Adaptation au vieillissement : le rapport Broussy propose "un nouveau pacte entre générations"
Le rapport de Luc Broussy sur le vieillissement remis ce 26 mai au gouvernement formule une série de propositions concrètes pour "repenser la politique d'adaptation des logements" : créer un dossier unique de demande d'aide (#MaPrimAdapt'), un opérateur également unique, un volet dédié au sein de l'APA... Mais le rapport s'intéresse aussi à l'enjeu des personnes âgées dans l'espace public : question du vieillissement dans les programmes Action coeur de ville ou Petites villes de demain et dans les QPV, mobilier urbain, adaptation des mobilités... Il se penche en outre sur les fractures géographiques qui se dessinent et sur les enjeux de gouvernance des politiques de "transition démographique", dont le conseil départemental resterait l'ensemblier à l'échelle territoriale.
Le 26 mai, Luc Broussy, président de France Silver Eco (et spécialiste du secteur des personnes âgées) a remis son rapport à Brigitte Bourguignon, Jacqueline Gourault et Emmanuelle Wargon. Intitulé "Nous vieillirons ensemble... 80 propositions pour un nouveau pacte entre générations", il fait écho à un précédent rapport du même auteur, qui entendait "Sortir les personnes âgées du ghetto médicosocial" (voir notre article du 11 mars 2013). Dans le contexte démographique bien documenté du vieillissement de la population, ce nouveau rapport entend "répondre par une approche holistique", permettant de faire en sorte que "la vie à domicile ne se transforme pas en assignation à résidence".
Logement : de MaPrimeRénov' à MaPrimeAdapt'
Le document dépasse donc largement la seule question de l'adaptation du logement au vieillissement. Ce point reste toutefois la porte d'entrée incontournable. Le rapport propose donc rien moins que de "repenser la politique d'adaptation des logements", jugée "opaque, complexe et illisible". Il se félicite toutefois d'une rupture récente avec la mise en place de MaPrimeRénov', dont il suffirait désormais de s'inspirer. Le rapport propose donc notamment de procéder à une évaluation du logement à chaque demande d'APA et de créer un volet "adaptation du logement" au sein de cette prestation. De même, il conviendrait de créer rapidement un dossier unique de demande d'aide à l'adaptation du logements – baptisé #MaPrimAdapt' –, tout en harmonisant les conditions d'accès aux aides (revenus, âge, GIR...).
Dans le même esprit de simplification, le rapport propose de créer un opérateur unique de l'adaptation du logement, sous la forme d'un pôle constitué de la Cnav et de l'Anah. Pour leur part, les départements qui se sont engagés dans l'adaptation des logements pourraient maintenir leurs actions en contractualisant avec le pôle Cnav-Anah. Le financement du dispositif passerait par un fonds national MaPrimAdapt', hébergé dans la Cinquième branche. Au-delà des ressources actuelles – assez modestes –, l'objectif serait de parvenir à un montant de l'ordre de 500 millions d'euros par an pour 100 à 150.000 adaptations annuelles. Parmi les autres propositions, on retiendra notamment le doublement du nombre d'ergothérapeutes à l'horizon 2030 et la création d'un droit à prescription pour cette profession.
"La nécessité pour les maires d'une politique à 360°"
Le logement adapté n'a de sens qui si ses occupants peuvent sortir de chez eux. De ce constat découle "la nécessité pour les maires d'une politique à 360°". Le rapport rappelle au passage que "lors du mandat municipal 2020-2026, la France va connaître une explosion des 75-84 ans de +30%. Du jamais vu dans l’histoire". Le rapport formule donc quelques propositions à ce titre, sans pour autant bouleverser les pratiques : intégrer une "prime" dans les appels d'offres de mobilier urbain pour les entreprises proposant des équipements prenant en compte les publics fragiles, renforcer le repérage de ces publics en utilisant les registres "canicule" (ce qui a largement été fait pour la vaccination contre le Covid-19), inclure la question du vieillissement parmi les priorités de la deuxième programmation d’Action cœur de ville et dans celle des Petites villes de demain, cibler les 200 QPV dans lesquels la population est la plus âgée ou encore anticiper le vieillissement des étrangers dans les QPV et celui des travailleurs migrants dans les foyers. Cette approche "à 360°" devrait se traduire par la généralisation de l'obtention du label "Villes et territoires, amis des aînés". Au niveau national, le rapport préconise de créer un "Conseil national territoires et transition démographique".
La troisième grande thématique concerne l'adaptation des mobilités. L'enjeu est de taille, puisque le rapport rappelle qu'un piéton qui décède sur deux a plus de 65 ans. La mobilité est en outre un facteur essentiel pour éviter l'isolement social. Les solutions proposées passent notamment par l'adoption, par chaque ville, d'un plan de protection des piétons âgés et fragiles. Celui-ci pourrait se traduire par l'adoption d'un "Code de la rue", conciliant sécurité des piétons et nouveaux modes de transports urbains. Sur les déplacements en voiture, le rapport suggère une mesure qui pourrait paraître un peu discriminante à première vue : expérimenter, sur une base volontaire, la pose d'un autocollant "Seniors" au dos des véhicules. De même, il est proposé de former systématiquement les conducteurs de bus à la fragilité des clients âgés (souvent malmenés par les brusques arrêts et démarrages). Enfin, le rapport préconise de généraliser le dispositif "Sortir +", créé en 2005 par l'Agirc-Arrco et qui propose un accompagnateur (à pied ou en véhicule) pour les plus de 75 ans.
Des schémas de la transition démographique à la place des schémas gérontologiques
Le chapitre suivant, intitulé "Les territoires face au vieillissement : pour une logique d'anticipation et de solidarité", se veut plus prospectif. Il s'agit en particulier de tenir compte de la fracture territoriale et démographique qui s'aggrave, notamment sur une transversale Biarritz-Bar-le-Duc. Sur ce point, le rapport avance plusieurs scénarios de dynamique territoriale. Il pointe également plusieurs "territoires qui doivent attirer l'attention". Il s'agit en l'occurrence du vieillissement en périurbain ou du cas de certains territoires particuliers comme la Martinique. Ce dernier chapitre identifie également des "acteurs structurants en faveur du vieillissement dans les territoires". Sont ainsi évoqués parmi ces acteurs La Poste (qui pourrait se voir confier une mission de service public de repérage des fragilités), la Caisse des Dépôts (qui pourrait animer une "alliance des acteurs économiques et sociaux"), ou les Ehpad, qui pourraient développer des plateformes de services (sachant que 65% des Français vivent à moins de 5 km d'un Ehpad).
Enfin, le dernier chapitre est consacré à la gouvernance. À ce titre, le rapport préconise la création d'un Comité interministériel de la transition démographique, en s'inspirant du modèle du Comité interministériel du handicap. Ce comité serait notamment chargé de préparer et de suivre une Conférence nationale de la transition démographique, réunie tous les deux ans. Au niveau des départements, qui resteraient un échelon clé de la mise en œuvre des politiques à destination des personnes âgées, le rapport préconise de supprimer les schémas gérontologiques départementaux. Ils seraient remplacés par des schémas départementaux de la transition démographique "faisant du conseil départemental l’ensemblier des politiques territoriales du vieillissement". Pour leur part, les régions seraient chargées de l'animation des filières de la Silver Économie, tandis qu'un groupe d'étude sur la transition démographique serait créé à l'Assemblée nationale.