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Revitalisation - Ces villes moyennes frappées au cœur

L'association Villes de France a présenté le 15 mars un manifeste appelant à un "plan national de revitalisation des centres-ville", sur le modèle du PNRU. Nombre de villes moyennes connaissent une désaffection de leur centre, sur fond de vacance commerciale, d'habitat dégradé, de déclin démographique... Le manifeste invite à l'élaboration de projets globaux touchant aussi bien l'ingénierie, l'habitat, l'urbanisme, le commerce, les transports que le numérique. La Caisse des Dépôts s'apprête à dévoiler une nouvelle offre spécifiquement tournée vers la revitalisation des centres de villes moyennes.

Après des années de déclin de leur centre, les villes moyennes interpellent le gouvernement sur l'ampleur du phénomène. Elles appellent au lancement d'un "plan national de revitalisation des centres-ville", calqué sur le programme national de rénovation urbaine (PNRU). Dans un manifeste présenté lors d'un colloque intitulé "Faire vivre le cœur des villes" organisé le 15 mars en partenairat avec la Caisse des Dépôts, l'association Villes de France (qui les représente) détaille le contenu de ce programme qui aurait pour "premier objectif de rassembler, dans des projets globaux, réfléchis et cohérents, les multiples dispositifs et procédures qui se superposent", en réaffirmant "le rôle essentiel des centralités dans les dynamiques territoriales". Il s'agirait d'une approche transversale qui comporterait a minima des dispositions sur l'ingénierie, l'habitat, l'urbanisme, le commerce, les stratégies urbaines régionales et les dessertes ferroviaires et le numérique.

La "colonne vertébrale" du territoire

Les villes moyennes et leurs intercommunalités, comprenant entre 15.000 et 100.000 habitants, constituent "la colonne vertébrale" du territoire français, insiste la présidente de Villes de France, Caroline Cayeux, sénateur-maire de Beauvais. Elles sont "un atout irremplaçable pour faire obstacle aux fractures territoriales qui se creusent entre les métropoles, très largement soutenues par les réformes territoriales successives, et les territoires ruraux". Malgré ce rôle charnière, "les dernières politiques en leur faveur les datent des années soixante-dix", déplore la sénatrice. "La revitalisation des centres-ville est un sujet qui va devenir – je l'espère - une politique bien mieux identifiée au niveau national", plaide-t-elle, au moment où une mission confiée à l'Inspection générale des finances et au Conseil général de l'environnement et du développement durable est chargée d'identifier les problèmes et de proposer de nouvelles solutions.
Ces difficultés, la journée du 15 mars, qui s'est tenue à Paris dans les locaux de la Caisse des Dépôts, a été l'occasion de les passer en revue une à une. Elles sont souvent la conséquence de choix locaux (étalement urbain, croissance du commerce en périphérie, place de la grande distribution…) et de décisions nationales (réformes territoriales et administratives, fermetures de casernes, de tribunaux, de trésoreries, d'hôpitaux…), mais dépendent aussi d'un contexte global qui touche de nombreux pays. Certaines remontent à loin, comme la décision d'installer les universités à l'extérieur des villes après 1968. "Une erreur gigantesque", clame Marc Abadie, le directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts.
"20% des villes et aires urbaines ont perdu de la population entre 1975 et aujourd'hui. Et ce processus a progressé entre 2006 et 2011", commente Sylvie Fol, professeur d'urbanisme à Paris 1. Il s'agit le plus souvent de villes de garnison ou industrielles, déconnectées des grands axes de communication.

Le commerce révélateur d'un problème plus profond

Pour David Lestoux, directeur associé du cabinet Cibles et stratégies, la disparition du commerce, phénomène le plus visible et le plus marquant, n'est donc souvent que le révélateur d'un problème plus profond, plus sournois. "La question des vitrines vacantes est le témoin de ce qui va plus ou moins bien", explique-t-il. Le constat est pourtant sans appel : "Il y a 7 ou 8 ans, le taux de vacances (c'est-à-dire la proportion de magasins fermés, ndlr) était de 6 à 7%, il est aujourd'hui de 12 à 13%", constate David Lestoux. Un phénomène marquant dans les centres mais qui, d'après lui, touche souvent l'ensemble de l'agglomération. Or dans le même temps, de plus en plus de services, de professions libérales et d'habitants "se déplacent vers la périphérie". "C'est plus une question de place de la centralité plus que de commerce", en conclut-il. "Les centres de villes moyennes sont souvent les territoires les plus paupérisés, devant les zones urbaines sensibles (…) Depuis vingt ans, on fait à peu près le contraire de ce qu'il faudrait pour activer les centres-ville (…) Il faut remettre la main sur le cœur", poursuit-il. Car selon lui "un territoire ne peut vivre et être attractif sans un centre dynamique". "Les territoires dont la population augmente sont ceux où le cœur est le plus attractif", observe-t-il encore, tout en prévenant : "Ne poursuivons pas ce rêve absolu de ne travailler que sur le commerce."

