Santé / social - Les ARS, nouvel astre de la galaxie médicosociale ?
Les agences régionales de santé (ARS) sont l'une des dispositions phares de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (dite loi HPST). Alors que leur mise en place effective doit intervenir au premier semestre 2010, elles sont aussi une source d'interrogation pour tout le secteur social et médicosocial... et pour les collectivités territoriales, à commencer par les départements.
Par rapport aux actuelles agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les ARS voient leurs compétences considérablement élargies dans deux domaines qui impactent très directement les départements. Le premier concerne, bien entendu, le secteur médicosocial. Selon la présentation qu'en fait le ministère de la Santé, les agences auront notamment en charge la "déclinaison et mise en oeuvre régionale de la politique nationale de santé, afin de veiller à la gestion efficiente du dispositif sanitaire, social et médicosocial". Elles auront également la responsabilité de la "mise en oeuvre du plan stratégique régional de santé fixant les orientations des schémas régionaux de prévention, d'organisation des soins et d'organisation médico-sociale (le cas échéant, les modalités d'application de ces schémas)". Si la loi HPST ne remet en cause aucune des compétences des collectivités territoriales en la matière, il est difficile de ne pas voir que les ARS vont investir le champ médicosocial, là où les ARH se tenaient à la marge. Un seul exemple : les départements conservent leurs compétences et leurs obligations en matière de schémas médicosociaux, mais ceux-ci devront être cohérents avec le schéma régional. La loi HPST ne donne toutefois pas le mode d'emploi pour assurer cette cohérence. En pratique, ce sont trois champs de compétence importants des départements qui sont concernés par cette "cohabitation" : les personnes âgées, les personnes handicapées et la protection maternelle et infantile (cette dernière au titre de la prévention).
Moins souvent évoqué que le médicosocial, un autre champ fait également l'objet d'un large recoupement entre ARS et collectivités. Il s'agit en l'occurrence de l'organisation de la permanence des soins ambulatoires (compétence transférée du préfet au directeur de l'ARS) et, plus largement, de la lutte contre les déserts médicaux. Face aux dispositifs incitatifs mis en place par les régions, départements et communes concernés, les ARS pourraient disposer d'un puissant levier - s'il est réellement mis en oeuvre - avec les "contrats santé-solidarité", à travers lesquels les médecins exerçant dans les zones sur-dotées devront s'engager à répondre aux besoins de santé de la population des zones sous-dotées (ou payer une indemnité relativement conséquente).
Anticiper ou attendre et voir ?
Face au déploiement des ARS - les futurs directeurs sont nommés et les structures se mettent en place -, les départements semblent dans l'expectative. Si nombre d'entre eux ont déjà eu un contact avec le directeur préfigurateur de l'ARS, il s'agit le plus souvent d'un simple échange formel. A leur décharge, il est difficile d'aller plus loin alors que les ARS n'existent pas encore concrètement et que les textes d'application de la loi HPST sont très loin d'être tous publiés. Or la loi HPST laisse de très nombreuses zones d'ombre sur les synergies et les articulations à mettre en place entre les départements et les ARS. Dans ces conditions, il peut sembler préférable d'attendre et voir, l'année 2010 devant être assez largement une année "blanche", surtout si les ARS ne se mettent effectivement en place que peu de temps avant la date limite prévue par la loi HPST, autrement dit à la fin du premier semestre 2010.
D'autres départements, nettement moins nombreux, envisagent au contraire d'anticiper. Partant du principe que l'absence de textes permet à chacun de se situer, au moins provisoirement, dans un paysage en pleine mutation, ils cherchent à définir une position et des propositions de fonctionnement communes avec les ARS. L'idée est de combler les vides réglementaires - que les décrets en préparation ne devraient que très partiellement atténuer - en proposant aux ARS des modalités de fonctionnement, voire une première ébauche de diagnostic partagé. Exemple des questions susceptibles d'être abordées dans le cadre : la place de la PMI dans le schéma régional de prévention. Cette démarche se heurte toutefois à une difficulté : elle n'a de sens qu'au niveau régional et suppose donc que les départements d'une même région définissent une position commune. Un exercice parfois difficile lorsqu'ils ne sont pas de la même couleur politique.
Curieusement, certains services de l'Etat sont beaucoup plus avancés. L'Institut de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes), par exemple, a clairement choisi de prendre les devants et de s'en donner les moyens. Afin d'aider les ARS à développer une politique de prévention et de santé publique - et de se positionner comme partenaire incontournable -, l'Inpes a ainsi réalisé trois ouvrages spécialement destinés aux futurs responsables d'ARS et portant notamment sur les inégalités sociales de santé, ainsi que sur le financement, la professionnalisation et la coordination de la prévention.
Jean-Noël Escudié / PCA