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Santé / Social - Dernière ligne droite pour les agences régionales de santé

Réforme majeure dans l'organisation du secteur sanitaire et social, la mise en place des ARS est un chantier d'une ampleur inédite. Tout converge aujourd'hui - organisation, recrutements, mise à disposition des moyens budgétaires - pour envisager une mise en place de ces nouvelles structures au mois d'avril. Seuls manquent encore les textes d'application de la loi du 21 juillet 2009. Un retard qui pourrait renvoyer le véritable point de départ à la rentrée 2010.

Succédant notamment aux agences régionales de l'hospitalisation (ARH) - avec un périmètre et des conséquences considérablement élargies, en particulier vers le secteur social et médicosocial - les agences régionales de santé (ARS) sont l'une des dispositions phares de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi HPST). Alors que le projet de loi fixait initialement leur mise en place au 1er janvier 2010, la date limite avait été reportée in extremis au 1er juillet 2010. Finalement, leur mise en place devrait intervenir au mois d'avril.

 

Un recrutement à grande échelle

Le dernier indice en matière de calendrier de mise en place des ARS vient de Jean-Marie Bertrand, le secrétaire général des ministères sociaux, chargé par les ministres concernés de coordonner la mise en place des agences. Dans une interview au Quotidien du Médecin du 12 février, celui-ci reconnaît que le calendrier est très tendu mais se déclare confiant sur une entrée en service effective au début du mois d'avril. Régulièrement évoquée depuis la fin de l'année dernière, cette date est corroborée par plusieurs sources. Elle a été indiquée au conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) du 14 janvier dernier. Elle est également évoquée sur le "blog de préfiguration de l'ARS d'Ile-de-France" par son directeur préfigurateur, l'ancien ministre Claude Evin.
Autre élément qui témoigne en faveur de l'hypothèse d'une mise en place au mois d'avril : la constitution des équipes d'encadrement des agences. Si les 26 directeurs préfigurateurs (pour les 22 régions métropolitaines et les quatre départements/régions d'outre-mer) ont été nommés en Conseil des ministres le 30 septembre dernier (voir notre article ci-contre), il restait encore à recruter leurs équipes de direction. L'affaire a été rondement menée, même si candidatures et tractations étaient déjà en cours depuis l'automne dernier. Ouvert officiellement le 15 janvier avec la mise en ligne des profils de postes sur différents sites - comme la toute nouvelle bourse interministérielle de l'emploi public (Biep) ou celle de l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (Ucanss) -, l'appel à candidatures était clos le 30 du même mois... Pas moins de 267 postes ont été proposés dans ce cadre. Pour les autres agents, l'Ucanss a signé le 26 janvier, avec deux organisations syndicales, le protocole relatif au transfert des personnels de sécurité sociale concernés et au plan d'accompagnement de ce transfert. Pour leur part, les directeurs d'ARS devraient être nommés en Conseil des ministres "probablement fin mars", selon le secrétaire général des ministères sociaux. Sauf surprise toujours possible, il devrait s'agir des 26 directeurs préfigurateurs.
Enfin, ces derniers - réunis à plusieurs reprises au ministère - ont engagé, dès leur nomination, les premières démarches qui doivent conduire à la concrétisation des ARS : concertation avec les futurs personnels, prises de contact avec les nombreux interlocuteurs de l'agence (dont les présidents de conseils régionaux et conseils généraux) et finalisation de l'organigramme, à partir du "macro organigramme" fourni par le ministère. Celui-ci prévoit une organisation en trois pôles - santé publique, offre de soins et médicosociale (organisation, planification, contractualisation, allocation de ressources) et performance -, doublés de trois missions transversales : mission démocratie sanitaire, mission stratégie et projets transverses et mission inspection et contrôle.

 

