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Sport - Proportionnalité des sexes dans les fédérations sportives : le règlement annulé fera l'objet d'une loi

Le ministère des Sports peut-il par voie réglementaire imposer aux fédérations sportives d'avoir au sein de leurs instances dirigeantes un nombre de femmes proportionnel au nombre de leurs licenciées ? C'est la question qu'a tranchée le Conseil d'Etat dans un arrêt du 10 octobre 2013.
En l'espèce, la Fédération française de gymnastique (FFG) demandait à la Haute Cour d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le ministre chargé des Sports a refusé d'abroger le point 2.2.2.2.1. de l'annexe I-5 du Code du sport, pris en application de l'article R.131-3 de ce code. Ce point énonce que "les statuts des fédérations agréées déterminent la ou les instances chargées de diriger et d'administrer la fédération [et] précisent […] que la représentation des femmes est garantie au sein de la ou des instances dirigeantes en leur attribuant un nombre de sièges en proportion du nombre de licenciées éligibles".
Si le Conseil d'Etat relève tout d'abord les arguments constitutionnels en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes – notamment l'article 1er de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 aux termes duquel "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales" –, il précise toutefois "que si le principe constitutionnel d'égalité ne fait pas obstacle à la recherche d'un accès équilibré des femmes et des hommes aux responsabilités, il interdit, réserve faite de dispositions constitutionnelles particulières, de faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités et de l'utilité commune".
Par ailleurs, rappelle la Haute Juridiction, "le législateur est seul compétent, tant dans les matières définies notamment par l'article 34 de la Constitution que dans celles relevant du pouvoir réglementaire en application de l'article 37, pour adopter les règles destinées à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats, fonctions et responsabilités mentionnés à l'article 1er de la Constitution".

Une loi en discussion

Enfin, le Conseil d'Etat considère que les dispositions contestées "ne se bornent pas à fixer un objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des instances dirigeantes des fédérations agréées, mais imposent le respect d'une proportion déterminée entre les hommes et les femmes au sein de ces instances, précisément fixée en proportion du nombre de licenciés de chaque sexe". En conséquence, "ces dispositions étaient ainsi contraires au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, à la date à laquelle elles ont été édictées".
Le Conseil d'Etat annule donc la décision implicite du ministère des Sports refusant l'abrogation du point 2.2.2.2.1. de l'annexe I-5 du Code du sport. Par ailleurs, il enjoint le Premier ministre d'abroger ce point dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision.
Quelles conséquences cette décision aura-t-elle sur la composition actuelle des instances fédérales ? A court terme, aucune. Le renouvellement des instances dirigeantes s'effectuant au rythme des olympiades, le dernier en date remonte à l'hiver 2012-13 pour la plupart des fédérations. Or, selon le ministère des Sports, on ne peut imaginer que les fédérations relancent un processus électoral après un an de fonctionnement A moyen terme, dans trois ans lors du prochain renouvellement, les fédérations devront se plier à une nouvelle obligation – législative cette fois.
En effet, le projet de loi-cadre sur l'égalité entre les femmes et les hommes, actuellement en première lecture au Sénat, devrait selon toute vraisemblance être adopté prochainement. Il comprend un article 19 qui va introduire, soit la parité au sein des instances des fédérations sportives, soit la proportionnalité, lorsqu'un écart très important existe au sein de la fédération entre le nombre de licenciés d'un sexe ou de l'autre. Un amendement adopté par le Sénat vise en effet à prendre en compte les spécificités et contraintes du monde associatif en assouplissant l’application de la parité, afin qu’au sein des fédérations dans lesquelles la proportion de licenciés d’un des deux sexes est supérieure ou égale à 25%, les instances dirigeantes comptent au moins 40% de personnes du sexe minoritaire.
A noter toutefois que lors de l'examen du texte au Sénat, un amendement de Chantal Jouanno, ancienne ministre des Sports, demandant qu'"en cas de non-respect des règles de la parité, les subventions du ministère [soient] réduites" a reçu un avis défavorable et a été retiré. Un autre amendement a connu le même sort. Il tendait à faire peser sur les fédérations sportives une responsabilité particulière en matière d'organisation des compétitions féminines et masculines, afin de garantir que, pour chaque discipline, les unes et les autres puissent bénéficier d'une audience équivalente.

Jean Damien Lesay

Références : Conseil d'Etat, décision 359219, 10 octobre 2013 ; projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

 

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