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Finances locales - Bien que décrié, le rôle des agences de notation pourrait se renforcer auprès des grandes collectivités

Les relations entre élus locaux et agences de notation semblent au plus bas. Des collectivités, y compris de grande taille, refusent de solliciter une note auprès d'une agence. Toutes les collectivités peuvent-elles faire de même ? Non, notamment parce que les grandes collectivités qui se financent directement sur les marchés ne peuvent pas se passer d'une évaluation de leur situation financière. La mission commune d'information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation constituée en février dernier par le Sénat faisait le point, ce 28 mars, sur ces questions.

Depuis la crise des dettes souveraines et la dégradation de la note de plusieurs Etats européens, dont celle de la France, la réputation des agences de notation auprès des élus locaux a pris un sérieux coup. On se souvient qu'en novembre dernier, Arnaud Montebourg avait renvoyé dans les cordes les responsables de Fitch (lire notre article du 16 janvier 2012) qui souhaitaient démarcher le conseil général de Saône-et-Loire. L'ex-candidat à la primaire socialiste, qui préside le département, avait alors qualifié de "nuisible" l'activité des agences de notation.
Sans s'exprimer aussi ouvertement, d'autres élus ont mis un terme au contrat qui liait leur collectivité à l'une ou l'autre des agences du marché (Fitch, Standard & Poor's, Moody's). Comme l'ancien maire de Clichy-sous-Bois, aujourd'hui sénateur, Claude Dilain, qui déclare avoir entendu "les critiques faites sur les agences". L'élu était auditionné ce 28 mars par ses collègues sénateurs de la mission commune d'information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation constituée en février dernier. De son côté, le conseil général de la Meuse continue à être noté, mais ses élus considèrent les agences "avec un regard plus distant", selon le directeur général adjoint en charge des ressources, qui était également auditionné par la commission. Dominique Vanon explique les raisons de ce changement : "Les agences mesurent la capacité de la collectivité à rembourser sa dette. Or, pour satisfaire cet objectif, il suffit tout simplement de ne plus investir." Un élu ayant "les yeux rivés sur la note" de sa collectivité ne ferait pas correctement "son travail", poursuit Claude Dilain. Car, certes, il faut "garder de bons ratios financiers", mais en même temps on doit "préparer l'avenir", juge-t-il.

"Du mal à articuler la note de l'Etat et celle des collectivités"

Apparemment lucides sur les limites de la notation financière, les acteurs locaux reconnaissent que celle-ci est pourtant le résultat d'un travail sérieux. "La première année où nous avons été notés, l'équipe de Moody's a travaillé plusieurs jours, et même plusieurs semaines par intermittence", témoigne l'ancien maire de Clichy. Ce travail semble, de plus, être réalisé dans un cadre transparent. "Standard & Poor's a mis dernièrement sur la place un vademecum de ses processus. Les autres agences l'ont aussi fait", indique Dominique Vanon. Vincent Berjot, directeur des finances de la ville de Paris, pointe toutefois un défaut : "Les agences ont du mal à articuler la note de l'Etat et celle des collectivités locales", précise-t-il en faisant référence à la dégradation qu'a subie récemment la capitale du simple fait de la dégradation de la note de l'Etat français (voir notre article du 16 janvier).
Fin 2011, 27 collectivités et groupements de communes français étaient notés auprès de l'une trois agences. Un chiffre qui, depuis, a fluctué. Parce que les "experts" qui décernent les notes sont critiqués, la notation financière sera probablement, pendant quelques temps, moins utilisée en tant qu'outil politique ou outil de communication d'une collectivité. Jusque-là, en effet, certaines collectivités avaient recours à la notation dans l'optique d'abord de prouver, aux yeux des électeurs en particulier, qu'elles étaient rigoureusement gérées.

Une note, aussi pour obtenir un emprunt ?

La notation conservera en tout cas sa finalité première, qui consiste à informer les investisseurs, notamment étrangers, sur la santé financière d'une collectivité lorsque celle-ci veut emprunter sur les marchés financiers. Car, en cette période de raréfaction de l'offre bancaire, le "financement désintermédié [sic]" a de plus en plus la cote auprès des régions, départements, grandes villes et intercommunalités. "Pour avoir recours aux émissions obligataires, il faut être noté depuis longtemps", expliquait ainsi récemment Jean-François Debat, vice-président de la région Rhône-Alpes (voir notre article du 19 mars).
Des collectivités qui n'avaient jusque-là pas eu recours à la notation en deviennent des adeptes. Les derniers exemples datent du début du mois. Ce sont ceux de Marseille et Colmar, deux villes notées par Fitch (Marseille l'étant également par Standard & Poor's).
A en croire le DGA chargé des ressources du département de la Meuse, la notation présenterait un intérêt désormais aussi dans le cadre des emprunts bancaires : "Le temps où nous avions des relations de proximité avec les banques est terminé. Celles-ci prennent aujourd'hui leurs décisions à l'échelon national." Dans ce cadre, "la notation leur sert d'outil de décision pour répondre aux demandes de prêts émises par les collectivités", indique-t-il.
La mission d'information sénatoriale remettra son rapport au début de l'été. Elle livrera ses analyses sur les activités des agences de notation dans les secteurs public et privé.