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Action publique - Décentralisation : le triptyque présenté en Conseil des ministres

Jour J pour la réforme de la décentralisation. Les trois projets de loi ont été présentés ce 10 avril en Conseil des ministres par Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier. Le débat parlementaire débutera fin mai et s'étendra au moins jusqu'en mars 2014. Première synthèse des principaux points, pour repérer d'emblée où se niche telle ou telle disposition attendue - sachant que chaque niveau de collectivité est concerné, à des degrés divers, par les trois textes.

55 articles pour le premier, 33 pour le deuxième, 55 également pour le troisième. Avec trois intitulés pas franchement conçus pour être glissés dans un tweet : "projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles", "projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires", "projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale". C'est donc ainsi qu'est désormais organisé le projet à trois têtes "de décentralisation et de réforme de l'action publique". Une réforme qui, après les récentes vicissitudes que l'on sait (voir nos articles des 2 et 3 avril) est enfin officiellement sur la ligne de départ, avec sa présentation ce 10 avril en Conseil des ministres. Et l'on est parti pour une course de longue haleine, même si François Hollande souhaite que l'on aille "le plus loin possible le plus vite possible", tel que l'a dit Marylise Lebranchu en présentant la réforme à la presse. Au moins dix mois de débats sont en vue. Le premier texte fera en effet sa première entrée au Sénat le 27 mai. Et l'objectif est que le troisième texte soit adopté avant mars 2014. "Ce n'est pas certain qu'on réussira, ce serait un tour de force, mais on va essayer", a indiqué la ministre de la Réforme de l'Etat, de la Décentralisation et de la Fonction publique. Laquelle a aussi rappelé que "dès le départ", le chef de l'Etat a fait savoir qu'il misait sur "la richesse du débat parlementaire". "On regardera de très près chacun des amendements", assure aujourd'hui Marylise Lebranchu, qui sait que ces amendements seront nombreux parce qu'il y a "beaucoup de questions", par exemple sur "les fonctions des agglomérations". Des questions… et, on le sait, beaucoup de critiques : "Les critiques étaient évidemment attendues. Si vous êtes président de l'Association des maires de France, de l'Assemblée des départements de France, si vous êtes maire d'une commune rurale… forcément, vous ne retrouvez pas toutes vos propositions dans le projet. Or le gouvernement ne fait pas une loi pour telle ou telle association d'élus mais bien pour le citoyen", résume la ministre.
Et en quels termes résume-t-elle aujourd'hui le sens de la réforme ? Visiblement, pour Marylise Lebranchu, la colonne vertébrale du projet est à chercher du côté du "pacte de gouvernance territoriale" qui sera adopté par chaque future conférence territoriale pour l'action publique : "Nous proposons ainsi une libre organisation de l'action publique au niveau régional" tout en faisant en sorte que cette organisation soir "rationnelle". Anne-Marie Escoffier, lors de cette même conférence de presse, a pour sa part choisi trois mots clefs : "Unité de la République, diversité de nos territoires, principe de subsidiarité". Et la ministre déléguée chargée de la décentralisation d'ajouter : "Laissons à chaque collectivité le soin de faire ce qu'elle sait faire."

PrOJET 1 :
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles

"Clarifier les responsabilités des collectivités territoriales et de l'Etat" (titre I)
- Principe de libre coordination des interventions des collectivités.
- Rétablissement de la clause de compétence générale des départements et des régions.
- Désignation de collectivités chefs de file par compétence.
- Conférences territoriales de l'action publique, qui seront "l'espace de discussion de référence au niveau local entre l'Etat et les différentes catégories de collectivités territoriales ainsi qu'entre ces dernières".
- Pacte de gouvernance territoriale : ce pacte, qui "constitue l'instrument privilégié de la clarification des compétences", est constitué de schémas d'organisation sectoriels destinés à déterminer les niveaux et modalités d'intervention des acteurs locaux (délégations de compétences entre collectivités, création de services communs, coordination des interventions financières…). En sachant que le jeu des financements croisés sera subordonné à l'approbation des schémas.

Les métropoles (titre II)
- Ile-de-France : achèvement de la carte intercommunale et institution d'une "métropole de Paris" notamment compétente en matière de logement et de transports.
- Métropole de Lyon, collectivité à statut particulier ayant notamment vocation à exercer dans son ressort les compétences du département du Rhône. "La proposition des élus était de fusionner la métropole et le conseil général. Nous donnons sa chance à cette proposition", a commenté Marylise Lebranchu.
- Aix-Marseille-Provence : la future métropole regroupera les six EPCI existants.
- Les métropoles (les autres) : révision du statut de métropole tel que créé par la précédente loi de réforme des collectivités de décembre 2010 avec, notamment, des transferts de compétences de l'Etat et la possibilité de transferts de compétences départementales ou régionales, par convention.
- Dispositions sur les pouvoirs de police des agglomérations.
- Dispositions sur les services communs, la mutualisation.
- Communautés urbaines : abaissement à 400.000 habitants du seuil de création des communautés urbaines (seuil qui sera aussi celui de création des métropoles), nouvelles compétences obligatoires.

