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Société - Egalité femmes-hommes : les députés renforcent l'arsenal

Les députés ont ce mardi voté en première lecture, à une écrasante majorité, le projet de loi "pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes". Plusieurs des dispositions renforcées lors de ce passage à l'Assemblée touchent directement les collectivités, dans des champs aussi divers que la politique familiale, l'action sociale, l'état civil, les exécutifs locaux, les agents territoriaux ou les marchés publics.

Les députés ont voté ce 28 janvier en fin de journée le projet de loi pour l'égalité femmes-hommes dont ils avaient achevé l'examen vendredi 24 janvier dans une ambiance finalement plutôt consensuelle après avec la virulence des échanges à propos de l'IVG (suppression de la notion de "détresse" pour recourir à une IVG) en début de semaine. Le texte a recueilli 359 voix pour (toute la gauche, une petite majorité de centristes et 11 UMP) et seulement 24 contre (dont 21 UMP et les 2 FN). La majorité de l'UMP s'est abstenue.
Ce projet de loi-cadre défendu par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, va maintenant repartir devant le Sénat après avoir vu son titre changé à la faveur d'un ultime amendement, voté à l'initiative du rapporteur du texte, Sébastien Denaja : il vise désormais l'égalité "réelle" entre les femmes et les hommes. Après, aussi, un certain nombre de points renforcés ou modifiés par les députés par rapport au texte présenté en Conseil des ministres en juillet 2013 puis adopté en première lecture au Sénat en septembre dernier.
Nombre de ces points intéressent les collectivités, dans des champs aussi divers que la politique familiale, l'action sociale, l'état civil, les élus et exécutifs locaux, les agents territoriaux ou les marchés publics. En rappelant que les collectivités sont d'emblée intégrées de façon globale dans le projet gouvernemental puisque l'article 1er du texte s'ouvre par l'affirmation suivante : "L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en oeuvre une politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée. Ils veillent à l'évaluation de l'ensemble de leurs actions au regard du principe d'égalité entre les femmes et les hommes."

Famille

La mesure la plus en vue du projet de loi reste sans doute la réforme du congé parental : les parents d'un seul enfant, qui ont aujourd'hui droit à six mois de congé parental, pourront prendre six mois de plus à condition que ce soit le second parent qui en soit bénéficiaire. A partir de deux enfants, la durée du congé restera de trois ans, à condition que six mois soient pris par le second parent, sinon elle sera raccourcie à deux ans et demi. Des députés UMP ont demandé sans succès la suppression de l'article en question, estimant que la "liberté du couple" était remise en cause par cette "intrusion de l'Etat". Mais le groupe UMP s'est dit globalement favorable à ce partage du congé parental, malgré des "interrogations" sur la possible réduction de sa durée par décret. Au passage, les députés ont décidé de rebaptiser le complément de libre choix d'activité (CLCA), qui s'appelle maintenant la "prestation partagée d'accueil de l'enfant" (PreParE).
Sur un autre chapitre, le ton est monté une nouvelle fois lors de la présentation d'un amendement écologiste visant à privilégier la résidence alternée en cas de séparation des parents, disposition qui avait été introduite au Sénat puis annulée en commission à l'Assemblée.

Protection des femmes

Parmi les nombreuses dispositions du texte visant à mieux protéger les femmes victimes, notamment, de violences - mais aussi plus largement certaines familles monoparentales -, plusieurs retouches ont été apportées.
Ainsi, s'agissant de l'article 6 qui crée une garantie contre les impayés de pensions alimentaires devant préalablement être expérimentée dans plusieurs départements (voir ci-contre notre article du 6 décembre 2013), un amendement UMP a été adopté afin de mieux mesurer la capacité des CAF à améliorer leur taux de recouvrement. Les députés ont par ailleurs reformulé et précisé l'article (6 septies) qui prévoit l'expérimentation du versement en tiers payant, directement à l'assistant maternel, de l'aide à la garde d'enfants normalement versée au parent employeur (voir notre article du 19 septembre).
Un nouvel article prévoit que "les personnes victimes de violences peuvent bénéficier des aides du fonds de solidarité pour le logement pour faciliter leur relogement" (les conditions dans lesquelles seront appliquées cette disposition devront être précisées par décret).
La ligne d'écoute 3919 déjà expérimentée dans plusieurs départements, dont l'objet a été étendu par amendement gouvernemental pour devenir le numéro unique sur les violences conjugales, le viol, les mutilations sexuelles ou le mariage forcé, appelé "femmes en très grand danger", a été gravé dans le texte.

Etat civil / administration

L'Assemblée a adopté un amendement socialiste spécifiant que "les correspondances des autorités administratives sont adressées aux usagers sous leur nom de famille, sauf demande expresse de la personne concernée de voir figurer son nom d'usage sur les correspondances qui lui sont adressées". En fait, la législation ordonne déjà "qu'aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance", mais elle est très souvent non respectée, malgré de nombreuses circulaires gouvernementales, ont rappelé les auteurs de l'amendement, Axelle Lemaire et Sébastien Denaja. Le nom de femme mariée n'est qu'un "nom d'usage". Les administrations, en particulier fiscales et de sécurité sociale, "substituent systématiquement le nom du conjoint au nom de naissance des femmes mariées" et "ce n'est qu'en cas de demande expresse contraire que la femme mariée peut continuer à se voir adresser ces correspondances et formulaires sous son nom de naissance", ont-ils dénoncé. A l'avenir donc, "c'est uniquement sur demande expresse de la personne concernée que le nom de son conjoint sera, le cas échéant, ajouté ou substitué au sien".

