Contrôle, transparence et qualité, maîtres mots du nouveau plan sur les Ehpad

Olivier Véran et Brigitte Bourguignon ont annoncé ce 8 mars une série de mesures : plan de contrôle des 7.500 Ehpad au cours des deux prochaines années par les ARS en lien avec les départements, plateforme de recueil des signalements des familles, programme de formation-action pour tous les salariés, nouveaux indicateurs pour les familles, enquêtes de satisfaction obligatoires, démarche qualité, participation et médiation, transmission d'éléments comptables pour les Ehpad commerciaux...

À l'occasion d'un déplacement, le 8 mars, à l'Ehpad de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), Olivier Véran et Brigitte Bourguignon ont annoncé un ensemble de mesures concernant les Ehpad. Si ces annonces interviennent en lien direct avec l'affaire Orpéa, les deux ministres tiennent fermement à les situer dans un ensemble plus vaste et dans une temporalité différente, en insistant sur l'engagement du gouvernement "en faveur du bien vieillir à domicile et en établissement". Selon l'entourage du ministre des Solidarités et de la Santé, il s'agit en effet de "montrer qu'on n'a pas attendu l'affaire Orpéa et qu'un travail de fond était à l'œuvre depuis trois ans". Il reste néanmoins que les mesures annoncées ont pour vocation première de répondre à ce qui est apparu comme l'un des points faibles dans cette affaire : l'insuffisance du contrôle des Ehpad – et notamment les établissements privés à but lucratif – et le manque de transparence de ces structures.

Un programme de contrôle des 7.500 Ehpad en deux ans et 150 postes pour les ARS

Après avoir exposé les actions menées depuis 2017 en faveur du bien vieillir chez soi, du "virage domiciliaire", de la création de la cinquième branche Autonomie, de la revalorisation des personnels via le Ségur de la santé pour les Ehpad et l'avenant 43 pour les Saad (services d'aide et d'accompagnement à domicile), du renforcement des effectifs (20.000 postes supplémentaires, notamment soignants, depuis cinq ans), de l'effort d'investissement pour les Ehpad (2,1 milliards) et de l'émergence d'un "modèle de l'Ehpad de demain" plus ouvert sur l'extérieur, les deux ministres sont passés aux mesures nouvelles. En l'occurrence, "le gouvernement complète ses engagements pour garantir plus de contrôles, plus de qualité et plus de transparence dans les Ehpad". En pratique, il s'agit d'un vaste plan de renforcement des contrôles, organisé en cinq axes, assorti chacun de plusieurs mesures.

Le premier axe consiste, logiquement, à renforcer les contrôles des établissements et le suivi des signalements. Il est ainsi prévu de lancer un plan de contrôle des 7.500 Ehpad, tous statuts confondus, qui se déroulera au cours des deux prochaines années. Ces contrôles seront menés par les ARS, en lien avec les départements, en donnant la priorité aux établissements ayant fait l'objet de signalements récents. Les ARS bénéficieront pour cela "de moyens humains pérennes supplémentaires". Ceux-ci ne sont pas précisés dans la présentation du plan, mais, dans son discours à l'Ehpad de Fontenay-sous-Bois, Olivier Véran a indiqué que "pour renforcer les agences régionales de santé dans cet exercice de contrôle de grande ampleur, nous recrutons des personnels supplémentaires et ce sont 150 équivalents temps plein supplémentaires qui seront affectés à ces missions".

Une plateforme en ligne pour recueillir les signalements

Toujours sur ce premier axe, il est prévu la création d'une plateforme en ligne pour recueillir les signalements des familles et des professionnels, en même temps que seront renforcés la visibilité et les moyens d'action du 3977, le numéro d'appel national. Il est également prévu la création de "groupements territoriaux de coordination sur les informations préoccupantes". Même si l'intitulé peut faire penser aux cellules de recueil des informations préoccupantes, pilotées par les départements en matière de protection de l'enfance, leurs missions sont en réalité très différentes. Il s'agit en effet d'instances destinées à permettre des échanges périodiques entre tous les acteurs impliqués dans la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées. Leur déploiement est prévu dès 2022.

Enfin, tous les professionnels des Ehpad, soit environ 400.000 salariés, devraient bénéficier d'un programme de formation-action sur la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance. Ce programme étant intégré aux modules de formation continue, il faudra donc un certain temps pour toucher l'ensemble des salariés.

Plus de transparence et une démarche qualité

Le second axe du plan consiste à "renforcer la transparence des établissements envers les résidents et les familles". Trois mesures sont prévues à ce titre. La première consiste à publier chaque année dix nouveaux indicateurs reflétant les caractéristiques et le fonctionnement de chaque Ehpad. Ces indicateurs seront mis en ligne sur le site de l'établissement et sur le portail national d'information pour les personnes âgées et leurs proches www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr, mis en œuvre par la CNSA. Parmi ces indicateurs : le taux d'encadrement, le taux d'absentéisme, le plateau technique, le profil des chambres, le budget quotidien pour les repas (par personne), la présence d'une infirmière de nuit et d'un médecin coordonnateur...