Des moyens conséquents

Si les services déconcentrés connaissent une réorganisation en profondeur dans le cadre de la RGPP, le cas des ARS va puis loin, puisque le regroupement des compétences se double d'une extension significative des missions. En pratique, les ARS vont regrouper sept entités préexistantes, pour tout ou partie de leurs compétences et de leurs agents actuels : les ARH bien sûr, mais aussi les Ddass et les Drass, les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam) et les caisses régionales d'assurance maladie (Cram), les missions régionales de santé (MRS) et les groupements régionaux de santé publique (GRSP). Selon Jean-Marie Bertrand, elles devraient regrouper au final "environ 9.500 personnes : 7.500 agents de l'Etat, 1.693 salariés de l'assurance maladie et 350 personnes venant des ARH". Ces effectifs seront, bien sûr très variables selon les régions : environ 150 pour l'ARS de Corse, mais 1.300 pour celle de l'Ile-de-France. Autre originalité : les ARS compteront dans leurs rangs des agents de statut public et des salariés de droit privé (les personnels originaires de l'assurance maladie). L'un des premiers défis des directeurs préfigurateurs et des futurs directeurs sera donc de faire coexister des agents de cultures et de statuts très différents.
Du côté budgétaire, le coût total des ARS reste difficile à décrypter compte tenu de la diversité des sources de financement. La loi de finances pour 2010 prévoit, sur le budget de l'Etat, 260,5 millions d'euros pour financer les ARS sur une demi-année (auxquels d'ajoutent 10,5 millions d'euros pour la fin du fonctionnement des ARH), soit environ 520 millions en année pleine. Ces 260,5 millions d'euros se répartissent en 215 millions de dépenses de personnel et 45,5 millions de dépenses de fonctionnement. Les crédits de personnels doivent permettre de financer 3.667 ETPT (équivalents temps pleins travaillés), soit 7.466 ETPT en année pleine. Ces crédits correspondent pour l'essentiel à des transferts à partir des enveloppes affectées jusqu'alors aux ARH, aux Ddass et aux Drass (pour les compétences transférées). Du côté de l'assurance maladie, l'article 59 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a plafonné - à l'initiative du Sénat - la contribution des régimes obligatoires au financement des ARS - au prorata de leur période effective de fonctionnement - à 173 millions d'euros en année pleine pour les dépenses en personnel et à 40 millions d'euros pour les actions de prévention.
Il faut ajouter à ces dépenses les crédits d'intervention des futures ARS, qui seront délégués en cours d'année. Leur montant est fixé à 189 millions en 2010 (soit 378 millions en année pleine), dont 90,6 millions pour la prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins, 59,4 millions pour la prévention des maladies chroniques et la qualité de vie des malades et 13 millions pour l'accès à la santé et à l'éducation à la santé. Enfin, les frais d'installation des ARS (non isolés dans la présentation de la loi de finances) sont estimés à 68 millions d'euros sur trois ans, dont 23 millions pour l'immobilier, 20,2 millions pour les systèmes d'information et 9,8 millions pour l'assistance à la mise en oeuvre des ARS. A noter : l'article 118 de la loi HPST prévoit que les ressources des agences sont constituées notamment par "sur une base volontaire, des versements de collectivités territoriales ou d'autres établissements publics". A ce jour, il ne semble pas que des financements de collectivités territoriales se soient déjà concrétisés. Ils ne devraient cependant jouer qu'un rôle très marginal, au moins dans le fonctionnement des agences.
Les coûts indiqués ci-dessus apparaissent conséquents, mais ils sont en phase avec l'étendue des missions confiées aux ARS. Celles-ci gèreront en effet environ 160 milliards d'euros de crédits, soit la quasi-totalité des dépenses consacrées à la santé et une part importante de celles du secteur médicosocial.

 

Les décrets manquent à l'appel

Si le cadre organisationnel et budgétaire des ARS semble ainsi bien avancé, il n'en va pas de même pour le cadre juridique. La loi HPST du 21 juillet 2009 consacre certes un volumineux chapitre (articles 116 à 118) aux missions et au fonctionnement des ARS. Mais les textes réglementaires d'application sont toujours en attente. Jusqu'à présent, le ministère de la Santé semble en effet avoir privilégié les décrets relatifs à la gouvernance hospitalière, dont plusieurs ont déjà été publiés. Aux dires mêmes de Jean-Marie Bertrand, une quinzaine de textes d'application restent à prendre pour permettre la mise en oeuvre effective des compétences des ARS. Parmi ceux-ci figure notamment l'ordonnance de coordination, destinée à introduire les agences dans les très nombreux textes législatifs et articles du Code de l'action sociale et des familles, du Code de la santé publique et du Code de la sécurité sociale traitant des questions qui leur sont désormais dévolues. Le projet d'ordonnance a été examiné par le Conseil d'Etat au mois de janvier et pourrait donc être publié dans les prochains jours. Il restera cependant à prendre les décrets spécifiques d'application relatifs aux ARS. Sont notamment concernés les décrets relatifs au conseil de surveillance des agences (où seront représentées les collectivités), au programme de gestion des risques, aux conférences de territoire, ou encore à la conférence régionale de santé.
S'il est encore temps de les publier avant le début du mois d'avril, il est peu probable que les ARS soient réellement opérationnelles avant la rentrée de septembre, dans la mesure où un délai supplémentaire sera nécessaire pour procéder à la nomination des différentes instances de gestion et de concertation. Comme l'annonçait le rapporteur des crédits de la santé au Sénat, 2010 devrait donc être une année de transition pour les ARS, leur véritable montée en charge intervenant dans le dernier trimestre. Mais ces quelques mois supplémentaires ne seront sans doute pas de trop pour mener à bien ce qui restera comme l'une des réformes les plus importantes dans le domaine de l'organisation sanitaire et sociale.

 

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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