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Habitat - Comment loger les jeunes en alternance ?

Le 9 mars 2010, la loi de finances rectificative consacrée au grand emprunt - désormais "investissements d'avenir" – a affecté 250 millions d'euros au "développement de l'offre de logements des jeunes travailleurs en alternance". En application d'une convention signée par le Premier ministre, la Caisse des Dépôts est chargée des verser les fonds aux porteurs de projet sur la base d'un appel à projets. Celui-ci vient de paraître (voir le lien ci-contre), il précise la nature des opérations éligibles, les modalités et le calendrier de sélection. Afin de sélectionner au mieux les projets pertinents, les ministres de l'Emploi et du Logement confiaient en juin dernier à deux grands corps d'inspection (Conseil général de l'environnement et du développement durable et Inspection générale des affaires sociales) la mission de répondre aux questions suivantes : Où sont actuellement logés les apprentis et les jeunes en contrat de professionnalisation? Cette offre de logement répond-elle à leurs besoins? Quel secteur, quel type d'opération faut-il aider ? Des questions dont la simplicité n'est clairement qu'apparente, comme en témoigne le rapport publié ces jours-ci par trois hauts fonctionnaires, Patrick Laporte, Marc Biehler et Bernard Krynen.

Au delà d'une "mosaïque de besoins"

Les besoins d'hébergement des 600.000 jeunes en alternance sont en effet extrêmement variés : il leur faut tout d'abord non seulement un mais parfois jusqu'à trois logements (centre de formation, lieu de travail, résidence personnelle).  Ensuite, une part importante de ces jeunes sont mineurs, ce qui pose des problèmes spécifiques pour les loger. Les apprentis sont les plus souvent des jeunes hommes (en raison notamment des métiers concernés) : or l'âge médian de départ du domicile parental est plus élevé pour les hommes (23 ans) que pour les femmes (21 ans). Les plus jeunes n'ont évidemment pas les mêmes besoins d'autonomie que les plus âgés. Par aillleurs, les besoins d'hébergement dépendent fortement de la région : "La probabilité pour un jeune d'accéder à un contrat d'apprentissage varie de plus du simple au double selon sa région de résidence." Pour les plus jeunes et ceux qui préparent les diplômes les moins élevés (BEP et CAP), les parents ont fréquemment des ressources modestes (ouvriers ou employés). Mais plus largement, et particulièrement pour les BEP, CAP et bacs professionnels, tous ces jeunes ont une "faible solvabilité". Les deux tiers des jeunes concernés trouvent donc des solutions de logement plus ou moins choisies dans leur réseau familial. Environ 50.000 sont logés une partie de l'année en internat, 8.000 en foyer de jeunes travailleurs et environ 10.000 en résidence universitaire Crous. Des structures dont les financements et le mode de fonctionnement n'ont rien en commun.
En résumé, expliquent les trois rapporteurs, on ne peut même pas parler de "mosaïque" des besoins. Car "une mosaïque s'organise selon un dessin" (p.19). Or la situation est tellement complexe que le dessin est fort difficile à détecter.

Associer les conseils régionaux 

En dépit de cette complexité, les rapporteurs aboutissent à une trentaine de recommandations. D'abord sur les enjeux : l'ensemble des projets sélectionnés devront faire la preuve de leur "équilibre économique à long terme" et s'adapter à des besoins locaux très variés. Les projets doivent "favoriser l'autonomie des jeunes". La mission recommande également de privilégier des "projets proposant des courts séjours et des séjours temporaires, hors contrat de location", et de "revoir les modes de gestion du type internat fait de fermeture ou d'exclusivité". Elle insiste sur l'association indispensable des conseils régionaux, le sujet de l'hébergement devant être pris en compte dans la négociation des plans régionaux de développement des formations professionnelles. Les trois rapporteurs appellent enfin à la vigilance sur le respect des règles européennes dites des "aides d'Etat" : pour chaque projet, s'il ne s'agit pas de logement social (sous plafond notamment de ressources), il faudra notifier ces aides à Bruxelles comme aide à un "service d'intérêt économique général" et proportionner la subvention aux obligations de service public (p.57-58).