Commerce - Vacance commerciale : comment les maires se mobilisent
La vacance commerciale dans les centres des petites et moyennes agglomérations s'est encore accentuée en 2014, d'après les derniers chiffres de Procos, la fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé. Le taux de vacance commerciale a ainsi atteint 8,5% l'an dernier après 7,8% en 2013 et 7,2% en 2012. Phénomène qui concerne quasiment toutes les villes, précise la fédération, mais qui est plus marqué dans les agglomérations de moins de 50.000 habitants (9,3% de vacance) et celles comprises entre 50 et 100.000 habitants (10,2%). A l'opposé, les centres-ville des grandes métropoles "apparaissent relativement épargnés" : le taux de vacance n'est que de 6,8% pour celles de plus de 500.000 habitants. Procos y voit là une conséquence des "économies d'agglomération". En clair, les métropoles résistent mieux du fait de la concentration de leurs activités, des infrastructures de transport et des débouchés "plus que proportionnels à leur poids de population".
65 centres sur 200 durement affectés
Autre signal inquiétant : sur les 200 centres-ville passés en revue par Procos, le nombre de ceux qui se portent très bien a fortement régressé de 40 à 22 en un an, quand le nombre de ceux en situation "très défavorable" est passé de 45 à 65… Un tiers des centres sont aujourd'hui durement affectés !
L'anémie des centres s'inscrit dans une tendance durable, celle d'un marché de l'immobilier en centre-ville de plus en plus cher pour un taux de profit en régression du fait de l'évolution modérée de la consommation par rapport à la contruction de surface commerciale. "Les commerçants paient des locaux commerciaux plus chers et moins profitables", résume Procos. Autre élément important : l'afflux de nouveaux habitants dans le périurbain et l'étalement progressif des villes depuis une quinzaine d'années. "La population de la deuxième couronne croît plus rapidement que les autres. Et c'est aussi dans cette seconde couronne que s'ouvre désormais la majorité des nouvelles surfaces commerciales en France."
Les centres relégués sont ceux des villes qui tirent la plus grande partie de leurs revenus des transferts publics : retraités, fonctionnaires, chômage, minimas sociaux… A des villes comme Carcassonne, Guéret, Nevers ou Vierzon sont venues se rajouter depuis une quinzaine d'années Alençon, Autun, Bourges, Calais, Forbach, Orange, Sarreguemines ou encore Saint-Quentin-en-Picardie.
Les territoires qui s'en sortent le mieux sont ceux qui tirent encore une part importante de leurs revenus des activités industrielles et agricoles - Angers, Beaunes, Nantes, etc. - ou touristiques, comme Biarritz, Saint-Malo, La Rochelle ou Aix-en-Provence.
Vers une délégation du droit de préemption
Face à cette situation, les élus locaux – qui ont ouvert les vannes à la construction de grandes surfaces en périphérie ces dernières décennies, souvent dans une concurrence mortifère entre eux – sont aujourd'hui "de plus en plus nombreux à se mobiliser pour enrayer le mitage des linéaires commerciaux de leur centre-ville", observe Procos. Au-delà des leviers classiques de l'attractivité (transport, logement, sécurité, stationnement…), les élus disposent d'outils leur permettant de mieux suivre l'évolution du commerce sur leurs territoires. Ces atlas sont souvent mis en place par les chambres consulaires, comme à Brest ou Cherbourg, ou par les agences d'urbanisme, notamment à Lorient. A Mulhouse - cas d'école où la construction du tramway avait fait fuir les clients vers la périphérie, entraînant la fermeture de nombreux magasins – une plateforme de mise en relation entre les bailleurs et les commerçants a été créée...
Certaines collectivités ont par ailleurs su faire bon usage du droit de préemption pourtant jusqu'ici compliqué à mettre en œuvre et onéreux pour les petites communes. A partir de 2012, Epernay s'est ainsi lancée dans une politique de reconquête de son hyper-centre en mettant en place un "comité stratégique"…
Enfin, ultime recours pour les maires : l'application d'une taxe sur les friches commerciales prévue à l'article 1530 du Code général des impôts. Il s'agit d'une taxe sur les locaux commerciaux inoccupés pendant au moins deux ans. Elle est mise en place soit par la commune soit par l'intercommunalité. Alençon, Calais ou la Roche-sur-Yon l'appliquent… Mais attention, précise Procos, il s'agit d'un "dernier recours, car il explose la collectivité au risque de décourager l'investissement immobilier sur son centre-ville et paradoxalement, de précipiter le phénomène contre lequel il propose de lutter".
Enfin, les élus auront bientôt une nouvelle corde à leur arc : le contrat de revitalisation commerciale. Prévu par la loi Artisanat, Commerce et TPE du 18 juin 2014, ce contrat aurait dû faire l'objet d'un décret courant juin comme l'avait annoncé l'ancienne secrétaire d'Etat au Commerce Carole Delga, le mois dernier, peu avant de quitter le gouvernement. Ce contrat destiné aux villes moyennes sinistrées soit du fait de la disparition des commerces, soit par le développement de monoactivités sera expérimenté pendant cinq ans. Il permettra aux maires de déléguer leur droit de préemption à des sociétés d'économie mixte ou à leur intercommunalité afin de constituer des réserves foncières et ce à moindre coût pour eux.