Commerce de proximité - Pour éviter la mort du petit commerce, Paris va mettre en oeuvre le Crac
Malgré les plans passés de soutien au petit commerce et l'existence de plus de 62.000 commerces dans la capitale, certains quartiers de Paris sont encore fragilisés. Pour mieux les connaître et les renforcer, la mairie a commandé en mars un diagnostic à l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Ses premiers résultats ont permis d'identifier les zones géographiques les plus concernées par un déficit de commerces, des vacances importantes et/ou de la monoactivité commerciale, dans des domaines comme le textile ou l'informatique. Lors de sa séance du 23 novembre, le Conseil de Paris a donc adopté le principe de l'élaboration d'un contrat de revitalisation artisanale et commerciale (Crac) pour développer et maintenir le commerce de proximité dans la ville. Ce contrat de revitalisation sera au cœur du plan de soutien aux artisans et commerçants de proximité parisiens, rendu public le 10 novembre par Olivia Polski, adjointe au maire en charge du commerce et de l'artisanat.
Délégation du droit de préemption
La loi du 18 juin 2014 sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises, prévoit en effet la possibilité d'expérimenter pendant cinq ans ce type de contrats. Dans le cadre des cette expérimentation, l'opérateur choisi est chargé d'acquérir les biens nécessaires à la mise en œuvre du contrat, y compris via le droit d'expropriation ou le droit de préemption. Pour ce faire, les communes ont désormais la possibilité de déléguer leur droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et certains terrains faisant l'objet de projets d'aménagement commercial. Ces nouveaux contrats doivent permettre de favoriser la diversité, le développement et la modernisation des activités dans des périmètres dont l'activité commerciale doit être renforcée et diversifiée. Ils sont aussi destinés à contribuer à la sauvegarde et à la promotion du commerce de proximité.
Première a élaborer un Crac, la ville de Paris apparaît devancière à double titre. Le cadre juridique et réglementaire instauré par le gouvernement formalise en effet pour une large part le dispositif élaboré pour mener l'opération Vital'Quartier, mise en place depuis 2004. Pour cette opération, la mairie a délégué son droit de préemption de locaux commerciaux à un opérateur, la Société d'économie mixte d'aménagement de l'est parisien (Semaest), et lui a apporté des moyens financiers sous forme d'une avance de 57,5 millions d'euros pour Vital'Quartier 1 (2004-2015) et de 34 millions d'euros pour Vital'Quartier 2 (2008-2021), remboursables à la fin de l'opération, via la revente par l'aménageur des locaux à leurs occupants ou à une filiale foncière. Depuis 2004, 374 boutiques parisiennes (soit 38.000 m2) ont ainsi été préemptées ou acquises de gré à gré, puis rétrocédées, après rénovation et remise aux normes, à des petits commerçants.
Douze secteurs identifiés, un budget de 37 millions d'euros
Dans le cadre du Crac, un budget de 37 millions d'euros est prévu, pour une durée de contrat de douze ans (2016-2028). Un opérateur sera sélectionné à l'issue d'une procédure de mise en concurrence à l'automne 2016. D'après l'exposé des motifs du projet de délibération, deux grands types d'intervention sont attendues de l'opérateur : les interventions de type "assistance à maîtrise d'ouvrage" ou des interventions de type "foncières".
Les premières pourraient inclure des prestations telles que la veille foncière, la coordination des acteurs de l'immobilier commercial ou la réalisation de prescriptions architecturales et techniques ; la mise en réseau de professionnels, l'analyse des projets de commerçants ou l'accompagnement économique des commerçants ; l'animation commerciale. Les interventions de type "foncières" pourraient inclure des acquisitions (murs, fonds, baux) à l'amiable ou par préemption, des acquisitions de linéaires de locaux en rez-de-chaussée de programmes immobiliers neufs ou la réalisation de travaux.
Douze secteurs ont été identifiés. Quatre ont déjà bénéficié du dispositif Vital'Quartier mais sont considérés comme "encore fragiles" : Saint-Denis (1er-2e), Fontaine-au-Roi (11e), Sedaine-Popincourt (11e), Daumesnil-Montgallet (12e). S'y ajouteront huit en périphérie : Saint-Mandé-Picpus (12e), Masséna (13e), Montsouris (14e), Général-Leclerc (14e), Castagnary (15e), Faisceau Nord-Est (18e-19e), Les Hauts de Belleville (19e-20e), Charonne-Réunion (20e). Des recoupements apparaissent entre ces secteurs et les périmètres situés en "politique de la ville", dans les quartiers "grand projet de renouvellement urbain" (GPRU), et aux portes de Paris.
Pour la mairie, l'installation et la préservation du commerce de proximité "favorisera la création d'emplois tout en participant au maintien du lien social et à l'amélioration du cadre de vie des habitants de ces quartiers". La ville a annoncé également son ambition de "réinjecter de la diversité commerciale" dans les 6.500 locaux en rez-de-chaussée des immeubles gérés par les bailleurs sociaux, à l'occasion des renouvellements de baux.
Face aux difficultés que rencontrent les commerces de nombreux centres-ville, d'autres collectivités pourraient être amenées à élaborer prochainement un Crac. Les commerçants de Tarbes ont ainsi récemment invité les élus de leur intercommunalité à se saisir du dispositif.
Laurent Terrade
Un label "Fabriqué à Paris" sera mis en place d'ici fin 2016
Le Conseil de Paris a voté lundi 23 novembre la création, d'ici fin 2016, d'un label "Fabriqué à Paris". Ce label, qui a pour but de "valoriser la créativité et le savoir-faire parisiens", sera un "bouclier face à l'hégémonie culturelle des grandes enseignes", selon le groupe PCF-Front de gauche, à l'origine de l'initiative. L'attribution du label, qui sera élargi à la métropole parisienne, sera discutée avec les fédérations professionnelles et donnera lieu à un partenariat avec un organisme de certification. Ce label sera entre autres accessible aux activités de fabrication implantées sans les secteurs concernés par le contrat de revitalisation du commerce et de l'artisanat (Crac), dont l'élaboration a été décidée le 23 novembre.
L.T., avec AFP
Références : loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises ; décret n° 2015-815 du 3 juillet 2015 relatif à la procédure d'attribution des contrats de revitalisation artisanale et commerciale ; décret n° 2015-914 du 24 juillet 2015 modifiant certaines dispositions du Code de l'urbanisme relatives au droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l'objet de projets d'aménagement commercial.