Société - Le projet de loi égalité hommes-femmes présenté en Conseil des ministres
La ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a présenté ce 3 juillet en Conseil des ministres son projet de loi proposant un éventail de mesures pour combattre les inégalités entre hommes et femmes.
Ce texte entend "aborder l'égalité dans toutes ses dimensions", une initiative globalement saluée par les associations. Et le ministère de rappeler que 80% des tâches domestiques sont assurées par les femmes, que leurs rémunérations sont en moyenne inférieures de 27% à celles des hommes dans le privé… ou que seulement 14% des maires sont des femmes.
L'article 1er du projet de loi énonce ainsi le fait que "l'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en oeuvre une politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée". Il s'agit pour les acteurs publics de mêler "la mobilisation du droit commun et des mesures spécifiques", explique le ministère. L'étude d'impact accompagnant le projet de loi précise pour sa part : "Toutes [les collectivités publiques] sont, dans l'exercice de leurs compétences sectorielles, comme dans leur organisation ou leur fonctionnement, concernées par la politique d'égalité. En définissant l'approche intégrée, cet article 1er permet d'inscrire dans la durée les principes d'action de cette politique et de donner une assise légale à des documents d'orientation partenariaux qui restent encore difficiles à élaborer".
Le texte se déroule ensuite pour répondre à quatre objectifs de dimension variable : "assurer une égalité dans l'entreprise et au sein des ménages", "construire une garantie contre les impayés de pensions alimentaires", "protéger les femmes contre toutes les violences", "généraliser la parité". C'est à des titres très divers qu'une partie des mesures touchent les collectivités locales : les collectivités en tant qu'employeurs, en tant qu'acheteurs publics, en tant qu'acteurs de l'action sociale (donc surtout les départements) et de la petite enfance, en tant qu'assemblées élues…
Un impact sur les modes de garde ?
La mesure la plus commentée est la réforme du congé parental. Pour s'attaquer à "l'inégale répartition des responsabilités parentales" et lutter contre l'éloignement des mères du marché du travail, le gouvernement veut inciter davantage d'hommes à profiter de ce congé. Ainsi, à partir du 1er juillet 2014, les parents d'un seul enfant, qui ont aujourd'hui droit à six mois de congé, pourront prendre six mois de plus à condition que ce soit le second parent qui en bénéficie. A partir de deux enfants, la durée du congé restera de trois ans à condition que six mois soient pris par le second parent. Sinon, elle sera raccourcie à deux ans et demi.
Plusieurs acteurs auraient préféré un congé plus court et mieux rémunéré. L'Union nationale des Associations Familiales (Unaf) a prévu que "dans les faits, la majorité des familles verront leurs droits amputés de six mois" car "très peu de pères pourront prendre ce congé parental".
S'il est difficile de préjuger de l'impact indirect de cette réforme sur la demande des familles en matière de modes de garde, Najat Vallaud-Belkacem a eu l'occasion de reconnaître que "la montée en charge progressive" du nouveau congé (liée au fait que les pères n'y auront sans doute pas tout de suite massivement recours), donnera des "marges de manoeuvre financière" qui "serviront à construire des places de crèches complémentaires" (voir ci-contre notre article du 26 avril).
Afin de "faciliter l'articulation des temps de vie" de certains salariés, il est prévu qu'à titre expérimental, les sommes épargnées sur le compte épargne temps puissent venir financer des prestations à domicile dans le cadre du chèque emploi service universel.
Lutte contre les violences : des collectivités pilotes
Un mécanisme de garantie contre les impayés de pensions alimentaires sera expérimenté dans les Caisses d'allocations familiales (CAF) d'une dizaine de départements, avec des mesures de soutien aux mères isolées. Pour aider au recouvrement des pensions non versées, les CAF pourront effectuer des saisies sur les prestations familiales des mauvais payeurs. On estime que 40% des pensions alimentaires ne sont pas versées, ou ne le sont que partiellement.
