Emploi - CTP, apprentissage, orientation : les régions cherchent toujours leur place
François Fillon l’a encore rappelé devant les préfets réunis le 13 décembre 2010 : l’emploi reste une des premières priorités du gouvernement avec deux objectifs importants, la lutte contre le chômage de longue durée, qui a fortement augmenté au cours des douze derniers mois, et l’emploi des jeunes. Si le nombre de demandeurs d’emploi a baissé de 0,8 % au cours du mois d’octobre 2010, le chômage de longue durée poursuit son essor. Le nombre d’inscrits depuis un an ou plus a ainsi progressé de 0,8 % pour atteindre 1,48 million de personnes, soit plus de un tiers du total des inscrits. Pour contrer cette montée du chômage, le gouvernement souhaite généraliser le contrat de transition professionnelle (CTP), déjà expérimenté sur une trentaine de territoires avec de bons résultats. 60 % des bénéficiaires trouvent un emploi durable à la suite de leur CTP. Une mesure qui semble efficace mais qui reste peu connue des entreprises. D’après l’étude conjoncturelle annuelle d’Opcalia, publiée le 21 décembre 2010, 41 % des entreprises connaissent ce dispositif, 8 % seulement y ont recours... et 3 % comptent y faire appel en 2011.
Objectif du gouvernement : ne plus avoir de licenciés économiques au chômage et faire en sorte qu'ils disposent d'un contrat avec Pôle emploi, de la garantie de leur salaire pendant un an, d'un effort de formation, avec l’obligation d’accepter un emploi ou une formation qualifiante. Le gouvernement veut aussi mettre le paquet sur la formation professionnelle, qui vient de vivre une réforme importante avec la loi du 24 novembre 2009. Le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), créé par la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, doit permettre de former chaque année 500.000 salariés supplémentaires parmi les moins qualifiés et 200.000 demandeurs d’emploi. Jusqu’à présent et malgré les problèmes de trésorerie dus à la ponction par l’Etat sur son budget de 300 millions d’euros, le fonds a lancé 13 appels à projets avec 112 projets qui devraient être financés à hauteur de plus de 320 millions d’euros.
Dans ce domaine de la formation professionnelle, les régions et l’Etat ont du mal à se mettre d’accord. Et contrairement aux attentes, "la loi du 24 novembre 2009 n’a rien simplifié", assure Michel Yahiel, délégué général de l’Association des régions de France (ARF). Les régions espèrent toujours pouvoir expérimenter un service public de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle. Alain Rousset, président de l’ARF, l’a souligné le 5 novembre 2010 lors du 6e congrès de l’association, affichant pour convaincre les budgets dépensés par les régions en la matière : 2 milliards par an pour l’action économique, 1,3 milliard pour la recherche et le transfert de technologies, 5 milliards pour la formation professionnelle.
Les nouveaux CPRDF
Les nouveaux contrats de plan régionaux de formation professionnelle (CPRDF), instaurés par la loi du 24 novembre et qui doivent être bouclés en juin 2011, pourraient aller dans ce sens, mais "ils n’ont pas de valeur législative", précise Michel Yahiel, et "ils posent le problème de la contradiction entre l’Etat et les régions, entre un cadre national violent pour les régions, avec la réforme des collectivités territoriales, et la volonté de partenariat d’un certain nombre de ministères".
Autre problème : le devenir de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). L’association a vécu plusieurs chamboulements : la mise en concurrence avec les autres organismes de formation, le transfert de ses 900 psychologues vers Pôle emploi et le transfert annoncé de son patrimoine immobilier. Sur ce dernier point, le Conseil constitutionnel vient de trancher : le transfert de l’immobilier à l’Afpa est ainsi jugé anticonstitutionnel. Du coup, les régions demandent à ce que les biens appartenant à l’Etat mis à la disposition de l’association soient transférés de plein droit et en pleine propriété à titre gratuit aux régions qui en font la demande, ou mis à disposition des autres.
