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Logement - Dispositifs Robien-Duflot : où en est la révision du zonage ?

Cécile Duflot a quitté le ministère du Logement, mais le dispositif qui porte son nom lui survit. Le mécanisme en faveur de l'investissement locatif - dit aussi dispositif Duflot - ouvre droit à une déduction fiscale représentant 18% du coût d'acquisition d'un logement neuf, sous réserve que celui-ci soit loué durant au moins neuf ans à des personnes sous conditions de ressources et en respectant un loyer plafond au mètre carré. Si ces conditions sont respectées, il permet à l'investisseur d'économiser jusqu'à 54.000 euros d'impôt sur le revenu sur neuf ans, soit 6.000 euros par an. Le Duflot succède ainsi ou plutôt se combine avec une litanie de dispositifs de même type : Robien, Borloo, Scellier... (voir notre article ci-contre du 5 novembre 2013).

Les incertitudes sur la révision du zonage

Le problème est que les incertitudes sur les modalités de mise en œuvre du Duflot ont pesé sur sa montée en charge et l'objectif de 40.000 logements annuels produits dans le cadre du dispositif est encore loin d'être atteint. En effet, pour éviter les errements des dispositifs précédents (incitation à l'investissement dans des zones sans demande locative), l'ancienne ministre avait lancé une refonte du zonage du territoire. Remontant à la mise en place du Robien en 2003, ce zonage dit A/B/C n'a été revu qu'une seule fois en 2009 et ne correspond plus à la réalité de la demande locative et des zones en tension. Sa révision doit donc permettre de favoriser la construction de logements locatifs intermédiaires "dans les zones où le besoin en logements de ce type est le plus avéré".
Mais, comme cela était prévisible, le lancement d'une révision du zonage a perturbé les investisseurs, mais aussi suscité l'inquiétude de nombreux élus locaux. Dans une question écrite, Jean-Jacques Lasserre, sénateur (UDI-UC) des Pyrénées-Atlantiques, s'inquiète ainsi des possibles effets de cette révision sur son département. Plus précisément, l'ancien président du conseil général souhaite que le nouveau zonage revienne sur le classement actuel de l'ensemble du territoire des Pyrénées-Atlantiques en zone B2 (qui n'ouvre pas droit à l'application du Duflot). Il demande donc que le nouveau zonage "réintègre notamment en zone B1 [éligible au Duflot, ndlr] les grands centres urbains béarnais ou acte l'éligibilité du dispositif Duflot à la zone B2 tant que la procédure ad hoc n'est pas stabilisée" (ce qui n'est possible actuellement que de façon ponctuelle, sur dérogation accordée par le préfet de région).

Un report au 1er janvier 2015

Les interventions des élus ont conduit à reporter la mise en œuvre du nouveau zonage - initialement envisagée pour 2014 - au 1er janvier 2015, afin de laisser davantage de place à la concertation. L'allongement de la période d'incertitude n'est pas forcément favorable à la montée en charge du dispositif. Dans sa réponse, la ministre du Logement reconnaît qu'"il est en effet essentiel que ce projet, pour correspondre aux réalités locales, soit examiné à la lumière d'enjeux d'aménagement territoriaux ou de spécificités particulières pouvant influer la dynamique des marchés du logement locatif privé".
Elle indique qu'"un groupe de travail, composé de représentants de l'administration centrale et des services déconcentrés, des collectivités, d'acteurs du secteur du bâtiment et de l'immobilier, des partenaires sociaux et d'associations, a été constitué". Les échanges au sein de ce groupe de travail ont déjà permis d'établir un premier projet de zonage. Celui-ci "a été transmis aux préfets de région afin de procéder à une consultation des acteurs et des partenaires locaux impliqués dans la politique du logement". Les propositions issues de cette consultation seront ensuite analysées et consolidées, puis soumises à la consultation des partenaires nationaux durant le premier semestre 2014, dans la perspective d'une application du zonage révisé au 1er janvier 2015.

Des plafonds qui fluctuent...

La question du zonage n'est toutefois pas seule à peser sur la montée en charge du Duflot. Il faut en effet y ajouter l'incertitude sur les plafonds de loyer, qui sont un élément clé dans la décision de l'investisseur. Pour éviter l'attentisme, Cécile Duflot a donc demandé aux préfets, dans un courrier du début du mois de janvier, "ne pas publier de nouveaux arrêtés de modulation des plafonds de loyers, ni de modifier les arrêtés existants, à compter du 1er janvier 2014 et jusqu'au 31 décembre 2016", autrement dit jusqu'à l'extinction du dispositif Duflot (voir notre article ci-contre du 13 janvier 2014). Mais la lettre autorisait toutefois la publication d'éventuels arrêtés préfectoraux "pour lesquels la consultation obligatoire des collectivités territoriales concernées aurait été engagée avant le 31 décembre 2013".
Jusqu'à ce jour, seules deux régions avaient modifié les plafonds de loyers par arrêté : Rhône-Alpes (pour la zone A et plus précisément le genevois français) et la Franche-Comté (pour la zone B2). Mais, dans un arrêté du 28 mars 2014, la préfet de la région Ile-de-France vient à son tour apporter des modifications aux plafonds de loyer. Son arrêté opère deux modifications. D'une part, il abaisse les plafonds de loyers autorisés de 16,72 euros à 14,21 euros le m2 dans sept communes classées en zone A bis (Aubervilliers, Bry-sur-Marne, Fontenay-sous-Bois, Le Pecq, Saint-Denis, Saint-Ouen et Villejuif). D'autre part, il réduit le plafond de loyer de 12,42 à 11,17 euros le m2 dans près de 70 communes de la zone A. Cet arrêté devrait en principe être le dernier, puisque Cécile Duflot avait laissé jusqu'au 31 mars pour les "arrêtés de rattrapage".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : Sénat, question écrite n°03087 de Jean-Jacques Lasserre, sénateur des Pyrénées-Atlantiques, et réponse du ministère de l'Egalité des territoires et du Logement ; arrêté n°2014087-0001 du 28 mars 2014 du préfet de région Ile-de-France.