Un habitat dégradé pour des politiques mal adaptées

Savoir qui du commerce ou des habitants est parti en premier, c'est un peu l'histoire à l'envers de la poule qui a pondu l'œuf. Mais si les commerces disparaissent c'est aussi parce que l'habitat se dégrade et que les habitants s'en vont en périphérie.  Sylvie Fol dénonce à ce titre "une vision nationale aveugle des contextes locaux". La politique de logement est "axée sur la production de logements neufs", visant à répondre "à la pénurie des métropoles". Mais cette même politique "calquée sur tout le territoire" a contribué à "inonder de logements les zones détendues et accentué la déprise des centres". "Il faut en finir avec la vision homogène du territoire", affirme-t-elle.
Dans son manifeste, Villes de France pointe "l'offre de logements neufs en périphérie des villes, construits souvent avec des aides publiques directes ou indirectes (fiscalité, réseaux)" qui "vient concurrencer la réhabilitation du patrimoine existant". Elle propose "d'assouplir les règles d'attribution des aides au logement (par exemple le Pinel) pour permettre aux préfets d'en attribuer une partie à certaines villes moyennes" et d'introduire dans le PLH des dispositions favorisant la réhabilitation du patrimoine par rapport au neuf. Dans le même temps, l'association demande "d'assouplir les dispositions règlementaires concernant les secteurs sauvegardés et les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP)" qui "renchérissent le coût de la réhabilitation dans les centres historiques". 
Plusieurs villes tentent d'avoir cette approche globale du problème. C'est le cas de Colmar dont le centre connaissait une vacance de 600 logements alors que la construction de logements en périphérie se poursuivait. "Nous sommes arrivés à faire réhabiliter 550 logements vacants", en particulier pour les personnes âgées, témoigne le maire de la ville Gilbert Meyer. C'est aussi le cas de Cahors qui possède un secteur ancien très dégradé. "Il ne faut négliger aucun des enjeux, privilégier une approche transversale", soutient le maire, Jean-Marc Vayssouze-Faure. Son plan passe par le renforcement de la tranquillité publique, la création d'un office du commerce et de l'artisanat, une Opah, l'implantation d'équipements, une politique de stationnement, des cycles de formation pour les architectes et les artisans...
Nevers est aussi un cas d'école avec un taux de vacance du logement de 20% et autant pour la vacance commerciale. Après son élection, le nouveau maire Denis Thuriot a lancé une "stratégie de reconquête" consistant tout d'abord à "stopper l'hémorragie de population, avec une baisse de la fiscalité", et reposant ensuite sur "une Opah-RU pour cinq ans", un travail sur l'accessibilité, la mobilité...

Une nouvelle offre de la Caisse des Dépôts prochainement dévoilée

Qu'ils soient élus ou chercheurs, tous s'accordent à dire que les programmes de revitalisation doivent se resserrer sur un périmètre restreint pour plus d'efficacité. Tous soulignent aussi le criant besoin d'ingénierie de ce type d'opérations. Villes de France demande de "généraliser et contractualiser des projets de centre-ville". Elle propose aussi d'élargir l'appel à manifestation d'intérêt Centre bourg permettant de financer l'ingénierie des villes de plus de 10.000 habitants, tout en s'appuyant sur les structures d'ingénierie locales (SEM départementales, agences d'urbanisme). Et enfin, d'impliquer l'Etat, la Caisse des Dépôts, les nouvelles régions et les départements dans le financement de cette ingénierie.
La Caisse des Dépôts a justement décidé de "prendre le taureau par les cornes" pour reprendre les mots de Marc Abadie. Son directeur général, Pierre-René Lemas, présentera le 30 mars, à l'occasion des vingt-cinq ans de Mairie-conseils, une toute nouvelle offre pour la revitalisation des centres des villes moyennes fragiles. Une politique qui va être expérimentée dans un premier temps dans une dizaine de "démonstrateurs" : Cahors, Nevers, Vierzon, Châlons-en-Champagne… Cette démarche repose sur plusieurs "prérequis", explique Michel-François Delannoy, expert en montages complexes à la Caisse des Dépôts : "l'existence d'un projet de redynamisation à la bonne échelle" et "l'importance accordée à la maîtrise de l'urbanisme commerciale à l'échelle du bassin de vie". Sans quoi, "on écope un bateau dans le flanc duquel on donne des coups de hache". La Caisse des Dépôts plaide également pour que le troisième programme d'investissements d'avenir "intègre la redynamisation des centres-ville au titre des expérimentations", indique-t-il.

 

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