Commande publique - De nombreux "ajustements" attendent les acheteurs
Catherine Bergeal, directrice des affaires juridique de Bercy, a apporté lors de la session d'étude organisée par l'Apasp le 14 octobre de nombreuses précisions sur les textes qui seront prochainement adoptés en matière de commande publique. Les grands "chantiers" concerneront principalement la réduction des délais de paiement, la clarification de certains articles du code, la dématérialisation, les clauses de variation des prix, l'expérimentation du Small Business Act (SBA), la transposition de la directive Recours ou encore une éventuelle augmentation du seuil pour les marchés publics de moins de 4.000 euros. La stabilité reste la règle et il n'est pas question, précise-t-elle, de "bouleverser le droit de la commande publique". Il s'agit donc principalement de procéder à des "ajustements" afin de se caler sur la réglementation européenne et de tenir compte des difficultés et des remarques des acheteurs publics.
Le 28 juillet 2008, la loi sur les contrats de partenariat public-privé (PPP) a été adoptée. Les apports principaux de cette loi résident dans l'introduction du critère de l'efficience, créant ainsi une troisième voie de recours aux PPP, ainsi qu'une modification de leur fiscalité afin de ne pas pénaliser ce type de contrats par rapport à la maitrise d'oeuvre publique. L'autre nouveauté concerne la réduction à 45 jours du délai de paiement des marchés publics de l'Etat. Catherine Bergeal a notamment confirmé qu'un élargissement de ce décret aux collectivités territoriales était actuellement à l'étude.
Un grand décret d'actualisation
Deux textes ont déjà obtenu l'avis du Conseil d'Etat. Le premier, très attendu, est un long décret de 78 articles. Les 50 premiers articles seront consacrés aux entités adjudicatrices et aux pouvoirs adjudicateurs visés par l'ordonnance de 2005 ; les 28 autres modifieront un certain nombre d'articles du code des marchés publics de 2006.
Selon Catherine Bergeal, la première partie de ce texte est consacrée à un "toilettage" du décret d'application de l'ordonnance de 2005. L'objectif consiste d'une part à rassembler tous les textes relatifs aux entités adjudicatrices et aux pouvoirs adjudicateurs et, d'autre part, à mettre ces dispositions en conformité avec le code de 2006.
Les 28 autres articles de ce décret clarifieront ou modifieront un certain nombre de dispositions du CMP. Il s'agit notamment de clarifier trois articles du CMP pour mettre fin à des divergences d'interprétation de la part des tribunaux. L'article 45 précisera désormais que les niveaux minimaux de capacité sont facultatifs ; l'article 53, que la pondération des critères dans les procédures de concours n'est pas obligatoire ; enfin, l'article 77, que les marchés à bons de commande pourront prévoir un minimum et un maximum, l'un ou l'autre ou aucun des deux.
Le décret devrait également faire avancer le dossier "dématérialisation". Le texte reviendra sur l'échéance de 2010-2012 pour la dématérialisation des AAPC. Il est également prévu, pour les marchés informatiques supérieurs au seuil de 90.000 euros HT, que l'ensemble des pièces seront dématérialisées et ce, dès 2010.
Le second décret ayant obtenu l'avis du Conseil d'Etat modifiera le fonctionnement interne de l'Ugap et, surtout, permettra à la centrale d'achats de recevoir des avances à hauteur de 100% du montant du marché.
D'autres projets de décrets, qui n'ont pas encore étés transmis au Conseil d'Etat, ont été présentés. C'est notamment le cas du projet de modification de l'article 18 du CMP. Pour les marchés de plus de trois mois dont le prix des prestations serait soumis à d'importantes variations, la directrice de la DAJ a confirmé que le prix révisable deviendrait la règle et le prix ferme l'exception. Cette mesure vient d'être transmise au CCEN pour avis. La décision devrait être rendue avant la fin de l'année et la publication du décret est envisagée dès le mois de mai 2009. Le décret d'application de la loi LME concernant la mise en oeuvre de l'expérimentation destinée à réserver 15% des marchés "technologiques" aux PME innovantes est également en phase de finalisation.
Recours : des amendes financières en cas d'annulation
La transposition de la directive Recours, menée en collaboration avec le ministère de la Justice, devrait avoir d'importantes conséquences, notamment d'un point de vue financier. L'intégration en droit français de la directive devrait intervenir sous la forme d'une ordonnance, afin de respecter les délais de transposition. Cette ordonnance comportera deux mesures phares. Concernant le référé précontractuel, Catherine Bergeal a précisé que le recours sera systématiquement suspensif, ce qui signifie que dès le recours, le pouvoir adjudicateur ne pourra plus signer le contrat. L'ordonnance introduira par ailleurs un référé contractuel permettant aux candidats évincés de demander l'annulation du contrat. S'agissant du délai, la DAJ, dans un souci de simplicité, n'a fait que reprendre le délai fixé par la directive. Le délai de recours sera donc fixé à six mois maximum à compter de la notification du marché.
Ce référé contractuel s'accompagne par ailleurs de nouvelles mesures très importantes. En cas d'erreur au stade de la procédure de passation, l'annulation devrait être systématique, sauf si le juge se base sur des motifs d'intérêt public. Catherine Bergeal précise en outre que, conformément à la directive, un système d'amendes financières devrait être mis en oeuvre, comme dans le cadre des marchés privés. Par conséquent, lorsque les procédures de passation n'auront pas été respectées, l'annulation du contrat sera automatiquement prononcée et cette annulation pourrait être accompagnée d'une amende pouvant atteindre 1% du montant du marché. Quid de la jurisprudence Tropic ? Elle devra sans aucun doute s'ajuster à la nouvelle réglementation.
Un ajustement de la loi MOP ?
La France pourrait faire l'objet d'un avis motivé de la Commission européenne en raison de l'article 10 b) de la loi Sapin. Cet article, qui autorise les collectivités à ne pas faire application de la loi MOP dans leurs rapports avec leurs établissements publics, semble être contradiction avec le droit communautaire. L'"ajustement" annoncé devrait donc préciser que cette possibilité n'est offerte que lorsque les conditions permettant de qualifier un contrat de "in house" sont réunies. Cette disposition devrait être modifiée avant juillet 2009.
Dernière mesure envisagée, une éventuelle augmentation du seuil pour les marchés de moins de 4.000 euros. Catherine Bergeal a refusé de fournir un chiffre précis, affirmant cependant que cette augmentation pourrait être conséquente.
Pour conclure, Catherine Bergeal invite les acheteurs publics à ne pas surcharger les procédures et à ne pas aller plus loin que ce qui est prévu par le code. Elle rappelle à titre d'exemple que les déclarations sociales et fiscales ne doivent être demandées qu'au seul candidat retenu. Elle conseille également de notifier les marchés le plus rapidement possible pour éviter, par exemple, des difficultés suite à une mise en redressement judiciaire d'une entreprise ou à des retards dus à l'obtention d'autres marchés. Enfin, interrogée sur une éventuelle dépénalisation de la commande publique, la directrice de la DAJ s'est montrée favorable à une éventuelle suppression du délit de favoritisme (mais pas à la pénalisation de la corruption), rappelant toutefois que pour "des raisons politiques évidentes", il serait difficile de l'abroger purement et simplement.
L'Apasp