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Ehpad et aide à domicile : "Le médicosocial singe de plus en plus le sanitaire"

Une étude sur "Les Ehpad et l'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie" présentée ce 8 décembre par l'Odas et La Banque postale comprend, d'une part, une analyse de la population des personnes âgées, des lieux de résidence, du poids de la dépendance et des dispositifs d’aides et, d'autre part, une analyse de la situation financière des Ehpad publics.

L'Odas (Observatoire de l'action sociale décentralisée) et La Banque postale, son partenaire depuis plusieurs années, ont présenté, le 8 décembre, une étude sur "Les Ehpad et l'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie". Les deux partenaires se sont répartis les rôles. L'Odas a réalisé et présenté une analyse de la population des personnes âgées, des lieux de résidence, du poids de la dépendance et des dispositifs d’aides. Pour sa part, la Banque postale, qui mène régulièrement des analyses sur les dépenses sociales des départements, a présenté une étude centrée sur l'actualité réglementaire des Ehpad dans le contexte de la crise sanitaire et sur la situation financière des établissements (en l'occurrence les seuls Ehpad publics). L'objectif affiché des deux organismes est d'"apporter notre contribution aux débats actuels et à venir sur le grand âge, sans négliger une précieuse analyse de la situation financière des établissements publics spécialisés au moment où ils ont abordé la Covid-19".

Une dépendance qui progresse moins vite que le nombre de personnes âgées

La  partie de l'étude assurée par l'Odas n'apporte pas d'informations nouvelles, mais constitue une utile synthèse sur le sujet. Didier Lesueur, le délégué général de l'Odas, et Claudine Padieu, la directrice des études, ont insisté, lors de leur présentation, sur la nécessité de voir la retraite comme une chance et d'aborder la question dans une vision d'ensemble. Ils ont ainsi rappelé quelques chiffres que l'on a parfois tendance à oublier dans les débats sur le sujet. Ainsi, si le nombre de plus de 75 ans va quasiment doubler d'ici à 2050 (de 6 millions à près de 12 millions), celui des personnes dépendantes devrait progresser beaucoup moins vite sur la même période, passant de 2,7 à 4 millions. On est donc loin des prévisions apocalyptiques qui florissaient encore il y a une quinzaine d'années, notamment avec la montée de la maladie d'Alzheimer. De même, il faut garder à l'esprit que 92% des plus de 75 ans vivent à leur domicile, ce qui est aussi le cas de 50% des personnes classées en GIR 1 et 2 (les plus dépendantes).
Face à cela, la réponse en termes d'aide à domicile – à travers en particulier les aides humaines assurées principalement par des services prestataires et financées par l'APA (allocation personnalisée d'autonomie) – est "très fragile", selon Claudine Padieu. Elle repose essentiellement sur 3,7 milliards d'euros d'argent public (départements, CNSA, caisses de retraite), tandis que les aidants bénévoles (11 millions de personnes) ne suffisent pas à compenser le manque de financement. Le secteur connaît aussi une grave crise de recrutement, dont rien ne dit que la récente revalorisation des personnels des services d'aide à domicile (Saad) suffira à la surmonter. Enfin, Didier Lesueur n'a pas manqué de rappeler que toute la construction de la politique d'aide à domicile se fait autour des notions de prise en charge, de gestes techniques et professionnels, bien davantage que sur les enjeux du lien social, un thème cher à l'Odas.

"Changer radicalement de manière de faire"