Le projet de loi comprend toute une série de mesures nouvelles contre les violences faites aux femmes. Une partie d'entre elles s'appuient directement sur des expériences déjà menée par - ou avec - certaines collectivités. Il est prévu de renforcer le dispositif d'ordonnance de protection, de rendre dérogatoire le recours à la médiation pénale dans le cas de violences conjugales, de généraliser les dispositifs d'aide par téléphone, etc. Cet axe du projet de loi s'inscrit dans le cadre plus large du plan gouvernemental initié par le comité interministériel aux droits des femmes de novembre 2012 (voir ci-contre notre article du 30 novembre).
La notion de parité est déclinée pour plusieurs types d'instances au sein desquelles les femmes serait particulièrement mal représentées : instances dirigeantes des fédérations sportives, établissements publics de toute taille (y compris les établissements culturels, précise le ministère), chambres consulaires, diverses commissions et instances consultatives et délibératives de l'Etat…
Modulation des financements aux partis politiques
S'agissant de la parité en politique, le projet de loi ne vise nommément que les élections législatives, à partir de 2017. Mais la disposition pourrait, par ricochet, avoir un impact sur l'ensemble de la vie politique, l'idée étant de doubler le taux de modulation des financements aux partis qui ne respectent pas la parité à ce scrutin.
Finalement, la disposition qui aura peut-être le plus fort impact concret dans le fonctionnement des collectivités est celle qui concerne les marchés publics. Rappelant que le code des marchés est déjà utilisé pour appuyer certaines politiques publiques, notamment avec les clauses sociales et les clauses environnementales, le ministère a considéré que ces marchés peuvent également être un "levier" en faveur de l'égalité professionnelle. Le principe posé est simple : "Le non-respect des dispositions sur l'égalité professionnelle sera sanctionné par l'interdiction d'accès aux marchés publics" pour les entreprises de plus de 50 salariés. Simplicité du principe… mais pas forcément de la mise en œuvre (voir notre encadré ci-dessous). La mesure fait en tout cas partie des proposition du rapport sur les pratiques des collectivités en matière d'égalité entre les sexes remis la veille à Najat Vallaud-Belkacem par Vincent Feltesse (voir notre article du 2 juillet, avec le rapport en téléchargement).
C. Mallet
Les marchés publics aussi…
Le projet de loi pour l'égalité entre les hommes et les femmes (article 4) entend modifier l'ordonnance du 6 juin 2005 permettant aux pouvoirs adjudicateurs de "tenir compte, pour l'attribution d'un marché, des conditions dans lesquelles les candidats favorisent la mixité dans les métiers et l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes". Ce nouveau critère, qui doit toutefois être non discriminatoire et lié à l'objet du marché, devra être utilisé à bon escient.
Les entreprises condamnées pour des raisons de discrimination ou de non-respect des dispositions du Code du travail en matière d'égalité professionnelle devraient se voir interdire de soumissionner aux marchés publics. Jusqu'à présent, si les conséquences relevaient plus d'un rappel à l'ordre ou d'une mise en demeure de se conformer au Code du travail, désormais les sanctions devraient s'appliquer.
Sans pour autant modifier fondamentalement le Code des marchés publics, Bercy compte opérer par des renvois aux articles du Code du travail sur le respect de l'égalité entre les hommes et les femmes afin de répondre aux exigences de la loi. Les organismes consulaires et les EPIC seront eux aussi concernés.
Dans le cadre de cette réforme, qui a pour ambition de faire des entreprises entrant dans le champ de la commande publique "un véritable exemple en matière d'égalité", des mesures d'accompagnement des entreprises seront mises en place. Certains pays, tels le Québec et la Belgique, ont déjà montré la voie à suivre. Mais des questions se posent. Quid, par exemple, des entreprises œuvrant dans les travaux publics ou le ramassage des ordures ménagères ?
L'Apasp