PLF 2014 - Robien, Borloo, Scellier : toute la lumière sur ce que coûtent ces dispositifs éteints
Présenté par Daniel Goldberg, député (PS) de Seine-Saint-Denis et rapporteur pour avis, le rapport sur les crédits dédiés au logement de la mission "Egalité des territoires, logement et ville" apporte un éclairage sur le coût des différents mécanismes en faveur de l'investissement locatif.
Tous ces dispositifs temporaires, qui portent le nom de leur auteur, se sont succédé ou se sont combinés depuis 2003 : Robien (2003-2006), Robien recentré (2006-2009), Borloo neuf (2006-2009), Scellier (2009-2012), Scellier intermédiaire (2009-2012) et Duflot (2013-2016). L'objectif est toujours le même : inciter les particuliers à investir dans la production de logements locatifs, afin d'accroître l'offre dans le secteur libre. Ils fonctionnent tous plus ou moins sur la base d'un mécanisme d'amortissement fiscal, en contrepartie d'un engagement de mise en location du bien (généralement un minimum de neuf ans), ainsi que du respect d'un loyer plafonné et d'un certain nombre de normes énergétiques et environnementales.
Eteints, mais pas morts...
Sur les six dispositifs cités, cinq sont aujourd'hui éteints, au sens où ils n'accueillent plus de nouveaux bénéficiaires, seul le Duflot étant aujourd'hui en vigueur. Mais éteint ne veut pas dire qu'ils ne sont plus en fonctionnement. En effet, la durée d'amortissement - et donc le mécanisme d'incitation fiscale - continuent à courir jusqu'à l'échéance. Ainsi, les deux dispositifs Robien courent jusqu'en 2018, le Scellier jusqu'en 2023, le Borloo jusqu'en 2024 et le Scellier intermédiaire jusqu'en 2029... Pour sa part, le Duflot doit courir jusqu'en 2027, du moins si la forclusion du dispositif est bien confirmée au 31 décembre 2016.
Or, comme le fait justement remarquer le rapporteur des crédits du logement, "si ce type d'aides dispose d'une capacité avérée à exercer un soutien conjoncturel à l'investissement et à l'activité du bâtiment, ce qui se justifie pleinement dans le contexte actuel où la perte de 40.000 emplois pour 2013 et plus de 50.000 pour 2015 dans le secteur a été évoquée par le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Monsieur Didier Ridoret, il n'en demeure pas moins que le coût réellement supporté par les finances publiques pendant toute la durée de son application obère la capacité d'action du gouvernement".
Un coût de 7,6 milliards d'euros sur les cinq prochaines années
Ces dispositifs sont d'autant plus coûteux que leurs amortissements se cumulent. En 2014 par exemple - et jusqu'en 2018 (date correspondant à l'extinction définitive des deux dispositifs Robien) - les six dispositifs cités seront en cours d'amortissement. Et les montants sont loin d'être anodins. Pour 2014, les reliquats au titre des différents dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement immobilier locatif par les particuliers (donc hors Duflot), pourraient ainsi représenter un montant de 1,35 milliard d'euros. A législation constante, le rapporteur estime le reliquat des différents dispositifs pour les finances publiques à 7,6 milliards d'euros pour les cinq prochaines années (autrement dit jusqu'au 31 décembre 2018).
Si l'on raisonne par dispositif, le coût restant à courir jusqu'à extinction des deux dispositifs Robien est de 810 millions d'euros. Il est de 4.835 millions pour le Scellier, de 440 millions pour le Borloo et de 3.785 millions pour le Scellier intermédiaire. Pour sa part - et sous réserve qu'il atteigne ses objectifs malgré des débuts assez poussifs - le Duflot devrait coûter 5.455 millions d'euros jusqu'à son extinction en 2027. Ces coûts sont d'autant plus lourds que - comme le veut la combinaison de dispositifs temporaires et d'amortissements fiscaux étalés dans la durée - ces mécanismes continuent de représenter une dépense fiscale alors qu'ils ne produisent plus un seul logement locatif, à l'exception du Duflot qui reste ouvert jusqu'en 2016.
Tout ça pour ça ?
Ont-ils pour autant un impact significatif sur l'offre de logements locatifs ? Même s'il ménage le Duflot - solidarité avec le gouvernement oblige - le rapporteur semble avoir quelques doutes. S'appuyant sur un récent rapport sur les observatoires de loyers (voir notre article ci-contre du 24 octobre 2012), il observe en effet que le taux d'effort brut médian (avant déduction des aides) des locataires du parc privé a progressé de 3,1 points depuis 2000, pour s'établir à 26,9%, ce qui n'est pas vraiment le signe d'un marché offreur. De même, sur les six dispositifs cités, seuls trois - dont le Duflot - visent ou visaient spécifiquement le logement intermédiaire, qui apparaît de plus en plus comme le nœud gordien de l'accès au logement des classes moyennes.
Le rapport sur les observatoires des loyers relevait aussi que, malgré un "effort substantiel", l'offre locative intermédiaire couvre moins de 30% des besoins potentiels en Ile-de-France. De tous ces éléments, le rapporteur tire la conclusion d'un "relatif échec", en observant que "l'offre générée par le biais de ces dispositifs apparaît à la fois coûteuse pour les finances publiques, insuffisante en nombre et dans la durée".
Vers un retour des "zinzins"
Dans ces conditions, le rapporteur se félicite de l'annonce, par le chef de l'Etat, de la mise en place prochaine d'un régime juridique spécifique - qui ne fera pas pour autant disparaître le Duflot -, destiné à promouvoir une offre de logements intermédiaires à destination des classes moyennes (voir notre article ci-contre du 21 mars 2013). Sa mise en œuvre est prévue, par voie d'ordonnance, avant le printemps 2014.
Ce dispositif devrait permettre aux collectivités de prescrire la production de logements intermédiaires dans les documents de planification et de programmation, afin de "faciliter la mise en œuvre de véritables politiques locales de développement du logement locatif intermédiaire - à l'instar de ce que certaines collectivités font d'ores et déjà sur le logement locatif social". Le dispositif devrait également inciter les investisseurs institutionnels - dont la part dans le logement intermédiaire a été divisée par quatre depuis 1984 - à revenir enfin sur ce marché, grâce notamment à une TVA à 10% (voir notre article ci-contre du 17 juin 2013).
Références : projet de loi de finances pour 2014 (examiné par l'Assemblée nationale du 15 octobre au 15 novembre 2013).