Du côté des Ehpad et des USLD (unités de soins de longue durée) – 650.000 places, auxquelles s'ajoutent 130.000 places dans d'autres formes d'hébergement –, l'étude rappelle qu'il s'agit le plus souvent d'un choix contraint et de lieux de fin de vie, encore très fermés et avec un poids croissant de la dimension sanitaire. Là aussi, et en dépit de réels progrès (par exemple sur la prise en charge des personnes atteintes de maladies neuro-dégénératives), l'Ehpad reste "peu ouvert sur le monde extérieur et ne favorise pas le maintien du lien social ou la citoyenneté des résidents". 
L'étude pointe aussi la lourdeur du mode de financement (résidents et familles, CNSA, départements), illustrée notamment par l'attribution soi-disant individuelle de l'APA en établissement. Pour Claudine Padieu, "il faut tordre le cou à la fiction d'une aide individuelle", alors qu'il s'agit d'un financement collectif du département.
Pourtant, tous les résidents d'Ehpad ne sont pas fortement dépendants : si 350.000 relèvent des GIR 1 ou 2, 230.000 sont classés en GIR 3 et 4 et 50.000 en GIR 5. Or, estime Didier Lesueur, "le médicosocial singe de plus en plus le sanitaire". Par exemple, un résident qui en a la capacité ne peut pas aider au repas, contrairement à ce qui se passe dans les Marpa, et se trouve réduit à un rôle aussi passif qu'un malade hospitalisé. Il faut donc "changer radicalement de manière de faire" et consentir un effort beaucoup plus important sur d'autres formes d'hébergement que les Ehpad (Marpa, habitat inclusif...), tout en accompagnant l'ouverture de ces derniers sur l'extérieur. Dans ce contexte, et tout en se montrant très prudente compte tenu de son rattachement à la sphère des collectivités, l'Odas estime qu'une tutelle unique sur les Ehpad confiée aux ARS – comme le réclament certains directeurs de ces établissements – risquerait d'accentuer encore le glissement vers le sanitaire.

2019, l'année de référence

Luc-Alain Vervisch, le directeur des études de la Banque postale, et Sébastien Villeret, responsable d'études financières, ont ensuite présenté le volet réalisé par la Banque sur l'analyse de la situation financière des Ehpad. Ils ont commencé par rappeler l’actualité réglementaire des Ehpad analysée sous un angle financier : mesures prises pour faire face à l'impact financier du Covid-19, revalorisations salariales des métiers des secteurs sanitaire et médicosocial consécutives au Ségur de la santé, aides à l'investissement dans le cadre du Ségur et de France relance... Sans oublier la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, sans lien direct avec la crise sanitaire, qui constitue une avancée importante, mais "dont plusieurs rameaux restent à faire pousser". 
Cette analyse financière porte sur l'année 2019. Le choix peut surprendre au regard du bouleversement introduit par la crise sanitaire. Mais outre le problème de disponibilité des données 2020, l'étude explique précisément ce choix par le fait que, face à une année 2020 hors norme, l'exercice 2019 va servir de référentiel. Autre précision, le périmètre de l'étude se limite au secteur public : Ehpad publics autonomes (environ 50%), Ehpad rattachés à un hôpital (environ 25%) et Ehpad rattachés à un CCAS ou un Cias (idem).

Les Ehpad publics autonomes plus performants en 2019

En termes de capacités, les Ehpad hôpitaux publics sont d'une taille moyenne plus importante (110 lits contre 90 pour l'ensemble des Ehpad publics). Conséquence logique : en termes de recettes de fonctionnement, ces Ehpad représentent un peu plus de 40% du total, alors que le poids de ceux rattachés à des CCAS est beaucoup plus faible (environ 15%). 
En revanche, les Ehpad publics autonomes présentent une capacité d'autofinancement (CAF) supérieure aux autres catégories (soit 52% du total de la CAF alors qu'ils ne concentrent que 43% des recettes), ce qui témoigne de leur meilleure performance d’exploitation en 2019. De ce fait, les Ehpad publics autonomes affichent un taux de CAF de 6,5% en 2019, supérieur de 1,5 point aux Ehpad de CCAS et de 2,5 points à ceux des hôpitaux. En outre, ces derniers sont les seuls à afficher un déficit moyen d'exploitation de l'ordre de 1%, alors que les deux autres catégories sont bénéficiaires (respectivement +1% et +1,4%).
En termes d'encours de dette, les Ehpad publics autonomes présentent un encours total de 3,2 milliards d'euros, proche de celui des Ehpad hospitaliers (difficile à calculer mais qui serait de l'ordre de 3 milliards), mais nettement supérieur à celui des Ehpad rattachés à un CCAS (0,8 milliard). A noter : en plus des données d'ensemble, l'étude de la Banque postale procède à une analyse spécifique de la situation des Ehpad publics autonomes. 

 

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