Commande publique - L'affaire AMP conduira-t-elle à une évolution jurisprudentielle du référé précontractuel ?
Après le "couac" de Légifrance de mai dernier, qui avait conduit à l'annulation du délibéré de la 7e sous-section du Conseil d'Etat, "l'affaire AMP" a de nouveau été présentée devant les juges réunis, vendredi 26 septembre, en assemblée du contentieux.
Le commissaire du gouvernement, Bertrand Dacosta, est resté sur sa position initiale en proposant une nouvelle fois de revenir à une interprétation plus restrictive du référé précontractuel afin de réduire l'insécurité juridique qui inquiète les rédacteurs des avis de publicité.
La notion d'intérêt à agir, fondement de la mise en œuvre de la procédure prévue par l'article L. 551-1 du Code de justice administrative (CJA), a en effet été interprétée par les juges de manière très extensive. En l'état actuel de la jurisprudence, tout candidat potentiel à l'attribution d'un marché public est recevable à invoquer un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence et ce, sans avoir à justifier que ce manquement lui a causé un quelconque préjudice. Cette solution a le mérite de permettre à une entreprise évincée de faire valoir ses droits sachant qu'après la signature du contrat, tout recours lui aurait été refusé pour absence d'intérêt à agir. De fait, une erreur ou une simple omission dans les avis de publicité est qualifiée par les juges de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce manquement entraîne une annulation "quasi-systématique" de la procédure, même si l'on assiste dernièrement à un assouplissement notable dans ce domaine.
Un référé précontractuel limité aux seuls candidats lésés
Selon Bertrand Dacosta, cette interprétation extensive de l'article L.551-1 du CJA n'a plus lieu d'être depuis l'adoption de l'arrêt Société Tropic Travaux Signalisation puisque tout candidat évincé a désormais la possibilité de formuler un recours de pleine juridiction contre la décision d'attribution. Le commissaire du gouvernement a par ailleurs évoqué les effets pervers engendrés par la situation actuelle. Le référé précontractuel peut effectivement être l'élément d'une stratégie destinée à entrer sur un marché jusque-là fermé ou être détourné par certains candidats évincés qui se sont faits une spécialité d'introduire des recours, pour se désister rapidement, "très vraisemblablement au prix d'arrangements d'ordres financiers que l'on peut soupçonner".
Pour mettre un terme à cette insécurité juridique et harmoniser les procédures contentieuses, le commissaire du gouvernement suggère aux juges de revenir à une interprétation beaucoup plus stricte du référé précontractuel en le limitant aux seuls candidats lésés ou susceptibles d'être lésés par un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Dans le cas de l'AMP, une entreprise qui ne serait pas directement concernée par une erreur commise dans cette rubrique ne pourrait saisir le juge. Appliqué au cas d'espèce, le raisonnement conduirait les juges à ne pas accueillir la demande du requérant, celui-ci n'ayant pas pu être lésé par cette erreur puisqu'il a pu présenter une offre qui n'a tout simplement pas été retenue.
Les conclusions du commissaire du gouvernement s'appuient entre autre sur le rapport public du Conseil d'Etat pour l'année 2008 qui préconise également de ne plus avoir recours à l'annulation du contrat pour des vices de pure forme. On peut donc légitimement penser que les juges adopteront la solution qui vient de leur être proposée.
Apasp