Famille / Lutte contre l'exclusion - Garantie contre les impayés de pension alimentaire : l'expérimentation se met en place
Il ne s'agit encore que du lancement d'une expérimentation, mais les départements n'en apprécieront pas moins le geste. Le 5 décembre, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille, ont en effet signé une convention avec les présidents et directeurs généraux de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA). Objectif : expérimenter la mise en place d'un dispositif de garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires et lutter ainsi contre le phénomène de pauvreté dans les familles monoparentales.
En attendant la loi sur l'égalité hommes-femmes
Ce protocole anticipe sur la mesure prévue dans le projet de loi sur l'égalité hommes-femmes, présenté en Conseil des ministres en juillet dernier et déjà adopté en première lecture par le Sénat le 17 septembre 2013 (voir nos articles ci-contre du 3 juillet et du 17 septembre 2013). L'expérimentation ne pourra toutefois débuter qu'au lendemain de la promulgation de la loi.
L'enjeu est d'importance puisque 40% des pensions alimentaires sont aujourd'hui totalement ou partiellement impayées, alors qu'elles représentent près d'un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres. Les CAF peuvent certes déjà verser aux mères concernées - c'est de très loin le cas le plus fréquent - l'allocation de soutien familial (ASF), mais cette prestation n'a pas pour objet de pallier les défaillances des débiteurs d'aliments.
En pratique, la mesure figurant dans le projet de loi (article 6 du texte originel) prévoit notamment que, dans le cadre de l'expérimentation, il est dérogé aux dispositions du Code de la sécurité sociale, "afin d'ouvrir le droit à l'allocation différentielle de soutien familial au parent dont la créance alimentaire pour enfants est inférieure au montant de l'allocation de soutien familial même lorsque le débiteur s'acquitte intégralement du paiement de ladite créance. Dans ce cas, l'allocation différentielle versée n'est pas recouvrée et reste acquise à l'allocataire".
Un dispositif en trois volets
Grâce à cette modification des modalités de l'ASF, le dispositif mis en place dans le cadre de l'expérimentation comportera trois volets. Le premier consiste en la création d'une pension alimentaire minimale d'un montant de 90 euros par mois et par enfant (portés à 120 euros en 2017), sous la forme de l'ASF modifiée. Comme indiqué plus haut, ce complément pour les petites pensions alimentaires sera versé même lorsque l'autre parent s'acquitte de ses obligations en la matière.
La seconde disposition consiste en la mise en place d'un transfert d'informations utiles à la fixation de la pension alimentaire entre les CAF, les caisses de MSA, le juge aux affaires familiales et le créancier. Il s'agira notamment de mieux informer les familles monoparentales sur leurs droits. Enfin, la troisième disposition porte sur le renforcement des voies d'exécution données aux caisses à l'égard du débiteur qui ne s'acquitte pas de la pension alimentaire, avec, en particulier, une extension de six à vingt-quatre mois de la procédure de paiement direct.
Le gouvernement devrait prochainement fixer la liste des dix départements expérimentateurs, une quinzaine de CAF et MSA s'étant déjà portées volontaires : Aube, Charente, Corrèze, Côtes-d'Armor, Finistère, Haute-Garonne, Haute-Marne, Hérault, Loire-Atlantique, Meurthe-et-Moselle, Nord, Rhône, Seine-et-Marne et Territoire de Belfort.
Le communiqué précise par ailleurs que "ces actions sont complétées par les initiatives locales des caisses, des collectivités locales et de leurs partenaires, qui concourent au même objectif de création d'une garantie publique contre les impayés de pension alimentaire". Même si certains départements choisissent ainsi de s'engager dans le dispositif, ils devraient cependant tirer profit de sa probable généralisation. Faute de solution jusqu'à présent, il n'était pas rare que les aides financières de l'ASE (aide sociale à l'enfance) suppléent, au moins temporairement, le débiteur défaillant.