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Aménagement commercial - Commerce : "Les grandes métropoles ont gagné la bataille territoriale"

Après les centres-ville et les centres commerciaux, Procos conclut son triptyque sur les vacances commerciales avec les zones commerciales de périphérie. Des villes cumulent un taux de vacance élevé en périphérie et dans leur centre. Il s'agit essentiellement d'anciennes villes industrielles qui ont cédé au mirage commercial sans régulation. Là, les élus risquent d'être rapidement confrontés à un problème de friches commerciales.

Après ses précédentes études sur les vacances commerciales en centre-ville et dans les galeries de centres commerciaux, Procos poursuit son travail avec une troisième étude sur les vacances des zones commerciales situées en entrée de ville. La vacance y est cette fois de 5,5%, ce qui correspond à un niveau "modéré", juge la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé, dans cette étude présentée le 11 juin. Ce taux - à mettre en parallèle avec les 7,2% de vacances en centre-ville et les 3,8% des centres commerciaux de périphérie - témoigne "d'un déficit de commercialité de nature plus conjoncturelle que structurelle", en déduit-elle.
L'activité des zones commerciale de périphérie est désormais essentiellement tirée par les moyennes surfaces du type Décathlon, Darty, La Halle aux chaussures... le seul format qui se développe. Au cours des vingt dernières années, leur nombre a progressé de 60% quand, dans le même temps, le nombre total de magasins a diminué de 6%. Leur chiffre d'affaires a progressé de 84% contre 65% pour l'ensemble du commerce.
La vacance des zones commerciales des entrées de ville varie cependant en fonction de la taille des agglomérations. Elle ne dépasse pas 4% dans les métropoles comme Lyon, Lille ou Bordeaux. Elle reste assez faible dans les petites agglomérations de 15.000 habitants où les moyennes surfaces profitent d'un contexte moins concurrentiel. Mais c'est dans les agglomérations de taille moyenne qu'elle est la plus élevée, à 6%. Dans ces territoires, la concurrence est déjà plus soutenue. Mais ils ne bénéficient pas encore d'effets d'agglomération pour doper la consommation.

Dix-huit agglomérations dans une situation délicate

Comme elle l'avait fait pour les centres-ville, la fédération a fait ressortir les agglomérations qui se trouvent ainsi en difficulté avec un taux de vacance supérieur à 9%. Dix-huit agglomérations sont ainsi dans une situation délicate, notamment Forbach qui présente le taux de vacance record de 15% dans ses entrées de ville. Mais, grâce aux données récoltées dans sa précédente étude sur les centres-ville, Procos distingue deux types d'agglomérations. Tout d'abord, celles dont la vacance est limitée exclusivement à ses seules zones commerciales : Abbeville, Albi, Metz, Montceau-les-Mines, Périgueux et Vannes. Les causes sont alors à chercher dans un un éparpillement des zones commerciales. C'est le cas d'Actisud à Metz étalé sur 225 hectares ou de Kerlann à Vannes. Pour ces villes, il s'agit donc d'un problème d'aménagement auquel les collectivités peuvent tenter de remédier, à condition d'en prendre conscience. "On est typiquement dans une problématique de renouvellement urbain où il s'agit de recompacter, redensifier", explique Pascal Madry, directeur de Procos. Le problème peut être pris en compte dans les Scot ou les DAC. Mais" les choses ne sont pas souvent formulées dans les termes, il y a un travail pédagogique à faire auprès des élus", poursuit-il.
La deuxième catégorie est plus problématique. Il s'agit des villes où le taux de vacance est élevé, tous types de commerce confondus (périphérie et centre-ville). C'est le cas d'Alençon, Carcassonne, Châtellerault, Chaumont, Dole, Guéret, Lannion, Montluçon, Perpignan, Forbach, Troyes et Vichy. Perpignan est l'un des exemples les plus criants, avec un taux de vacance en centre-ville de 16% et de 10,76% en périphérie ! Ces territoires souffrent d'un problème plus général de manque d'attractivité "où la vacance n'est qu'un symptôme de difficultés territoriales plus importantes". On y trouve essentiellement des villes industrielles qui ont subi de plein fouet les effets de la désindustrialisation depuis une vingtaine d'années (baisse de la population, du nombre d'actifs, des revenus…). Or, pris de panique par les fermetures d'usines, les élus ont cédé au mirage commercial, avant même qu'un marché de consommation locale n'ait eu le temps de se recomposer et que les conditions d'une relance du commerce n'aient été remplies. "Ils mettent les wagons avant la locomotive", résume Pascal Madry. Face à cette absence de régulation du marché, les municipalités n'ont malheureusement pas beaucoup de cordes à leur arc. Ce n'est pas "le Fisac ou un réaménagement qui résoudra le problème", précise-t-il.