Enfin, l’orientation risque aussi de continuer à créer la polémique. Le gouvernement, par la voix de François Fillon, vient de confier aux préfets la labellisation des organismes qui pourront faire partie du futur service public de l’orientation alors que les régions réclamaient une "colabellisation" par le président du conseil régional.
En revanche, le sort des maisons de l’emploi semble être maintenant plus favorable. Leur survie était pourtant en balance depuis la publication de leur nouveau cahier des charges qui, destiné à éviter les doublons avec Pôle emploi, impliquait des coupes budgétaires pour ces structures. Finalement, après d’âpres discussions, Alliance villes emploi (AVE), la tête de réseau national des maisons de l’emploi, a réussi à limiter les frais, faisant passer de 45 % à un peu moins de 27 % la diminution annoncée des budgets de ces structures dans le cadre du budget 2011. Reste que la période qui s’annonce, si elle ne correspond plus à la crise, "ne correspond pas encore à l’après-crise, mais plutôt à une phase de transition où on ne doit pas donner d‘informations contradictoires, estime Michel Yahiel. Il faut de la cohérence, et qu’on prenne en compte le pilotage régional dans ces domaines de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle".
L’emploi des jeunes
Concernant les contrats aidés, la stratégie du gouvernement n’est pas forcément claire pour tous. 400.000 contrats de ce type ont été conclus en 2010 mais très vite, dès la mi-octobre, le budget a été épuisé par une "surconsommation", a expliqué Xavier Bertrand, le 21 décembre 2010, pour rassurer les députés inquiets de voir leur nombre diminuer dans les années qui viennent. Le ministre de l'Emploi a assuré que "les contrats aidés ne s’arrêtent pas" et qu’ils "continuent avec un volume bien supérieur à 2009". Deux milliards d’euros sont ainsi disponibles pour ces contrats en 2011, avec une prévision de 340.000 contrats aidés dans le secteur non marchand et de 50.000 dans le secteur marchand.
Autre préoccupation majeure : l’emploi des jeunes. Leur taux de chômage, qui a atteint 23 % en 2009, reste encore très élevé et le gouvernement a choisi d’y remédier grâce à la formation en alternance, comme l’avait suggéré le rapport Attali. Xavier Bertrand entend multiplier de un tiers le nombre de jeunes en alternance d’ici à quatre ans, en le faisant passer de 600.000 à 800.000 en 2015. Et le ministre envisage pour ce faire de mettre en oeuvre une réforme de l’apprentissage au premier trimestre 2011. Il a déjà commencé à rencontrer les syndicats pour préparer le terrain.
Du côté des entreprises, les attentes sont importantes. D’après l’étude annuelle d’Opcalia, les intentions de recourir à des contrats en alternance augmentent en 2011, avec une hausse de 18 % pour les contrats de professionnalisation et de 13 % pour les contrats d’apprentissage.
Les régions sont quant à elles assez prudentes sur les mesures annoncées. "Sur le fond, il n’y a pas de désaccord sur l’objectif affiché, explique Michel Yahiel. Après, tout est dans la mise en oeuvre." Les régions craignent ainsi que ces annonces soient un "halo de fumée". "D’un côté, avec les ressources du grand emprunt [500 millions d’euros sont destinés à la modernisation des structures en alternance dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, ndlr], on pousse à la création de nouveaux centres de formation d’apprentis dont les coûts de maintenance élevés, puisque ce seront des bâtiment neufs, seront supportés par les régions. D'un autre côté, les lycées existants sont de moins en moins occupés. Si la capacité des lycées diminuent, on pourrait y développer l’apprentissage", souligne Michel Yahiel, qui indique que la principale préoccupation des régions est qu'"on ne saucissonne pas les efforts faits pour la jeunesse". L’ARF vient de créer une nouvelle commission de l'apprentissage, sous la houlette de la commission de la formation professionnelle, pour discuter de ce sujet, mais aussi de la réforme de la taxe d’apprentissage et du développement de l’apprentissage dans le secteur public. Une manière de peser davantage dans un domaine où les régions devraient avoir la main.