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Développement local - Commerce : 14 villes sont dans le rouge

Les commerces d'une cinquantaine de centres-ville sont dans une situation préoccupante, selon une étude inédite de Procos. Les zones marchandes se rétractent de plus en plus. Dans quatorze villes, c'est l'hyper-centre qui est aujourd'hui touché avec un taux de vacance supérieur à 10%. La fédération alerte sur "l'émergence d'une nouvelle crise du commerce en centre-ville".

"A louer", "bail à céder", "fonds de commerce à vendre"… Dans une cinquantaine de centres-ville, la situation du commerce se trouve très fragilisée. A tel point que Procos craint "l’émergence d’une nouvelle crise du commerce en centre-ville". 46 centres-ville affichent un taux de vacance supérieur à 10%, selon une étude inédite sur l’évolution de l’offre commerciale de 200 centres-ville en France, depuis 2000, divulguée jeudi 24 octobre, par la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé. C’est deux fois plus qu’en 2001. Le phénomène touche essentiellement les petites et moyennes villes, les métropoles, elles, sont épargnées. Le taux de vacance en France est passé de 6 à 8% entre 2001 et 2013. Pour la fédération, le seuil d’alerte est franchi. "Au-delà de 6%, c’est un phénomène structurel, installé et durable", commente Pascal Madry, directeur de Procos. La tendance est donc lourde et dépasse les effets de la crise. Procos pointe tout d’abord l’étalement urbain qui a conduit à une très forte augmentation de la population en proche et lointaine banlieues. Celle-ci a doublé depuis les années soixante, alors que la population des centres stagne autour de 15 millions d’habitants. Aujourd’hui les trois quarts des commerces ouvrent en périphérie. Pour Pascal Madry, "on assiste à des mouvements de fond qui ne sont pas très favorables à nos centres-ville". Le phénomène nouveau, c'est que le cœur de certaines villes, c’est-à-dire le dernier bastion du commerce, est lui-même affecté. Ainsi, dans quatorze villes de plus de 50.000 habitants, le taux de vacance dépasse les 10% dans l'hyper-centre. Il s’agit d’Alençon, Arras, Aubenas, Béziers, Châlons-en-Champagne, Châteauroux, Grasse, Lannion, Lens, Perpignan, Roubaix, Tourcoing et Vierzon. Procos parle de "ruptures violentes".

Désindustrialisation

Nombre de ces villes ont été marquées par la désindustrialisation, constate la fédération. Les élus ont alors tenté de compenser la disparition de leurs industries par les services. "Jusque-là ça tenait, mais les revenus de transferts sociaux ont diminué […] la baisse du revenu a entraîné un effondrement de la rente commerciale", souligne Pascal Madry. Pour certaines villes, le coup de grâce a été le déménagement de nombreux services publics dans le cadre des récentes réformes (tribunaux, casernes, trésoreries…).
L’un des exemples les plus révélateurs est Alençon, en Basse-Normandie, où 1.000 salariés se sont retrouvés sur le carreau quand l’usine Moulinex a fermé en 2001. La ville a alors fait le choix du tertiaire… et de la grande distribution. Elle compte deux pôles commerciaux et 100.000 m2 de surfaces commerciales doivent encore sortir de terre. N’ayant plus que ses yeux pour pleurer, la municipalité a recruté un manager du centre-ville qui doit tenter comme il peut d'arrêter l’hémorragie… "Toutes ces villes ont compensé la désindustrialisation par du tertiaire surdimensionné", explique Pascal Madry. "Si rien ne bouge, c’est la mort du centre-ville", prévient-il.

Grande distribution

Le lien avec la grande distribution, longtemps mis sous le boisseau par les pouvoirs publics  - "Dans tous les pays où on a libéralisé les grandes surfaces, il n'y a pas eu disparition du petit commerce", assurait le secrétaire d'Etat au Commerce Hervé Novelli, en 2009 -, saute aux yeux. Le commerce de centre-ville a diminué de 3,7% ces dernières années quand, dans le même temps, le parc de surfaces commerciales a doublé, essentiellement en périphérie. L’évolution de la nature du commerce spécialisé ces douze dernières apporte un autre éclairage. Alors que l’hôtellerie, l’alimentaire, la restauration, les équipements de la personne (magasins de vêtement), l’hygiène, beauté, santé (salons de coiffures, magasins de cosmétiques, pharmacies…) se maintiennent voire progressent, les équipements de la maison (ameublement, électroménager, bricolage) et les loisirs enregistrent une baisse importante… C’est-à-dire les secteurs trustés dans les périphéries par les géants Ikéa, Décathlon, Go Sport, Darty et autres Bricorama… Entre 2011 et 2013, la part des équipements de la maison est ainsi passée de 7 à 4% dans les centres des villes de 50.000 à 250.000 habitants. Dans le même temps, l’offre commerciale en centre-ville s’est de plus en plus concentrée entre les mains d’enseignes nationales dont la part est passée de 27,9% à 35,7%. "Les rues de Rouen ne comptaient que des artisans au 19e siècle, dans les années 1970, elles possédaient encore énormément d’indépendants, aujourd’hui, ce qui est remarquable, c’est la présence des enseignes", constate Pascal Madry.
Autre constat : les zones marchandes se rétractent et se concentrent de plus en plus autour des "rues numéro 1" où se presse aujourd’hui un tiers du commerce de centre-ville. Le même phénomène se produit en périphérie avec une concentration de "type faubourien" marquée par la présence de commerces de proximité et de services.
Or, mauvaise nouvelle pour le commerce de centre-ville, la réforme de l’urbanisme commercial vient d’être retirée du projet de loi Alur. En revanche, Procos se réjouit du projet de loi de Sylvia Pinel sur l'artisanat, le commerce et les TPE, présenté en Conseil des ministres le 21 août.  Attendu à l'Assemblée début 2014, il vise notamment à mieux encadrer les loyers commerciaux qui ne baissent pas en centre-ville, malgré une baisse de fréquentation. "Depuis deux ou trois ans, le seul mot d'ordre [des commerçants] est : je suis opportuniste, je prends les loyers bas", explique Michel Pazoumian, le directeur général de Procos. Or "le premier facteur qui enclenche le départ des commerçants, c'est le coût des loyers", renchérit Pascal Madry.