Savoie Mont-Blanc, qui fédère les deux territoires en matière touristique.
Les contenus d'Alentour devraient ensuite s'enrichir rapidement. Il est vrai que le site est graphiquement très séduisant. Son architecture distingue quatre grande catégories, dotées chacune de leur propre entrée : prestataires d'activités, hébergements touristiques, institutionnels et visiteurs. À ce stade, l'ergonomie est simple d'accès, mais les contenus sont encore peu étoffés. La réussite d'Alentour va désormais se jouer sur la mobilisation d'un certain nombre de relais : fédérations professionnelles, associations de collectivités territoriales, grands acteurs du tourisme (comme les chaînes hôtelières)...