Commerces - Revitalisation du commerce de centre-ville : trois programmes en un
"Associations de commerçants, collectivités, chambres consulaires… face à la crise qui touche certains centres-ville, face à la fermeture de certains commerces pourtant dynamiques, face à certains phénomènes de désertification, nous sommes tous mobilisés." Martine Pinville, secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, a porté ce message lors de la 11e édition des Rendez-vous du commerce, à Bercy le 30 novembre 2015, consacrée à la revitalisation et au développement des commerces en centre-ville.
Aux difficultés structurelles d'un certain nombre de centres-ville est venu s'ajouter le contexte tendu depuis les attentats du 13 novembre. D'après une étude de CCI Paris Ile-de-France publiée fin novembre, près de neuf commerçants parisiens sur dix ont constaté une baisse de fréquentation de leurs magasins, et les trois quarts ont vu leur chiffre d'affaires décliner depuis. Pour la secrétaire d'Etat, "les attentats ont entraîné une baisse d'activité, mais le retour à la normale est en cours ; la reprise est là, et il faut la soutenir".
Martine Pinville a notamment insisté sur la nécessité de voir tous les acteurs, publics comme privés, s'approprier les mesures prises depuis 2014. "Tout y est, précise-t-elle à Localtis à propos de la "boîte à outils" mise en place par le gouvernement dans le cadre de la loi Artisanat-Commerce-Très Petites Entreprises de juin 2014. Il faut maintenant que les territoires assemblent et s'organisent."
La loi a en effet mis en place un certain nombre de mesures visant à soutenir les commerces. Le Fisac a été rénové - passant d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, tout en ciblant particulièrement les territoires ruraux et les quartiers de la politique de la ville, les actions liées à l'accessibilité, les équipements de sécurité, et les dépenses d'animation. "Les résultats du premier appel à projets seront connus au premier trimestre 2016", a annoncé Martine Pinville. "Nous nous basons sur des critères spécifiques mais non restrictifs, et les fourchettes d'aide vont de quelques milliers d'euros à plus de 100.000 euros", détaille son cabinet. Le fonds est doté de 17 millions d'euros en 2015 dont une partie est utilisée pour éponger les dossiers en attente. Ce stock, correspondant à environ 250 dossiers, devrait être totalement écoulé début 2016, laissant la place aux nouveaux dossiers, sélectionnés via l'appel à projets.
La ville de Paris, première à tester le Crac
Autres mesures importantes : le droit de préemption, que les communes peuvent maintenant déléguer aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou à d'autres opérateurs publics (sociétés d'économie mixte, concessionnaires d'opérations d'aménagement notamment), et les contrats de revitalisation artisanale et commerciale (Crac) qui vont pouvoir être expérimentés pendant cinq ans. "La ville de Paris sera la première à expérimenter ce contrat. Tout est prêt, l'expérimentation a juste été repoussée à cause des attentats", signale-t-on au cabinet de Martine Pinville (voir ci-contre notre article du 30 novembre 2015). Le Conseil de Paris a en effet adopté lors de sa séance du 23 novembre le principe de l'élaboration d'un tel contrat pour développer et maintenir le commerce de proximité dans douze secteurs de la ville.
La refonte des commissions d'aménagement commercial (CDAC), le lancement de l'application Icode, permettant aux élus locaux de visualiser la densité commerciale sur un territoire donné, et la mise en place de la Commission de concertation du commerce, regroupant un grand nombre d'acteurs du secteur, complètent la boîte à outils du gouvernement, sans compter le guide des bonnes pratiques publié par le Conseil du commerce de France (CdCF), les efforts de professionnalisation des managers de centre-ville, organisés notamment par l'association d'élus Centre-ville en mouvement, et les actions mises en place du côté du ministère du Logement, de l'Egalité des territoires et de la Ruralité.
Une mission pour vérifier l'efficacité des outils disponibles
Ce ministère pilote notamment le programme de revitalisation des centres-bourg qui a pour objet de créer, dans 54 communes lauréates de moins de 10.000 habitants, des projets transversaux visant à limiter l'étalement urbain, à redynamiser l'offre de commerces et à relancer les activités et rénover ou réaliser des logements. Une enveloppe de 230 millions d'euros est prévue sur six ans. A ne pas confondre avec l'autre programme de revitalisation des centres de villes moyennes de moins de 50.000 habitants lancé, lui, dans le cadre du dernier comité interministériel aux ruralités de Vesoul du 14 septembre. 300 millions d'euros lui sont dédiés, pris sur le nouveau fonds de soutien à l'investissement local.
Lors de l'ouverture des rendez-vous du commerce, Martine Pinville a enfin apporté des précisions sur la mission conjointe mise en place avec Sylvia Pinel sur la revitalisation commerciale dans le cadre du plan sur le périurbain annoncé le 12 novembre dernier (sur le sujet, voir ci-contre notre article du 13 novembre). "Nous allons nous pencher sur le code de l'urbanisme et le code du commerce, avec un travail important d'adaptation, a-t-elle indiqué, dans une approche ouverte incluant différents ministères." La lettre de mission devrait être rédigée d'ici quelques jours. "Il s'agit de penser l'espace commun avant toute implantation et non a posteriori", explique le cabinet. La mission devra ainsi identifier les causes du mouvement de dévitalisation commerciale des centres-ville et réaliser une analyse comparative avec le Benelux, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne pour identifier les éventuelles bonnes pratiques qui pourraient être transposées en France.
La mission devra aussi examiner l'efficacité des outils disponibles pour dynamiser les territoires, et formuler des propositions pour renforcer les moyens pour anticiper les risques de friches commerciales, de dévitalisation et pour leur revitalisation. Des propositions qui impliqueront l'Etat, les collectivités et les commerçants. La mission devra s'appuyer dans son travail sur plusieurs cas concrets issus de l'appel à manifestation d'intérêt centres-bourg. Une consultation des associations d'élus et représentants de la profession est prévue pour aboutir à un rapport opérationnel comprenant des pistes d'évolution.