Artisanat - Projet de loi Artisanat : il faudra attendre 2015 pour l'application des mesures
"Il y a une contradiction à dire que le problème concernant l'artisanat est important et en même temps de reporter aux calendes grecques l'échéance de ces mesures." François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA) aurait souhaité que les mesures prévues dans le cadre du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, présenté en Conseil des ministres le 21 août par Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme, puissent s'appliquer au plus vite. Or le texte ne sera examiné par le Parlement qu'en début d'année 2014 et les mesures applicables seulement à partir de 2015.
Le projet de loi, qui prévoit dix-huit mesures concernant l'artisanat, organisées en trois axes principaux, est destiné à améliorer la vie des petits entrepreneurs qui représentent plus de 30% des entreprises françaises et génèrent 10% du PIB. Il intervient après la mise en place d'un pacte pour l'artisanat, composé de 33 mesures, lancé en janvier 2013. Il propose de mieux encadrer la qualité d'artisan. Avec la loi de mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, dite loi Warsmann, toute personne inscrite au répertoire des métiers pouvait se prévaloir de la qualité d'artisan, sans autre condition. Le texte de Sylvia Pinel propose de réserver cette qualité d'artisan aux personnes qui peuvent justifier d'une qualification professionnelle par un diplôme ou une expérience effective du métier. Et cette exigence sera mieux contrôlée, non seulement par les agences de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mais également par les chambres de métiers et de l'artisanat. Mais l'APCMA aurait aimé une application immédiate de la mesure. "On se retrouve dans une situation où la loi Warsmann est venue modifier la qualité d'artisan dans une conception qui ne nous convient qu'à moitié. Pourquoi reporter la mesure du projet de loi à 2015 ? Entre septembre 2013 et janvier 2015, on va se retrouver dans une situation non pertinente", explique ainsi François Moutot à Localtis.
Un meilleur accès au droit de préemption
Le texte aborde aussi la question des baux commerciaux, et particulièrement du droit de préemption. Depuis 2005, les communes peuvent acquérir de façon prioritaire, via ce droit, dans un périmètre déterminé, des fonds commerciaux ou artisanaux, baux commerciaux et terrains dont les propriétaires ont décidé la mise en vente. Mais la mise en œuvre de ce droit est souvent complexe et sous-utilisé par les communes. Le projet de loi propose de simplifier son accès en permettant aux communes de le déléguer à un établissement de coopération intercommunale, à un établissement public ayant vocation à exercer ce droit ou à un concessionnaire d'une opération d'aménagement. L'objectif de la disposition est d'amener les communes à mutualiser leurs ressources ou à faire appel à l'expertise d'opérateurs spécialisés. En parallèle, le ministère va lancer un bilan du dispositif pour mieux l'adapter aux besoins des collectivités.
Une meilleure représentation des élus dans les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) est également prévue. Ces commissions, qui délivrent les autorisations pour la construction des grandes surfaces commerciales, sont composées de huit élus. Le projet de loi permet de rétablir l'équilibre de la représentation des collectivités locales dans les commissions, en permettant à des élus qui ont plusieurs mandats (comme par exemple maire et président de communauté de communes) d'être représenté pour chacun de ces mandats.
Le texte propose également des mesures pour mieux encadrer les loyers commerciaux. L'indice des loyers commerciaux (ILC), créé en 2008 mais peu utilisé, va remplacer l'indice du coût de la construction (ICC) pour le calcul des loyers. Ce dernier, qui avait la préférence des bailleurs, est indexé en fonction des variations des prix des matières premières et augmente plus vite. Il a ainsi gagné 2,48% chaque année entre 2007 et 2012. Il s'agissait notamment d'une revendication de Procos, la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé. Dans ce domaine, le texte propose aussi de rendre obligatoire l'établissement d'un état des lieux d'entrée et de sortie, et donne au commerçant locataire un droit de préférence en cas de vente du local par son propriétaire. Objectifs : faciliter l'accès à la propriété et pérenniser les commerces, notamment dans les centres-ville.
Un Fisac rénové
Concernant le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), le texte se limite à l'annonce de sa rénovation. Ce fonds, qui soutient les entreprises artisanales et les commerces de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées par les évolutions économiques et sociales, permet le versement de subventions aux collectivités et entreprises. Mais le dispositif "fonctionne selon une logique de guichet qui ne lui permet pas de remplir ses missions de service public" et, du fait d'une dotation trop faible, il ne peut répondre à toutes les demandes qui lui sont faites, souligne le texte. Les modalités de mise en œuvre du fonds devraient être simplifiées. Il sera à l'avenir piloté au plan budgétaire en fonction des crédits disponibles et en évitant des délais d'attente très longs. Dans un communiqué du 21 août, l'Union professionnelle artisanale (UPA) estime que ces mesures relatives à l'amélioration de l'efficacité de l'action publique devraient contribuer à la dynamisation du commerce de proximité. En revanche, l'UPA s'inquiète des ressources à la baisse du Fisac. Elle dénonce également le manque de mesures destinées à faire face au "développement anarchique des drives". La réglementation des drives, très attendue par les commerçants, ne fait en effet pas partie des dispositions du projet de loi mais est intégrée au projet de loi "Aménagement, logement et urbanisme rénové" (Alur).
Le texte comporte également la réforme du statut d'autoentrepreneur. Il abaisse le seuil de chiffres d'affaires à partir duquel au bout de deux années consécutives un autoentrepreneur doit rejoindre le régime général d'entreprise individuelle. Mais ces seuils (19.000 euros dans l'artisanat et les professons libérales, contre 32.600 euros aujourd'hui, et 47.500 euros dans le commerce, contre 81.500), qui ont été largement critiqués, n'apparaissent pas tels quels dans le texte. Ils sont renvoyés à un futur décret. Pour l'APCMA, il faudrait que tout créateur d'entreprise puisse bénéficier de ces avantages fiscaux, durant une période de un an, pour ensuite rejoindre le régime général. "Ce problème date de plus de quatre ans, il bouleverse la création d'entreprises, crée des situations dommageables de concurrence déloyale vis-à-vis des artisans, souligne François Moutot, nous ne comprenons pas l'urgence qu'il y a à reporter ces décisions !"
Emilie Zapalski
Référence : loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives ; projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.