Dans le même esprit, chaque Ehpad aura l'obligation de réaliser et de publier chaque année (avec notamment un affichage dans l'établissement) une enquête de satisfaction, sur la base d'un questionnaire et d'une méthodologie établis par la HAS (Haute Autorité de santé). Cette dernière doit élaborer ce questionnaire avant mai 2022. Enfin, l'encadrement règlementaire sera renforcé, afin de garantir la transparence sur les prix pratiqués et de protéger les résidents contre des facturations abusives. La mesure vise clairement les Ehpad à but lucratif, qui "appliquent parfois des tarifs hébergement peu lisibles et peu sincères". Le contrôle de cette transparence sera assuré par la DGCCRF.

Le troisième axe prévoit d'engager tous les établissements dans une démarche qualité, avec une évaluation externe plus complète et plus transparente. Cette démarche s'appuiera sur la publication, dès ce mois-ci, du référentiel national d’évaluation des ESSMS (établissements et services sociaux et médicosociaux), prévu par la loi de juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. Dès cette année, la durée entre deux évaluations est ramenée de sept à cinq ans (ce qui supposera un important effort compte tenu de la désorganisation induite par la crise sanitaire et des difficultés récurrentes de l'évaluation). Du côté des évaluateurs, les organismes seront incités, dans un premier temps, puis tenus d'être accrédités par le Comité français d’accréditation (Cofrac), "afin de renforcer l’indépendance du processus".

Conseils de la vie sociale et médiation

Le quatrième axe consiste à faciliter la médiation et à renforcer le rôle des familles et des soignants dans le fonctionnement des Ehpad. Face aux difficultés de fonctionnement des conseils de la vie sociale (CVS) présents dans chaque établissement, il est prévu de réviser la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médicosociale, afin de simplifier le fonctionnement des CVS, d'alléger la procédure de désignation de leurs membres, d'élargir leur composition à des élus locaux (notamment départementaux), à des membres de l'équipe soignante et au médecin coordonnateur, d'élargir leurs missions à la question des droits des résidents et de prévoir une consultation obligatoire sur les résultats obtenus en matière de qualité.

Dans le même esprit, le plan prévoit également de faciliter la médiation, "pour prévenir les conflits entre familles résidents et établissements". Le plan reste toutefois très flou sur la mise en œuvre concrète de cette médiation au sein de chaque Ehpad. Il prévoit en revanche, au niveau national, d'étendre la mission du dispositif national de médiation pour les personnels des hôpitaux et des ESSMS (qui anime un réseau de médiateurs formés et spécialisés dans l’univers du soin) aux différends non résolus par le CVS au niveau de chaque établissement.

Vers la fin de l'opacité pour les groupes d'Ehpad commerciaux ?

Enfin, le dernier axe vise très clairement et uniquement les Ehpad commerciaux. Il résulte directement des révélations sur la "confiscation" des ristournes obtenues par certains Ehpad ou plutôt groupes d'Ehpad auprès de leurs fournisseurs. Il s'agit donc en l'occurrence de "mieux prévenir tout dysfonctionnement grave". Certaines mesures seront mises en œuvre au niveau des établissements, comme le renforcement des règles comptables et budgétaires et, par voie de conséquence, le renforcement de la capacité de contrôle des ARS sur le respect de ces règles.

Au niveau des groupes d'Ehpad, à l'image d'Orpéa ou de Korian, sera instaurée l'obligation de transmettre une comptabilité analytique, permettant notamment "d’expliciter de façon sincère les mouvements comptables et financiers entre le groupe et l’Ehpad, de façon à bien apprécier l’utilisation des dotations publiques". Les commissaires aux comptes auront obligation de remettre une attestation sur le respect de ces engagements. Dans le même temps, les pouvoirs des corps de contrôle – inspection générale des affaires sociales (Igas), inspection générale des finances (IGF), Cour des comptes et chambres régionales – seront élargis. Pour leur part, les directeurs généraux d'ARS et les présidents de conseils départementaux se verront conférer un "pouvoir d'alerte" de ces corps de contrôle. Pour couronner l'ensemble, la Drees (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques des ministères sociaux) publiera chaque année un rapport sur la gestion des Ehpad privés, non lucratifs et lucratifs, "pour améliorer la connaissance du secteur et de ses caractéristiques vis-à-vis des décideurs publics et du grand public, à partir des données d’activités économiques et financières et d’indicateurs connus". Olivier Véran a conclu la présentation de ces différentes mesures en expliquant qu'elles témoignent des "ambitions que nous portons à court terme pour regagner une confiance qui s’est érodée".

 

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