Commerce - Commerce de proximité : un projet de loi à la rentrée
A l'occasion d'un colloque sur le commerce de proximité en centre-ville organisé le 30 mai 2013 par la Semaest (1), Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme, a annoncé qu'elle allait présenter en juin des mesures pour soutenir le commerce de proximité, donnant lieu à la rentrée à un projet de loi. Au programme : une refonte des outils existants. "Des outils en faveur du commerce de proximité, il en existe, mais ils doivent être redynamisés pour leur redonner toute leur efficacité", a ainsi affirmé la ministre. L'intérêt du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) "n'est plus à démontrer" mais, selon elle, il doit être ciblé sur des investissements stratégiques, alors que ses crédits ne cessent de diminuer, passant de 60 millions d'euros en 2008 à 42 millions en 2012.
Concernant le droit de préemption, il "peut être un outil puissant", a insisté Sylvia Pinel, "mais pour des raisons financières ou opérationnelles, cette faculté peut s'avérer difficile à mettre en œuvre pour les commerçants, et peu l'utilisent". La ministre compte s'appuyer sur des expériences locales réussies, à l'image de ce qui est engagé à Toulouse dans le cadre d'une opération baptisée "Commerce d'avenir". Ici, la municipalité a décidé de surveiller l'installation de nouvelles enseignes. Elle demande à l'établissement public foncier de Toulouse de réaliser les études foncières et négociations préalables à l'acquisition de locaux, d'acquérir les locaux commerciaux, les fonds de commerce, baux commerciaux, pour maîtriser leur destination, et de rétrocéder les biens quand les objectifs de requalification des secteurs sont atteints...
La ministre souhaite aussi "placer les élus au cœur du dispositif, car ce sont eux qui connaissent le plus intimement les quartiers, les bourgs, voire chaque commerçant".
Les mesures prévues par Sylvia Pinel sont destinées à favoriser la diversité des commerces, qui est actuellement menacée par la monoactivité dans certaines rues, à lutter contre l'éviction de certains commerces de proximité au profit d'agences bancaires ou immobilières, et contre la désertification commerciale. D'après les chiffres de Procos, la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé, en 2012, le commerce de centre-ville a subi une nouvelle baisse. Les boutiques en centre commercial de centre-ville ont diminué de 4,4% et celle sur rues de 4,1%. Procos s'apprête d'ailleurs à dévoiler mi-juin des données montrant une aggravation des taux de vacance des commerces dans les centres des villes moyennes.
"Il y avait un taux de vacance de 11% en 2008 à Paris, il est de 12% en 2012. Cela augmente l'urgence d'agir mais il y a toujours eu un taux de vacance élevé", a déclaré Gérald Barbier, vice-président commerce de la délégation de Paris à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris.
Accompagner les évolutions du commerce
Plusieurs mesures sont venues modifier la législation et les outils disponibles en faveur du commerce de proximité ces dernières années. La loi de modernisation de l'économie de 2008 a ainsi élargi les critères du Fisac, majoré ses taux d'intervention et homogénéisé ses conditions d'intervention. Elle a également élargi le dispositif de droit de préemption que les élus peuvent enclencher quand ils décident de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité. "La loi constitue un début de chantier, mais il y a des manques, et il n'y a pas eu de suite", a détaillé Seybah Dagoma, députée de la 5e circonscription de Paris. Quant à la réforme de l'urbanisme commercial initiée par Patrick Ollier, député UMP des Hauts-de-Seine, en 2010, elle n'a jamais abouti…
Dans ce contexte, les élus tentent tant bien que mal de défendre le commerce de proximité, mais se plaignent d'outils qui ne sont pas toujours adaptés. "Le droit de préemption est très mal fichu. On se retrouve parfois avec des montants exorbitants !", a témoigné Jean-Loup Metton, maire de Montrouge. L'élu a décidé d'utiliser le plan local d'urbanisme (PLU) pour acheter tous les pieds d'immeuble de la ville, par l'intermédiaire d'une société d'économie mixte, pour décider des commerces à y installer. Mais même avec cette méthode, il est difficile d'empêcher certaines activités, hors commerce de proximité, de s'installer. "Il y a un problème sur la notion de commerçant. Dans notre ville, un importateur de carrelage a voulu s'installer dans les zones réservées au commerce et il a pu le faire car il est inscrit au registre du commerce. On a besoin d'une notion précise de ce qu'est le commerce de détail !"
Même remarque pour Seybah Dagoma, qui lutte quant à elle contre la monoactivité dans certaines rues parisiennes, comme la rue du Faubourg Saint-Martin (grossiste en vêtements). "Il y a des outils législatifs qui existent, mais il est nécessaire de les modifier", a-t-elle ainsi affirmé, se félicitant de la prise de conscience du gouvernement sur le sujet. "Le droit de préemption est lourd et administratif, il oblige à acheter les locaux au prix du marché." Autre nécessité : accompagner les évolutions du commerce de proximité. "Il y a une évolution du commerce, les stations-service par exemple sont en train de devenir des stations de services, avec des boutiques alimentaires. Il faut inventer des systèmes pour accompagner ces nouvelles évolutions", a ainsi signalé Dominique Alba, directrice générale de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Les élus demandent enfin des moyens pour limiter la tendance inflationniste des loyers dans les centres-ville.
Emilie Zapalski
(1) Société d'économie mixte de l'est de Paris