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Urbanisme commercial - Surfaces commerciales : attention à la bulle immobilière

En dépit du bon sens, élus, investisseurs et distribution se lancent dans une course à la construction de grandes surfaces en Ile-de-France qui risque de conduire à une bulle immobilière. "Le décrochage entre le contexte économique de crise et l'ampleur des perspectives de développement du parc commercial est inquiétant", alerte l'institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Ile-de-France dans une note clairement intitulée "Surproduction de surfaces commerciales, vers une bulle immobilière ?". Des centres commerciaux sont en train de fleurir un peu partout dans la région : 58 projets d'au moins 10.000 m2 représentant un peu plus de 1,5 million de m2. Un peu moins de la moitié sont déjà autorisés en CDAC (commission départementales d'aménagement commercial).
L'un des plus emblématiques est le centre commercial EuropaCity porté par le groupe Auchan dans le triangle de Gonesse. Un complexe gigantesque qui couvrira une surface de 225.000 m2 de commerces, sans compter les hôtels, restaurants, parcs d'attraction, centre aquatique, équipements culturels et même une piste de ski ! C'est d'ailleurs une tendance marquée : les espaces commerciaux sont de plus en plus pensés comme des lieux de vie.
Dans un contexte de concurrence accrue, les points de vente doivent évoluer trouver de "nouveaux concepts". "Tout est fait pour améliorer le confort d'achat du consommateur : voiturier, scooturier, conciergerie, personal shopper, garderie d'enfants, espace internet, etc.", indiquent les auteurs Carole Delaporte et Christine Tarquis. Les centres ouverts récemment comme Beaugrenelle à Paris (50.000 m2) ou Aéroville à Tremblay en France (37.000 m2) ont misé là-dessus. L'IAU constate aussi le développement de commerces d'itinéraires dans les aéroports, les gares, comme la galerie de Saint-Lazare (10.000 m2), ou au sein des équipements sportifs.

Responsabilités partagées

Seulement voilà, tous ces projets pharaoniques apparaissent dans un contexte déprimé pour la grande distribution : ralentissement de la consommation, baisse du pouvoir d'achat depuis 2008, changements d'habitudes, attrait de plus en plus marqué pour les achats d'occasion, le bio, les circuits courts, développement du e-commerce et des drive… "L'ensemble des indicateurs de la distribution sont dans le rouge, le chiffre d'affaires baisse depuis 2008, la vacance augmente et les rendements diminuent."
Or, cerise sur le gâteau : "Plus de la moitié des surfaces autorisées sont localisées entre 10 et 30 km de Paris, témoignant d'un décalage avec la répartition spatiale de la population et les dynamiques démographiques."
Selon l'IAU, les responsabilités sont partagées entre les enseignes de distribution qui cherchent à gagner des parts des marché sur leurs concurrents, les investisseurs qui sont passés d'une logique patrimoniale à une logique financière et les collectivités locales. Ces dernières sont "de plus en plus déconnectées des besoins réels du besoin de chalandise et dépendent d'autres éléments comme la création d'emplois (10.000 sont annoncés pour le cas de Gonesse, ndlr), l'augmentation des recettes fiscales, ou encore la concurrence territoriale, souligne la note.
Face à cette surproduction de surfaces commerciales, les prix (valeurs locatives ou foncières, actifs) se trouvent aujourd'hui déconnectés de leur valeur économique. L'IAU préconise une régulation à l'échelle régionale qui permettrait de "mieux canaliser cette course en avant".