Parité politique… et locale

L'Assemblée a alourdi la pénalité financière pour les partis ne respectant la parité dans leurs candidatures aux élections législatives. Mais cet objectif de parité en politique s'est aussi traduite par plusieurs modifications renforçant sensiblement les obligations pesant sur les exécutifs locaux et sur les assemblées locales.
Les députés ont ainsi décidé que, dans un conseil départemental ou un conseil régional, le premier vice-président sera obligatoirement du sexe opposé au président. Autrement dit, si le président est un homme, il aura forcément à ses côtés une première vice-présidente. Ce nouveau pas vers la parité au sein des exécutifs s'appliquerait au lendemain des élections départementales et régionales de mars 2015. La disposition viendrait compléter la loi qui prévoit, dans ces collectivités, que les listes candidates aux fonctions de vice-présidents et aux autres postes de la commission permanente soient composées alternativement d'un homme et d'une femme.
L'obligation concernerait aussi le maire et son premier adjoint. Ce dernier serait forcément du sexe opposé à celui du maire. Ce changement n'entrerait en vigueur qu'à partir des élections de 2020. Il ne peut en être autrement, puisque la loi ne sera publiée qu'après les élections municipales des 23 et 30 mars prochains.
Cette règle vient s'ajouter aux nouvelles obligations introduites par la loi du 17 mai 2013. Cette dernière prévoit que, sur les listes de candidats à l'élection des adjoints aux maires dans les communes de 1.000 habitants et plus (et non plus à partir de 3.500 habitants), "l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un". Il faut rappeler que la composition des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre n'est pas soumise à des règles de parité. Lors de l'examen du projet de loi Valls sur les modes de scrutins locaux, les parlementaires ont renoncé à inscrire de telles obligations, qui auraient très souvent empêché le maire de siéger au sein du conseil communautaire, lorsque la commune ne dispose que d'un représentant au sein du conseil communautaire.
Afin, là encore, de favoriser la parité en politique, les députés ont modifié les règles de remplacement du siège d'un conseiller communautaire devenu vacant, pour les communes de 1.000 habitants et plus. Les dispositions s'appliqueraient à compter du 1er janvier 2015.

Collectivités : égalité à tous les étages

Chaque année, avant de débattre sur le projet de budget, les élus des communes de plus de 10.000 habitants, les conseillers communautaires des EPCI de plus de 10.000 habitants, les conseillers généraux et les conseillers régionaux examineraient un rapport "sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation". Cette mesure met en œuvre le principe d'une "approche intégrée" de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes posé par l'article 1er du projet de loi.
L'Assemblée nationale a encore souhaité que les conseils supérieurs des trois fonctions publiques - y compris, donc, le CSFPT - "publient chaque année un rapport écrit sur la situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes, au sein de leur fonction publique". Ils ont adopté cette mesure bien qu'elle soit "redondante" (selon les termes mêmes qu'ils ont employés) avec une mesure de la loi Sauvadet du 12 mars 2012. Cette dernière vient d'être précisée par un décret publié le 31 décembre au Journal officiel. Elle prévoit que le ministre chargé de la fonction publique remet chaque année auprès du conseil commun de la fonction publique un rapport annuel sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.
Les députés ont décidé que la composition des conseils d'administration des régies municipales serait paritaire "à partir du premier renouvellement faisant suite à la promulgation de la loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes". Les personnalités qualifiées échapperont à la règle. Les instances consultatives collégiales créées par la loi ou un décret auprès des collectivités territoriales, ou les mêmes instances créées par délibération par les collectivités territoriales (à l'exception des instances régies par les règles de la fonction publique territoriale) seraient également paritaires dans leur composition.

Commande publique

Le volet du projet de loi concernant la commande publique a également subi quelques retouches. Initialement, l'article 3 du projet prévoyait l'interdiction de soumissionner aux marchés publics et aux concessions de travaux publics pour les entreprises ne respectant pas les dispositions sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Deux amendements présentés en commission des lois et adoptés en séance par les députés prévoient d'étendre cette interdiction à d'autres contrats publics. Contrats de partenariat et délégations de service publics (DSP) sont dorénavant visés par cette mesure coercitive. "Cette extension constitue une mise en cohérence du régime juridique applicable aux contrats publics, auxquels s'appliqueront ainsi des interdictions de soumissionner identiques", souligne l'exposé des motifs de l'amendement relatif aux DSP (n° CL199). Bien plus, ce dernier amendement prévoit l'extension de l'ensemble des interdictions de soumissionner aux marchés publics, liées par exemple à des infractions pénales ou au non-respect des obligations fiscales et sociales des entreprises candidates, aux contrats de DSP. Cette mesure s'aligne ainsi sur ce que prévoit la future réglementation européenne pour cette question puisque l'article 36 de la directive "concessions", actuellement en cours d'adoption, envisage de généraliser les interdictions de soumissionner relatives aux marchés publics aux contrats de DSP.
Pour renforcer l'effectivité de l'obligation d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, une autre mesure concernant cette fois l'exécution des marchés publics a été adoptée par les députés. Un article 3 bis complète le dispositif initial et envisage d'étendre aux organismes soumis à l'ordonnance du 6 juin 2005 "la possibilité d'imposer aux entreprises retenues pour l'exécution d'un marché public des clauses d'exécution visant à promouvoir l'égalité professionnelle". A l'instar des clauses sociales ou environnementales, l'acheteur public pourra dorénavant imposer le respect d'une clause favorisant l'égalité professionnelle.
Enfin, un dernier amendement adopté prévoit l'interdiction de concourir aux marchés publics des entreprises ne respectant pas l'obligation de négociation annuelle sur les salaires entre les femmes et les hommes, telle que régie par l'article L.2245-8 du Code du travail.

 

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