Financement des collectivités - Crise du crédit : des solutions opérationnelles... en attendant l'Agence de financement
Alors que les difficultés d'accès au crédit bancaire sont nées dès le milieu de l'année 2011, les collectivités ont réussi, à quelques exceptions près, à financer leurs investissements l'année dernière. L'enveloppe de 5 milliards d'euros financée par les fonds d'épargne gérés par la Caisse des Dépôts leur a apporté une bouffée d'oxygène salutaire. Elle a eu des "effets tangibles", s'est félicité ce 23 mai Antoine Gosset-Grainville, directeur général de la Caisse des Dépôts, qui a indiqué que les 3,5 milliards d'euros distribués directement par l'établissement public sur cette enveloppe s'étaient traduits par la conclusion de 2.000 prêts au bénéfice de 188 collectivités et 200 établissements de santé. Antoine Gosset-Grainville s'exprimait devant les élus locaux réunis dans le cadre d'une rencontre organisée à l'Association des maires de France par sept associations d'élus sous l'intitulé "Menace sur les investissements publics locaux : quelles solutions ?".
2012 s'annonce cependant beaucoup plus difficile pour le financement du secteur public local, qui fait face à "de grandes incertitudes", selon Jean-Philippe Vachia, conseiller-maître à la Cour des comptes. La réduction des marges de manœuvre des régions et des départements et la poursuite de la mise en œuvre des programmes d'investissements des communes et de leurs groupements jusqu'aux prochaines élections locales vont rendre indispensable, cette année encore, le recours à l'emprunt. Le besoin de financement des collectivités est estimé entre 16 et 18 milliards d'euros pour 2012. Les années suivantes et à long terme, les dépenses d'équipement des collectivités devraient rester fortes, notamment en raison de la nécessité d'entretenir de nombreuses infrastructures "arrivées en fin de vie", selon Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP).
Marges bancaires élevées
Or les banques qui, jusqu'à la crise de 2008, assuraient l'essentiel du financement des investissements locaux, accorderont, au plus, 10 milliards de nouveaux crédits cette année. A l'origine de la contraction des prêts consentis aux collectivités locales, on le sait, les déboires de Dexia, naguère première banque du secteur, et l'anticipation par les banques de l'application des nouvelles règles des accords de Bâle III, qui leur imposent de renforcer la détention de fonds propres. Des principes qui conduisent les banques à faire preuve d'une excessive prudence, selon François Pérol. Le président du directoire Banque populaire / Caisse d'Epargne (BPCE) est partisan de l'adaptation de ces principes aux spécificités de l'économie européenne, laquelle est essentiellement financée par les banques. Les dirigeants des Etats-Unis et de l'Australie se sont déjà engagés dans la voie d'une application tenant compte des réalités de leurs pays, alors pourquoi pas aussi ceux de l'Europe, milite-t-il. Quoi qu'il en soit, les banques continueront à consentir des prêts à des taux élevés, comme aujourd'hui. "Le coût de notre ressource a augmenté de façon considérable depuis la crise", a expliqué François Pérol, en estimant qu'il n'avait pas d'autre choix que de répercuter ce coût dans les offres faites aux clients.
Caisse des Dépôts et Banque postale : premiers prêts en juin
Comme à la fin de 2011, les fonds d'épargne gérés par la Caisse des Dépôts vont être à nouveau mobilisés en 2012 pour compléter le financement du secteur local. "Deux milliards d'euros seront débloqués avant fin juin et une seconde tranche de trois milliards sera engagée dès que le gouvernement aura donné son feu vert", a précisé Antoine Gosset-Grainville.
La co-entreprise devant être en place par la Banque postale et la Caisse des Dépôts accordera quant à elle des prêts dès le mois de juin, avec deux milliards d'euros à la disposition des collectivités dans un premier temps et deux autres milliards à la fin de l'année. Les premiers prêts seront de court terme, les prêts à long terme devant être commercialisés à partir du mois de novembre.
"Nous allons proposer un modèle différent, a souligné Philippe Wahl, président du directoire de la Banque postale. Nous ne vendrons que des produits simples". Sous-entendu : aucun produit structuré aux formules de calcul compliquées ne sera proposé. "Nous aurons une gestion sage, avec des marges transparentes. Les clients sauront exactement ce qu'ils auront à payer", a-t-il ajouté. En régime de croisière, le nouvel acteur prêtera 5 milliards d'euros par an, couvrant ainsi environ 25% des besoins du marché.
Succès des émissions obligataires
En même temps que ces nouvelles modalités de financement vont se mettre en place, le recours au marché obligataire pourrait continuer à constituer une alternative intéressante pour les grandes collectivités. Au cours du premier trimestre 2012, celles-ci ont émis un volume d'obligations égal à celui de l'ensemble de l'année 2011. En obtenant des financements à des taux inférieurs à ceux du marché bancaire. Cette solution étant réservée aux grandes collectivités en raison de ses coûts fixes, certaines collectivités envisagent, grâce à l'expérience qu'elles ont acquise dans ce domaine, de monter un emprunt obligataire groupé au bénéfice de collectivités plus petites. Jérôme Guedj, président du conseil général de l'Essonne a ainsi évoqué un projet qui s'adresserait uniquement aux collectivités de son département. L'idée s'inspire de l'émission obligataire groupée que 70 collectivités de plusieurs régions lanceront à la fin de l'année pour tenter de lever sur les marchés un montant probablement supérieur à 1 milliard d'euros. Toutefois, malgré l'intérêt qu'elles représentent, ces solutions sont compliquées à mettre en œuvre et sont destinées à demeurer "une niche", selon Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française.
Une analyse que partagent les associations nationales d'élus locaux, pour qui, dans ce contexte, la création d'une Agence de financement des investissements locaux ouverte aux grandes comme aux petites collectivités apparaît de plus en plus nécessaire et urgente. L'objectif de cette agence est d'offrir aux collectivités un outil de financement complémentaire permettant de lever 5 milliards d'euros sur les marchés, "de manière sécurisée" et "à moindres coûts", indiquent-elles.
La balle est aujourd'hui dans le camp du nouveau gouvernement : la création de l'Agence ne verra le jour que si celui-ci dépose un projet de loi. C'est ce que les associations d'élus locaux l'incitent à faire dans un appel qu'ils ont lancé à l'issue de la rencontre de ce 23 mai. Un appel (à télécharger ci-contre) signé par les sept associations nationales d'élus locaux organisatrices de cette recontre : l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France, l'Association des régions de France, l'Association des maires de grandes villes, la Fédération des villes moyennes, l'Assemblée des communautés de France et l'Association des communautés urbaines de France