Transferts et mise à disposition des agents de l'Etat, compensation des transferts (titre III)
Ces mêmes dispositions se retrouvent à la fin de chacun des trois projets de loi. Marylise Lebranchu a précisé que les transferts de personnels de l'Etat ne devraient concerner qu'environ 500 agents.

Projet 2
Mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et promotion de l'égalité des territoires

"Conditions de la croissance économique" (titre I)
Il s'agit principalement de donner aux régions le rôle de chef de file du développement économique et des aides aux entreprises :
- Adoption par la région d'un "schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation". Les actes des autres collectivités en matière de développement économique devront être compatibles avec ce schéma.
- Les aides aux entreprises sont une compétence exclusive de la région (sauf pour les métropoles), compétence qui peut toutefois faire l'objet de délégations. L'interdiction de participer au capital des sociétés commerciales est levée pour les régions.
- Fonds européens : les programmes opérationnels sont confiés aux régions, les actions relevant du fonds social européen (FSE) peuvent être déléguées aux départements.

Emploi et "avenir de la jeunesse" (titre II)
- Nouvelles compétences de la région en matière de formation professionnelle.
- Réforme des instances nationales et locales de gouvernance des politiques de l'emploi.
- Apprentissage et orientation : là encore, renforcement de la région.

Egalité des territoires (titre III)
- Ingénierie territoriale : rôle d'assistance technique des départements en faveur des petites communes dans le domaine de l'eau, de l'aménagement, de la voirie et de l'habitat.
- Services à la population : création d'un "schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public" puis signature de conventions entre l'Etat et les collectivités ; dispositions sur les "maisons de services au public".
- Aménagement numérique des territoires : clarification des interventions des différents niveaux de collectivités, obligation pour les départements de mettre en place un schéma directeur territorial de l'aménagement numérique.

Projet 3
Développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale

Développement solidaire des territoires (titre I)
- Transports : compétences régionales renforcées en matière de transports ferroviaires, organisation des transports routiers (mise en place par les régions de lignes interrégionales de transports terrestres routiers de voyageurs), création de schémas régionaux de l'intermodalité.
- Handicap : transfert aux départements des établissements et services d'aide par le travail (Esat).
- Mais aussi… Un article sur le logement étudiant, un sur l'enseignement des langues régionales…

Ecologie et énergie (titre II)
- Création d'autorités organisatrices de la mobilité urbaine (avec extension des compétences au transport de marchandise et à des dispositifs innovants en matière par exemple d'autopartage ou de vélo).
- Energie : clarification des compétences en matière de production d'électricité et de maîtrise de la demande.
- Création d'une compétence de gestion des milieux aquatiques.

Démocratie locale et transparence de l'action locale (titre III)
- Série de dispositions relatives à la transparence financière et à la qualité des comptes des collectivités (entre autres, élaboration d'un rapport d'orientation budgétaire dans toutes les collectivités de plus de 3.500 habitants, étude d'impact obligatoire pour toutes les grosses opérations d'investissement, expérimentation de la certification des comptes des collectivités…).
- Fonctionnement des assemblées locales et participation des citoyens à la vie locale : création obligatoire d'une commission des finances dans toutes les villes de plus de 50.000 habitants, rôle du conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), condition du vote au scrutin secret en conseil municipal, extension des conseils de développement à l'ensemble des aires urbaines, exercice plus facile du droit de pétition pour les citoyens…
- Renforcement de l'ouverture des données publiques (open data).

Renforcement de l'intégration communautaire (titre IV)
- Nouvelles modalités de définition de l'intérêt communautaire.
- Renforcement du bloc des compétences obligatoires des communautés de communes (tourisme, plans locaux d'urbanisme, milieux aquatiques, assainissement, aires d'accueil des gens du voyage) et élargissement du champ de leurs compétences optionnelles (politique de la ville, maisons de services au public).
- Même chose pour les communautés d'agglomération.
- Dispositions relatives au plan local d'urbanisme intercommunal.
- Suppression des possibilités de mutualisation ascendante.
- Modification des modalités de répartition de la dotation d'intercommunalité à partir de 2015.

Cadre national de gouvernance de l'action publique locale (titre V)
- Création du Haut Conseil des territoires, en tant qu'"instance de dialogue privilégiée visant à assurer la cohérence des différentes politiques publiques associant l'Etat et les collectivités".
- Renforcement des pouvoirs de la commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) qui, comme le comité des finances locales lui-même, deviendrait une formation spécialisée du Haut conseil des territoires.
- Action extérieure des collectivités : sécurisation juridique des actions des collectivités en matière de coopération décentralisée notamment.

 

Pour aller plus loin

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