Les collectivités face à un risque important

Quelques villes moyennes parviennent à tirer leur épingle du jeu, avec un taux de vacance inférieur à 5%. Ce sont des villes généralement proches du littoral ou des flux touristiques telles que Dieppe, Albertville, Fréjus ou encore Auch qui affiche un taux de vacance de 0% !
Pour Michel Pazoumian, le délégué général de Procos, "les douze grandes métropoles ont gagné la bataille territoriale, là où on constate le moins de vacance, où les chiffres d'affaires sont bons. Les villes moyennes, en revanche, sont en souffrance depuis longtemps. Ne s'en sortent que celles qui ont des flux touristiques".
Or le phénomène de vacance pourrait s'aggraver avec l'essor d'internet et des achats en ligne qui, selon le directeur de Procos, devraient progresser de 20% d'ici à 2020. Pour le moment, le tissu commercial affiche une "grande résistance". Mais pour combien de temps ? "On anticipe une progression des surfaces commerciales de 3 à 4%, quand la consommation devrait augmenter de 1 à 2%. Il y a un découplage croissant (…). Si on projette cette tendance, il y a un risque très fort qui pèse sur le parc de surfaces", prévient-il. Que faire alors des futures friches commerciales ? "Les collectivités sont face à un risque important. Quand on regarde les documents d'urbanisme, pour l'instant, elles ne sont que dans une posture de gestion des flux d'extension, pas du tout dans une logique de recyclage de surfaces qui ne seront plus utiles au commerce demain."

Michel Tendil

Contrats de revitalisation : vers une dizaine de villes pilotes

Placée sous le thème de la "Revitalisation des centres-ville", l'assemblée générale du Conseil du commerce de France s'est réunie mardi 10 juin, quelques jours après l'adoption du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux TPE. La nouvelle secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire, Carole Delga, est justement venue, pour sa première sortie officielle, défendre ce texte fraichement adopté qui prévoit des mesures renforçant le droit de préemption commercial des communes. Parmi les mesures "visant à favoriser la diversité […] dans des territoires marqués soit par une désertification commerciale, soit par un développement de la mono-activité" figure le contrat de revitalisation commerciale qui devra être expérimenté pendant cinq ans et qui devrait permettre aux maires de redynamiser des quartiers en réunissant les acteurs locaux sans passer par des plans d'aménagement.
D'après les services du secrétariat d'Etat, une dizaine de municipalités au moins devraient participer à l'expérimentation de ces contrats et l'on attend déjà les premières candidatures. Toutefois, la phase de test, dont les rapports d'expérience pourront éventuellement donner lieu à des avenants au texte de loi, ne commencera qu'après la signature des décrets d'application, sans doute d'ici la fin de l'année.
Au secrétariat d'Etat, on explique que le contrat de revitalisation, inscrit au coeur de la loi, même s'il n'apporte en soi aucune innovation juridique, devrait permettre aux maires de disposer d'une "boîte à outils" permettant de réunir des acteurs publics et privés, notamment par la nouvelle possibilité de déléguer le droit de préemption à un opérateur de type société d'économie mixte (SEM) ou à une intercommunalité.
 

Jean-François Guélain